À Montgenèvre, la police aux frontières refoule à nouveau vers l’Italie, selon les associations de défense des exilés
Au col de Montgenèvre, les pratiques des forces de l’ordre vis-à-vis des personnes exilées sont de nouveau « dangereuses et illégales » depuis début novembre, d’après Tous Migrants et Médecins du Monde.
À partir de février dernier, les associations de défense des droits des personnes exilées avaient eu la « bonne surprise » de constater une évolution des usages de la police aux frontières au col de Montgenèvre « vers plus de respect des droits fondamentaux ».
Ces « changements positifs » avaient conduit à une baisse des refoulements vers l’Italie et à un meilleur respect du droit d’asile : les personnes qui exprimaient ce souhait étaient admises dans l’hexagone et pouvaient entamer leurs démarches, avait témoigné Tous Migrants auprès de ram05 au mois de mai 2024. Des évolutions qui faisaient suite à des rappels à l’ordre de la France de la part de la cour de justice de l’union européenne et du conseil d’état.
L’embellie a finalement duré moins de dix mois, selon Tous Migrants et Médecins du Monde. Les deux associations alertent en effet « sur le retour à la hausse du refoulement des personnes exilées depuis la France vers l’Italie » depuis début novembre. Brune Béal est chargée de mission plaidoyer pour Tous Migrants.
Nous constatons un retour à la hausse des refoulements, c’est-à-dire que la majorité des personnes exilées qui se font arrêter par la police aux frontières à Montgenèvre se font ensuite réadmettre en Italie dans le cadre d’un accord de réadmission entre l’État français et l’État d’Italie, ce qu’ils appellent l’accord de Chambéry. Le tout en totale illégalité parce que cet accord de réadmission ne permet pas de refouler des personnes potentiellement en demande d’asile. Or, les autorités françaises nient complètement ce droit d’asile-là.
Brune Béal expose dans le détail ce que révèlent les témoignages recueillis par les associations.
La plupart du temps, ces personnes sont arrêtées à différents endroits autour de la frontière. Ensuite, elles sont amenées au poste de police et à partir de là, s’ensuit une procédure toute assez expéditive où l’on va prendre leurs empreintes, leur photo, leurs informations d’état civil. Et ensuite, on ne va justement pas leur demander si elles souhaitent ou pas demander l’asile, ce qui est pourtant une obligation formelle. Ce sont des personnes, la plupart du temps, qui ne sont pas francophones ni même anglophones et on ne leur met pas d’interprètes à disposition. Donc ces personnes se retrouvent refoulées sans même comprendre ce qui leur arrive, avec aucun papier de réadmission, ce qui est pourtant, encore une fois, une obligation légale. Ces personnes, elles sont raccompagnées en Italie par les forces de l’ordre italiennes ou par la Croix-Rouge italienne, et elles sont souvent ramenées vers le refuge situé à Oulx en Italie, sans même avoir compris ce qu’il se passait, sans même avoir pu formuler ce souhait de demander l’asile, ce qui est gravissime.
Dans de telles conditions, les personnes demandeuses d’asile doivent donc comprendre qu’elles peuvent et doivent formuler leur requête spontanément.
Par exemple, nous avons le témoignage d’une personne qui a été maintenue toute la nuit au dans un local d’enfermement qui se trouve derrière la police. Cette personne-là était sur le point d’être refoulée en Italie. Et au dernier moment, heureusement, elle a eu le réflexe de dire « Attention, je veux demander l’asile, je veux demander l’asile ». In fine, les autorités de police ont daigné entendre cette demande et l’ont finalement laissée partir librement sur le territoire français pour qu’elle puisse demander l’asile. Mais là, il s’agit d’une personne francophone qui avait été maintenue enfermée plusieurs heures avant de dire d’elle-même qu’elle voulait demander l’asile.
Ces pratiques « poussent les personnes à emprunter des voies toujours plus dangereuses pour éviter ces contrôles », ce qui conduit à « une exposition à des risques importants liés au fait qu’on est en haute montagne », déplore Tous Migrants.
Pour l’association, la situation au col de Montgenèvre est revenue à celle qui avait cours avant février, à une différence près : la police aux frontières française émettait alors des refus d’entrée, ce seraient maintenant des réadmissions. Ce qui ne change rien en pratique pour les personnes exilées.
L’association Tous Migrants rappelle ses demandes.
Notre demande est simple : le respect des droits de chacun et chacune de pouvoir accéder au territoire qu’il et elle souhaite, pour y faire une demande d’asile. Et il faudrait aussi inclure toutes les personnes exilées qui ne sont pas forcément là pour demander l’asile mais qui ont elles aussi le droit d’accéder au territoire français pour y demander une régularisation. Ce respect-là, de donner la possibilité aux personnes d’accéder à la mobilité comme tout un chacun. Et le respect de la dignité et des droits qui s’en suivent.
Sollicitée par ram05, la préfecture des Hautes-Alpes n’a pas répondu à nos questions.