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Plan "saisonniers" du gouvernement : quels effets dans les Hautes-Alpes ?

Depuis 2019, c’est la même galère… La pénurie de saisonniers crée encore et toujours une grande tension dans l’hôtellerie et la restauration. Le gouvernement a donc sorti, la semaine dernière, un plan d’actions pour endiguer le phénomène. Il sera évolutif sur trois ans.

Dans les Hautes-Alpes, près d’un poste sur deux n’a pas été pourvu cet hiver, un sur trois ne l’est toujours pas pour cet été. Les équipes ne sont pas encore complètes, à trois semaines du coup de feu.

Premier axe : la formation

Actuellement, les profils expérimentés sont tellement recherchés, qu’ils se raréfient sur le marché. Conséquences ? Les patrons doivent se contenter de débutants. Cela prend du temps à former, et le temps c’est bien connu, c’est de l’argent. Un investissement souvent perdu qui plus est, puisque ces novices ne restent pas toujours.

Via une subvention de dix millions d’euros pour la formation, qui s’ajoutent à une première enveloppe en 2019, Pôle Emploi va pouvoir proposer des modules qui iront de 35 à 150 heures. Sandrine Jacob, directrice de Pôle Emploi Hautes-Alpes :

Les formations courtes concerneront des spécificités, tandis que les débutants seront orientés sur des modules "découverte", les plus longs.

Sandrine Jacob précise, qu’avant d’investir dans de longues formations pour les débutants, ceux-ci pourraient être d’abord dirigés vers une mise en situation en entreprise. Histoire de se confronter au métier, notamment ses horaires et son rythme de travail.

La plupart de ces formations existent déjà dans les Hautes-Alpes. Mais cette subvention supplémentaire va apporter deux éléments : former plus de personnes et ainsi, élargir le vivier, puis créer de nouveaux modules, spécifiques, pour répondre aux besoins des recruteurs.

Une première annonce qui ne satisfait pas les professionnels de l’hôtellerie-restauration. Selon Marc Geydon, président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie des Hautes-Alpes, cela ne correspond pas à la réalité des besoins dans notre département.

Les restaurateurs et hôteliers des Hautes-Alpes ont besoin d'employés polyvalents

Pôle Emploi l’assure, les personnes intéressées pourront suivre plusieurs formations, et ainsi répondre à cette polyvalence.

Un accompagnement à l'intersaison

Aujourd’hui, selon les Ministères du Travail et du Tourisme « plus de la moitié des saisonniers ne travaillent pas en intersaison et vivent d’assurance chômage ou bien, de rien ». Cette autre mission est également confiée à Pôle Emploi : contacter tous les saisonniers à l’approche de leur fin de contrat et leur proposer des formations et/ou des postes. Sur ce point, le département est clairement en avance, en raison de sa spécificité.

Dans les Hautes-Alpes, les saisonniers sont essentiellement des locaux, contrairement aux autres régions touristiques.

En 2022, 2 700 demandeurs d'emploi étaient référencés comme saisonniers locaux dans les Hautes-Alpes.

Tous se sont vus proposer un accompagnement personnalisé

Il n’y a pas que Pôle Emploi qui œuvre pour les saisonniers de notre territoire. Le CIBC Alpes-Provence les accompagne aussi depuis janvier 2022. Pour cela, l’association a développé une passerelle "saisonniers", financée par le Ministère du Travail. A sa tête, Sarah Froelich, qui estime que les carrières pluriactives sont la clé.

La diversification de ses activités professionnelles permet de travailler de manière presque continue.

Un troisième volet tout aussi mitigé ?

Cette fois, le gouvernement tape en plein dans le mille, en essayant de répondre à la question du logement saisonnier. C’est "un des gros points noirs » qui conduit à cette pénurie actuelle selon le président de l’UMIH05, Marc Gueydon. Pour régler, ou du moins tenter d’atténuer le problème, plusieurs solutions ont été exposées.

D’abord, le lancement d’une plateforme ce mois-ci, qui rassemblera l’ensemble des offres de locations disponibles dans les parcs publics, associatifs et sociaux. Par ailleurs, le gouvernement souhaite mobiliser, dès cet été, 2000 logements universitaires et issus d’internat scolaire. 6000, d’ici 2025. Thierry Lasnon, le directeur du lycée Romane à Embrun, est partant.

Une cinquantaine de saisonniers pourraient être accueillie l'été.

Autre internat ciblé sur le territoire haut-alpin, celui du lycée d’Altitude de Briançon. Contacté, son proviseur émet quant à lui des doutes sur sa faisabilité. Eté comme hiver, là-bas, les 140 lits sont déjà pris par des colonies de vacances. Sans parler des travaux généralement entrepris à ces périodes. Cette proposition n’a pas non plus les faveurs du président départemental de l’UMIH 05.

Selon lui, les internats sont trop loin des stations de ski.

Marc Gueydon se positionne, en revanche, positivement sur la mesure qui suit : la prolongation, jusqu’à l’été 2024, de l’exonération à hauteur de 50% de l’impôt sur le revenu des locations à des saisonniers... Persuadé que le portefeuille des propriétaires est le meilleur levier. Seul bémol : les locations touristiques sont exonérées davantage, jusqu’à 71%.

Le gouvernement promet également la création de mille nouveaux logements sociaux d’ici 2025. Là-aussi, problème : encore faut-il trouver du foncier ! Dans les stations des Hautes-Alpes, ce ne sera pas une mince affaire. Marc Viossat, président du CAUE 05, association de conseil aux collectivités sur l’urbanisme.

La rareté et le prix du foncier dans les stations du 05 rendent difficile l'achat de parcelles par les collectivités.

Ces trois propositions sont complétées par une boîte à outils. Elle mettra en lumière toutes les initiatives locales, départementales ou régionales qui fonctionnent déjà. Par exemple, des logements saisonniers mobiles, qui se déplacent sur les côtes l’été, en montagne l’hiver. La CGT saisonniers des Hautes-Alpes reste dubitative.

Pour la CGT 05, il ne s'agit pas d'une solution pérenne. Elle privilégie l'amélioration des conditions de travail et de salaires.

Augmenter les salaires, les professionnels du secteur l’ont déjà fait en 2022 : entre 15 et 20% en moyenne, en plus. Pour autant, l’UMIH 05 se dit prête à un nouvel effort face à l’inflation. Elle envisage une concertation à l’automne.

Pour conclure, avec son plan, le gouvernement semble s’emparer du problème. A la clé : de bonnes idées, certaines complexes à mettre en œuvre, quand d’autres mécontentent les professionnels. Eux restent inquiets car ces annonces arrivent, de toute façon, trop tard pour la saison estivale qui se profile. Ceux touchés par la pénurie auront alors trois choix : réduire le nombre de jours d’ouverture, réduire le nombre de couverts par service, ou fermer complètement l’établissement. Certains n’ont pas eu le choix les saisons précédentes.