Quelque 170 migrants accueillis au Refuge solidaire : «Il y a le feu à la fraternité et ils ne font toujours rien !»
Les bénévoles du Refuge solidaire à Briançon s’épuisent. Avec quelque 170 personnes hébergées mardi 18 juillet, la capacité d’accueil de l’association, au sein du tiers-lieu des Terrasses solidaires, est à nouveau largement dépassée.
Depuis 2017, l’association met à l’abri les exilé.e.s arrivant d’Italie, pour leur offrir un répit sur leur route après le franchissement du col de Montgenèvre. Cet hébergement d’urgence relève normalement de la responsabilité de l’État. Depuis début mai, l’association alerte sur la saturation du bâtiment, un ancien sanatorium racheté grâce à des fonds privés, qui ne compte normalement que 64 places disponibles. Sans aucune réponse des pouvoirs publics. D’année en année, la situation se répète, seul le nom des préfets change. Arthur Blanchard est représentant du Refuges solidaires et administrateur des Terrasses solidaires.
Ça veut dire des gens qui dorment dehors, devant notre structure, des gens qui dorment dans nos couloirs, dans le réfectoire. C’est-à-dire que quand on vient travailler ici le matin, on enjambe des personnes qui ne peuvent plus avoir de lit, qui n’ont pas de chambre. C’est ça 170 personnes au Refuge solidaire.Après deux jours de cellule de crise, le nombre de personnes accueillies est redescendu à 92 cette nuit, notamment grâce à des collectes pour financer des billets de train. Un chiffre encore bien au-dessus de la jauge du bâtiment.
Arthur Blanchard, bénévole
On a des transports qui sont très chers, des personnes qui ne savent pas où aller en France. On sait très bien que si elles vont à paris, elles vont se retrouver en camps. Il y a très peu de villes accueillantes. Globalement, le fait d’arriver ici et de passer la frontière, il peut y avoir une décompensation, ce qui fait qu’ils vont parfois rester là quelques jours, ne pas savoir où aller, ne plus avoir d’argent. Ça peut créer une cristallisation de la situation.
Arthur Blanchard, bénévole
Les associations regroupées au sein des Terrasses solidaires à Briançon ont alerté à plusieurs reprises depuis le 10 mai le préfet des Hautes-Alpes, Dominique Dufour, sur la saturation de ce lieu. Elles ont également écrit à plusieurs élus locaux, dont le député des Hautes-Alpes Joël Giraud et le maire de Briançon Arnaud Murgia. Elles demandent à l’État un soutien financier, ainsi que d’ouvrir des lieux complémentaires d’hébergement d’urgence. Une rencontre est prévue lundi avec le député des Hautes-Alpes Joël Giraud à L’Argentière-la Bessée.
Dans une lettre ouverte publiée mardi, l’association dénonce « l’invisibilité ainsi construite autour du Refuge et de son action ». « Pas un mot en retour, ne serait-ce rien des centaines de personnes hébergées par le Refuge à Briançon ?, demande l’association. Est-ce la volonté de l’État d’invisibiliser ces personnes accueillies par le Refuge Solidaire et l’appui des associations et collectifs présents sur le territoire ? »
La seule réponse des autorités a été, il y a un mois, l’annonce par le préfet des Hautes-Alpes du déploiement d’une border force à la frontière franco-italienne pour en renforcer la surveillance. Celle-ci devait être mise en place le 1er juillet. Mais les renforts annoncés ne sont pas visibles pour l’instant et la préfecture, récemment contactée par le Dauphiné libéré, ne souhaite pas communiquer sur le sujet. Une réponse de toute façon inadaptée pour les bénévoles du Refuge solidaire.
Selon des méthodologies appliquées par le sociologue Didier Fassin et le magazine Alternatives économiques, la répression aux frontières est estimée à un coût de 35 à 60 millions d’euros par an. Ce montant va financer les deux escadrons de gendarmerie mobile, les soixante agents de la Police aux frontières (PAF). On ne compte pas la Border force dans ces chiffres. De notre point de vue, cette politique est inefficace. Elle cristallise une approche migratoire déshumanisante et fascisante. A côté de ça, le refuge solidaire, lui, fonctionne avec 500 000 euros par an, sans aucune aide de l’État. On arrive à avoir 400 bénévoles par an. On gère 300 repas par jour. On a plus de 21 000 personnes accueillies depuis six ans.
Arthur Blanchard, bénévole
Interrogé en février 2023 dans l’émission « La Vie publique » sur le manque structurel de places d’hébergements d’urgence à Briançon, le préfet des Hautes-Alpes Dominique Dufour avait confirmé que les hébergements d’urgence « ne doivent pas être mobilisés en fonction de la nationalité ou de la situation de tel ou tel ». Il avait assuré que « globalement, on ne fait pas de tri ». Avant de rejeter toute responsabilité sur les associations qui assurent seules depuis 2017, l’accueil des personnes exilées dans le Briançonnais.
Je comprends tout à fait qu’il y ait un certain nombre de personnes qui interviennent pour l’assistance aux migrants et d’ailleurs je les rencontre, on en discute. La réponse que j’ai à vous faire sur ce sujet c’est qu’il y a un dispositif de droit commun qui est mis en place par l’État et il est ouvert à tout le monde et puis ensuite, si pour des raisons que je comprends tout à fait les associations veulent intervenir pour l’accompagnement et l’assistance aux migrants, dont je répète mon rôle premier est de faire en sorte qu’ils ne viennent pas de manière irrégulière en France, et bien c’est leur responsabilité.
Dominique Dufour, préfet des Hautes-Alpes
L’intégralité de cette interview, diffusée le 24 février 2023, est à retrouver sur notre site, de même que notre magazine sur les Terrasses solidaires, diffusé le 5 décembre 2022 : « Terrasses solidaires : après un an d’accueil des exilé·e·s, le tiers-lieu briançonnais veut lancer son second volet ». Ainsi que notre émission sur « La politique migratoire à la frontière avec l’association Tous Migrants » en date du 27 janvier 2023.
On peut aider à l’accueil des exilés en devenant bénévole au Refuge solidaire, dans la vie quotidienne ou à l’accueil, ou en donnant sur Hello Asso pour acheter de la nourriture et aider aux départs. A Embrun, une collecte est organisée ce dimanche 23 juillet. Rendez-vous devant la cathédrale de 17h à 19h. Les réfugié.e.s ont besoin de nourriture (riz, oignons, sauce tomate, poulet, etc.), produits d’hygiène, serviettes de toilette, draps, duvets, tentes et sac à dos.