Sécheresse : la Confédération Paysanne demande un soutien pour l’agriculture « au moins aussi fort que celui apporté au tourisme »
C’est un rendez-vous presque hebdomadaire par temps sec. Le comité sécheresse s’est réuni en préfecture mardi 19 juillet. Chaque profession dépendante de l’eau y défend ses intérêts, tout comme les associations de défense de l’environnement ou de consommateurs dont les sièges se comptent sur les doigts d’une main.
Ces comités commencent toujours par un point de situation donné par les gestionnaires de l’eau, dont Météo France, des organismes de gestion des cours d’eau, l’ARS et EDF. Le constat est clair et inchangé par rapport aux précédentes semaines : bientôt six mois se sont écoulés sans pluie conséquente, et l’énorme déficit de neige de cet hiver a considérablement limité les stocks d’eau en montagne, la situation reste donc « catastrophique » selon la Confédération Paysanne des Hautes-Alpes.
Au sein du comité, les élus ruraux commencent à dire leur inquiétude sur l’approvisionnement dans leur commune. Le secteur du tourisme – structures d’eau-vive ou de loisirs sur lacs – trouve une bonne oreille dans ces réunions, des dires de la Confédération. Le monde agricole, plus gros consommateur d’eau, est sévèrement impacté par les restrictions imposées ou décidées en interne par les agriculteurs.
En effet, les bassins versants du Buëch-Méouge et de l’AEygues sont placés en alerte renforcée depuis le 8 juillet, la Durance et le Drac-Gapençais en alerte et le reste des Hautes-Alpes en vigilance.
Concrètement, l’« alerte renforcée » est le dernier niveau de gravité avant celui de « crise ». Il implique notamment l’interdiction d’irriguer entre 9h et 19h par aspersion et en gravitaire – c’est à dire par des réseaux de canaux dans lesquels l’eau déviée des cours s’écoule par gravité. Seule exception : le gravitaire dit « maîtrisé » pour les eaux de la Durance.
Ceci étant, la Confédération Paysanne rappelle que 80 % des surfaces cultivées dans les Hautes-Alpes ne sont pas irriguées et fonctionnent « au pluvial », fourrages et céréales essentiellement. Restrictions ou pas, ces agriculteurs là n’ont aucune solution pour pallier l’absence de pluie. Leurs rendements se sont effondrés cette année rapporte Thomas Raso, représentant ‘Eau » de la Confédération Paysanne au sein du comité sécheresse.
Les agriculteurs bougent les animaux sur plusieurs kilomètres pour aller les faire boire, avec des conséquences sur le rendement de lait, l’épuisement des agriculteurs
Depuis le mois de juin, des agriculteurs du sud des Hautes-Alpes ont décidé collectivement l’abandon de certaines cultures. En priorité celles à faible valeur ajoutée comme les fourrages. À l’inverse, l’arboriculture, le maraîchage et la production de semences peuvent difficilement être sacrifiés. Une manière de diminuer les prélèvements en eau pour montrer la bonne foi des agriculteurs… et éventuellement obtenir des contreparties ailleurs, comme cette baisse des débits réservées « demandée et accordée » sur le Buëch, explique Thomas Raso.
Le comité sécheresse tente de gérer conjointement l’urgence et le long-terme. L’urgence, c’est limiter la casse tout de suite, à travers des restrictions d’usage ou des dérogations sur les débits réservés. Le long-terme, c’est faire en sorte que ces dérogations restent exceptionnelles en adaptant les modes de culture et d’irrigation.
Aujourd’hui, l’une des principales inquiétudes de l’agriculture haut-alpine porte sur les fourrages. Si les fermes non-irriguées en produisent moins et que les autres le sacrifient au profit d’autres cultures, comment nourrir les bêtes cet hiver ?
Les prés qui sont à l’irrigation, en temps normal, produisent beaucoup de fourrages […] et en vendent à ceux qui en produisent moins.
Le comité sécheresse du 19 juillet a durci les restrictions sur le Champsaur et le Drac Gapençais, relativement épargnés jusqu’ici. Ailleurs, peu d’évolution mais « au vu des prévisions météo des prochains jours, nous ne sommes pas à l’abri de restrictions supplémentaires » précise Thomas Raso.
Ce maraîcher installé en agriculture biologique à Garde-Collombe l’assure, l’État et les collectivités devront jouer la solidarité avec les agriculteurs, sans quoi il faut s’attendre à des fermetures d’exploitations.