Assainissement dans l’Embrunais : « Il va falloir qu’on joue à un autre niveau, en dehors du contrat »
Mardi 14 février à 14h30, suite à de multiples sollicitations de l’ADUEA – Association de Défense des Usagers de l’Eau et de l’Assainissement dans l’Embrunais, la Communauté de Communes de Serre-Ponçon organisait une réunion publique sur l’assainissement. La première depuis que ce service public a été confié à Veolia. Une soixantaine de personnes s’est déplacée malgré une date et un horaire peu favorables à la présence d’actifs. Les échanges ont porté exclusivement sur la Délégation de Service Public, jugée par l’ADUEA très défavorable aux usagers et à la collectivité. Compte-rendu.
Désormais, les élus communautaires assument publiquement de pointer le déséquilibre du contrat signé avec Veolia en 2010 et ne cachent pas leur volonté d’en sortir, au moins sur le principe. Il faut dire que les conclusions d’un audit commandé par la Communauté de Communes, sans appel, étaient venues confirmer les craintes de l’ADUEA au sujet de ce contrat.
Cet audit contractuel, l’ADUEA l’avait demandé à la CCSP à un moment où elle pressentait qu’il lui manquait des éléments pour y voir clair. Après saisie de la CADA – une commission qui peut obliger une structure à envoyer des documents administratifs, la Communauté de Communes a finalement été contrainte de diffuser l’audit rendu en 2016. L’examen méticuleux du contrat par le cabinet Naldeo pointait notamment une « marge réelle excessive » et « masquée », ainsi qu’un « contrat très protecteur des intérêts du concessionnaire ».
Le contrat engageait Veolia à réaliser 10M€ de travaux liés à des infrastructures d’assainissement. En retour, le délégataire a prévu de réaliser 27 M€ de chiffre d’affaire sur les 30 années de délégation, soit 17M€ d’intérêts. L’équivalent d’un taux d’emprunt à 6,5 % quand le Taux Moyen des Emprunts d’Etat se situait à l’époque autour de 3,6%. Problème, une rupture anticipée du contrat impliquerait une pénalité de… 17M€ pour la Communauté de Communes. Un montant clairement dissuasif. D’autant plus, a souligné Marc Audier, vice-président en charge de l’assainissement, qu’il faudrait les régler en cash. Ce qui est impossible. L’audit évoquait d’ailleurs une « clause de résiliation du contrat pour motif d’intérêt général très protectrice. » Pour cette raison, la CCSP a d’abord tenté de renégocier le contrat grâce à une commission de révision, un dispositif prévu par le contrat. Sans succès. « Il va falloir qu’on joue à un autre niveau, en dehors du contrat » a expliqué Marc Audier, précisant que la Communauté de Communes bénéficie d’un accompagnement juridique par un cabinet spécialisé dans l’assainissement pour tenter de trouver une autre porte de sortie plus avantageuse.
À ce jour, la Communauté de Communes refuse de décrire les leviers envisagés pour contraindre Veolia à réviser le contrat, au motif que cela nuirait à sa stratégie. En revanche, les élus ont indiqué qu’une action en justice était en cours.
Mais elle ne concerne pas la révision du contrat. L’attaque émane de Veolia , qui exige le paiement de 2,7 M€ par la Communauté de Communes, au motif que la prime à l’épuration ne lui est plus versée. Une prime de l’Agence de l’Eau que Veolia avait prévu d’encaisser sur toute la durée de la délégation dans son compte d’exploitation prévisionnel. Sauf que cette prime ne peut pas être considérée comme acquise puisqu’elle se base sur un calcul établi par l’Agence de l’Eau au cas par cas en fonction des performances. L’affaire devrait être jugée avant la fin de l’année, a assuré Marc Audier.
En conclusion, si l’ADUEA n’a pas appris grand-chose elle a au moins pu obtenir en quelque sorte « des aveux » au sujet de ce contrat qu’elle qualifie de « toxique ».
C’est peut-être un détail pour vous, mais pour l’ADUEA ça veut dire beaucoup. L’ADUEA estime avoir été « ignorée » voire « méprisée » depuis 3 ans nous indiquait l’un de ses membres. Car malgré ses recherches approfondies, elle n’obtient que rarement des réponses de la part de la Communauté de Communes. L’ADUEA a même été contrainte – on l’a dit – de saisir la CADA pour obtenir un document administratif. Cette réunion lui a donc permis d’obtenir une reconnaissance du travail et des recherches qu’elle a effectués, et dont les résultats sont peu connus du grand public car peu relayés.
Et pourtant, les deux parties ont intérêt à faire front commun et le savent.
La preuve, Fernando Carreira, membre très actif de l’ADUEA a lancé pendant la réunion : « Sans nous, vous ne pouvez rien, sans vous, nous ne pouvons rien. » Ce à quoi Chantal Eymeoud a répondu du tac au tac : « Chiche ! », précisant que « dans de bonnes conditions d’échange et de travail » elle se disait prête à travailler avec l’ADUEA.
Pour autant, il y a de bonnes raisons de penser que la collaboration en restera à cet accord de principe. Etant donné que la Communauté de Communes se refuse à communiquer à l’ADUEA ses éléments stratégiques, à soutenir publiquement l’action engagée par certains de ses membres – le non-paiement d’une partie des factures. Etant donné aussi le ton employé lors de la réunion publique par les membres de l’association, très remontés. Tout cela laisse perplexe sur la possibilité d’organiser des réunions de travail dans des conditions sereines.