Manifestation en soutien aux exilés en mars 2021 à Montgenèvre / Photo ram05

Tous Migrants : « C’est important de visibiliser les conséquences de la militarisation de la frontière »

Cette fin de semaine, l’association Tous Migrants et l’ONG Médecins du Monde renouvellent leur opération de Commémor’action dans le Briançonnais. Ce temps d’hommage aux personnes décédées à la frontière franco-italienne s’accompagne d’une dénonciation des « politiques migratoires criminelles ».

Plus de 50 000 personnes sont décédées dans le monde durant un périple migratoire entre 2014 et 2022, dont plus de la moitié vers ou en Europe, a recensé l’Office international pour les migrations. En particulier, 125 morts ont été dénombrées à des frontières alpines entre 2015 et 2024, selon le projet de recherche Disfrontalp.

C’est pour rendre hommage à ces personnes et « dénoncer les politiques migratoires qui sont à l’origine des disparitions » qu’est organisée le 6 février depuis une dizaine d’années une opération de commémoration internationale initiée par des familles de disparus, rappelle Léo Martinet, salarié coordinateur de Tous Migrants. L’association briançonnaise ainsi que Médecins du Monde se joignent de nouveau cette année à l’appel de la Commemor’action.

Sur la frontière franco-italienne haute, depuis 2018, il y a au moins 11 personnes qui sont décédées. Et il y a 5 personnes qui ont été portées disparues dont on n’a jamais retrouvé la trace. Pour nous, c’est vraiment important de visibiliser les conséquences de la militarisation de cette frontière et les impacts qu’ont pu y avoir les les politiques migratoires. C’est une occasion de rappeler que ce ne sont pas seulement des choses qui se passent ailleurs, aux frontières extérieures de l’Union européenne, en Méditerranée ou dans le sud de l’Italie. Les personnes exilées qui meurent aux frontières, ça arrive aussi dans les Hautes-Alpes. Il y a des alternatives qui existent et une politique de l’accueil c’est envisageable.

Pour Tous Migrants, ces morts sont induites par les pratiques de forces de l’ordre à la frontière.

Pour nous, il y a un un lien vraiment direct qui peut être établi entre les pratiques de contrôle et de refoulement à la frontière et la la mise en danger des personnes exilées et donc les conséquences mortelles. Parce qu’il y a des refoulements et parce qu’il y a des des contrôles en pleine montagne qui sont considérés comme illégaux, les personnes empruntent des chemins qui sont dangereux en montagne, qui les éloignent du poste de la police aux frontières, des chemins escarpés, souvent très hauts en altitude. Et plus elles prennent des chemins escarpés, plus elles se mettent en danger. C’est comme ça que des accidents surviennent, et c’est dans ces contextes là que les disparitions et les morts sont arrivées.

La preuve de ce phénomène, relève l’association : « les périodes avec le plus d’accidents et de disparitions coïncident avec des renforcements d’effectifs à la frontière ». Ainsi, au printemps 2018 trois personnes sont mortes au moment où le groupuscule d’extrême droite Génération Identitaire s’était installé dans le Briançonnais, et, entre le mois d’août et d’octobre 2023, trois autres décès ont eu lieu quand la « border force » était déployée en renforcement de la police aux frontières, a dénombré Tous Migrants.

Depuis début novembre dernier, les pratiques des forces de l’ordre vis-à-vis des personnes exilées sont de nouveau « dangereuses et illégales » dénoncent les associations, et ce après 9 mois d’accalmie.

L’an dernier, la Commemor’action avait été l’occasion de dresser un mémorial pour les morts aux frontières. Celui-ci avait vu le jour à Briançon, sans demande d’autorisation. Le maire, Arnaud Murgia, s’y était opposé et les services techniques de la commune avaient démantelé le monument quelques semaines plus tard. Léo Martinet revient sur cet épisode.

Le mémorial n’existe plus. Enfin, il y a toujours un petit mémorial spontané qui est à l’emplacement porte de Durance à Briançon. Mais pour nous c’est vraiment une preuve des stratégies d’invisibilisation de ce qui se passe à la frontière. Parce qu’il y a très peu de personnes qui savent qu’il y a eu 11 morts à cette frontière et c’est quelque chose qui dérange les pouvoirs publics. Donc pour nous ça rentre vraiment dans cette stratégie d’invisibilisation et de déshumanisation.

Dans les Hautes-Alpes, la Commemor’action 2025 s’étale sur trois jours. Au programme : un rassemblement ce jeudi sur le pont de la rue centrale à Briançon, un ciné-débat autour du film « Un paese di resistenza », en présence de la co-réalisatrice, vendredi à 20h30 au Cosmo à Briançon, et une manifestation d’interpellation des forces de l’ordre samedi à 17h depuis l’espace partenaire/Prarial à Montgenèvre.