Lac de Serre-Ponçon © ADDET05 Bertrand Bodin

Sécheresse : une situation « bien meilleure » dans les Hautes-Alpes

Après la sécheresse et la canicule de l’été dernier, quelle est la situation à l’orée de l’été dans les Hautes-Alpes ? Le plan sécheresse 2023 a été présenté le 8 juin lors d’une conférence de presse à la préfecture des Hautes-Alpes, avec des prévisions jugées plus rassurantes que l’an passé.

En 2022, année historique dans les Hautes-Alpes, les effets de la température ont accentué la sécheresse, résume Nicolas Roux, responsable du centre météorologique des Alpes du sud, situé à Briançon.

Selon Nicolas Roux, la situation est actuellement bien meilleure, notamment grâce à « un stock de neige autour de la normale » et « un mois de mai généreux en précipitation ». Mais il reste prudent, car des températures élevées sont probables cet été.

Une trentaine de départements sont déjà en partie en alerte sécheresse en France. Le préfet des Hautes-Alpes Dominique Dufour évoque lui une « situation plutôt orientée de manière favorable ».

Le département compte quatre bassins versants principaux : la Durance, le Buëch, le Drac, qui alimente le Gapençais, et l’Eygues, qui coule vers la Drôme et le Vaucluse. Aujourd’hui seul l’Eygues est placé en vigilance. Le plan sécheresse prévoit quatre niveaux de gravité  : vigilance, alerte, alerte renforcée et crise. La préfecture prend des mesures restrictives seulement à partir du niveau d’alerte.

Parmi les indicateurs pris en compte - niveau des cours d’eau, sécheresse du sol, températures, pluviométrie, prévisions des gestionnaires des cours d’eau et des retenues -, la plupart sont au vert.

Au lac de Serre-Ponçon, EDF Hydroméditerranée, qui gère les retenues sur toute la chaîne Durance-Verdon, espère atteindre bientôt la côte 779m, avec « 85 % de probabilités » de tenir l’engagement - non-réglementaire - de 775m au 15 août. Après « un déficit de production de 33 % » cet hiver, EDF a même recommencé à turbiner à l’aval de Serre-Ponçon depuis le début de la semaine, pour « éviter de titiller les zones de veille crue » selon son directeur adjoint Franck Belotti.

Les données issues de la surveillance des cours d’eau sont elles aussi rassurantes. Chaque saison estivale, les agents départementaux de l'Office français de la biodiversité (OFB) effectuent un suivi visuel mensuel de l’écoulement sur 30 cours d’eau. Suite à la sécheresse historique de l’an dernier, avec les plus bas indices enregistrés chaque mois de mai à septembre, cette année, ce suivi a commencé dès mars. Sur une échelle de 0 à 10, l’indice est actuellement à 10 pour les 30 cours d’eau observés.

L’humidité des sols est elle « légèrement excédentaire », indique Nicolas Roux. Mais, il met en garde : en cas de fortes températures, elle peut se dégrader rapidement, comme actuellement dans le nord de la France.

Le comité départemental de gestion de l’eau, qui réunit tous les utilisateurs et professionnels de l’eau, va donc continuer à se réunir tous les quinze jours cet été pour suivre la situation. Pour l’instant, aucune restriction n’est envisagée. Mais le préfet appelle à la « sobriété ».

Car du fait d’un déficit de pluviométrie, la situation est tendue au sud, en Provence, où le bassin de la basse Durance est placé en vigilance.

Un comité interdépartemental de l’eau a d’ailleurs été réuni la semaine dernière par le préfet de région. Selon Dominique Dufour, un arrêté interdépartemental de gestion de crise devrait voir le jour. « On est liés, il faut que les décisions soient prises ensemble », affirme le préfet des Hautes-Alpes.

D’autant, qu’à moyen terme, du fait du réchauffement climatique, « se servir de l’an dernier comme une photographie de l’avenir n’est pas une mauvaise idée », estime Nicolas Roux.

Le cycle de l'eau sera également modifié avec l’augmentation des températures. A précipitations équivalentes, il y aura moins de neige l’hiver et une fonte plus rapide, donc une hausse des débits des cours d’eau l’hiver et au printemps, et une baisse de ces débits l’été.

L’an dernier, la sécheresse a déjà eu un impact sur la faune et la flore des milieux aquatiques, selon Yannick Pognart, inspecteur de l'office français de la biodiversité.

En cas de restrictions, la survie des milieux aquatiques fait partie des usages prioritaires de l’eau, tout comme l’eau potable et la sécurité incendie. Mais l’an dernier, le préfet avait du ponctuellement abaisser certains des niveaux réservés. Le plus gros du travail reste à faire : « revoir notre rapport à l’eau » rappelle le préfet Dominique Dufour, qui cite quelques pistes, parmi les 53 prévues au plan eau national comme rationaliser, renouveler les réseaux, recycler les eaux grises. Les ateliers des assises de l’eau, organisées au niveau départemental depuis février, ne déboucheront eux qu’à la fin de l’année 2023.