Les adrets de Haute-Durance sont vulnérables aux incendies de forêt. Crédit : Élie Ducos

Risque incendie et adaptation au changement climatique, grands enjeux de la gestion forestière de demain

Alors que l’été se termine, l’automne météorologique a débuté ce premier septembre, c’est l’occasion de faire un point sur la vulnérabilité des forêts des Hautes-Alpes face aux incendies. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’été caniculaire de 2022, combiné à la sécheresse, a fait souffrir la végétation.

Difficile d’en mesurer tout de suite les effets à long terme. Même si quelques constats émergent, comme la difficulté du Pin sylvestre à faire face au changement climatique, l’avenir est flou. « On ne sait pas si c’est une adaptation à la météo, simplement l’automne qui est très avancé, ou alors, est-ce que les arbres sont en train de mourir ? », se demande Gilles Plauche, technicien forestier à l’ONF. « On ne le saura que l’année prochaine. Pour le moment, il faut qu’on soit très prudents ».

Gilles Plauche

Quand on a du Pin sylvestre dépérissant, le risque incendie augmente. Plutôt que de garder trop d’arbres morts sur une même parcelle, on va l’enlever. Comme on sait qu’on ne pourra pas laisser revenir le Pin sylvestre, on va changer et trouver des essences plus adaptées

Gilles Plauche, technicien forestier à l'ONF

Ce qu’il faut savoir tout d’abord, c’est qu’il existe deux types de forêt : celle que l’on appelle la forêt publique, qui est en fait la forêt privée appartenant au domaine communal ou au domaine de l’État -c’est la forêt domaniale. Ces forêts dites publiques sont gérées par l’ONF, l’Office National des Forêts, établissement public d’Etat. La gestion de la forêt publique est régie par la loi, en l’occurrence le Code Forestier. Un texte qui érige en priorité la gestion durable de la forêt. C’est à dire que l’ONF doit tout mettre en œuvre pour que la forêt puisse perdurer dans le temps, pour que la gestion s’adapte au changement climatique tout en veillant bien sûr à avoir des arbres qui puissent produire. Du bois de menuiserie, de charpente, de la pâte à papier, des palettes… « Nous, à l’ONF, on intervient simplement parce que l’Homme a besoin de bois, résume Gilles Plauche. On fait de la sylviculture, c’est-à-dire qu’on cultive la forêt ». Et puis il y a la forêt privée, appartenant à d’autres propriétaires. Ici c’est un autre établissement public, le CRPF, Centre Régional de la Propriété Forestière, qui aide les propriétaires à gérer leur forêt de façon à obtenir des résultats similaires à ceux de la forêt publique. Une différence fondamentale cependant : il n’y a pas d’obligation pour les propriétaires privés de recourir au CRPF.

Une gestion qui essaie, donc, de s’adapter et d’anticiper les bouleversements climatiques en cours et à venir. Pour anticiper ces effets à long terme, l’ONF développe un logiciel qui permettra de choisir la bonne essence en fonction des nouveaux climats qui risquent d’arriver dans les 50 ans à venir. En fonction des différents paramètres de versants ou des types de sols par exemple, il va en théorie être possible de connaître le type d’essence ou de peuplement qu’il va être possible de développer. Mais l’incident climatique est possible. Même si on tient compte des grands incendies survenus dans les années 70, « une génération d’arbres, c’est plus qu’une génération d’Hommes », rappelle Gilles Plauche. « La forêt s’adapterait d’elle-même si ça se passait sur un pas de temps beaucoup plus long. Sur dix mille ans, ça ne poserait pas de problème. Là, sur cinquante ans, c’est même pas la vie d’un arbre », analyse-t-il. Il faut avancer à petits pas.

Gilles Plauche

Les décisions qu’on prend aujourd’hui, on ne sait pas si ce seront les bonnes. On essaie de les prendre en fonction du maximum d’éléments que nous donnent les spécialistes du climat

Gilles Plauche

On se souvient lors de la canicule de 2003 de l’incendie du bois de France à l’Argentière-la-Bessée. Symptôme d’un été chaud et sec qui avait permis l’embrasement de 350 hectares de forêt qui sont aujourd’hui en cours de recolonisation par la végétation. Un incendie dont les leçons ont été tirées. « Cet incendie avait mis en évidence un certain manque, les équipements ont été complétés », note Patrick Maury, coordinateur du pôle DFCI, la Défense des Forêts contre les Incendies dans les Hautes-Alpes. Il a permis de faire évoluer les méthodes du service de la DFCI, qui a 3 missions : d’abord l’entretien et la mise en place d’équipements en forêt pour lutter efficacement contre les incendies. Pistes forestières, citernes et aires de retournement pour les pompiers. Ces équipements sont réalisés dans le cadre du PDPFCI, le Plan Départemental de Protection des Forêts Contre les Incendies. « Ce plan a été actualisé tout récemment et court sur une durée de dix ans », précise Patrick Maury. Ensuite l’assistance aux pompiers lors d’un feu de forêt, car les agents de la DFCI connaissent le terrain. Et enfin des patrouilles estivales, la journée pour surveiller et informer, le soir pour verbaliser.

Patrick Maury

Dans les Hautes-Alpes, entre les mélézins du Briançonnais, les grandes pinèdes de Haute-Durance, les chênaies du sud du département ou les sapinières du Champsaur, le risque d’incendie n’est pas le même partout.

Patrick Maury

Dans le sud-ouest du département, le risque d’incendie est fort : c’est le côté qui donne sur la Méditerrannée. On peut y ajouter typiquement les grands adrets de la vallée de la Durance

Patrick Maury, responsable DFCI 04-05

Et rappelons que l’ONF manque déjà de bras et que le gouvernement envisage toujours la suppression de 500 postes dans cet établissement public. Dans les Hautes-Alpes, les pluies et les orages de ces dernières semaines ont eu un effet certain sur le risque d’incendie qui est redescendu très bas, il est considéré par l’ONF comme léger. Ce qui n’empêche pas de rester vigilant.