Fièvre catarrhale d'une brebis / Fourrure (boulesdefourrure.fr), CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons

Quelles mesures pour lutter contre la fièvre catarrhale, qui touche les troupeaux hauts-alpins ?

Les Hautes-Alpes sont touchées par la fièvre catarrhale qui menace les troupeaux de brebis. La Chambre d’agriculture appelle les éleveurs à vacciner dès que les doses sont disponibles, et la Confédération Paysanne demande plus d’anticipation.

Depuis une quinzaine de jours, la fièvre catarrhale ovine, FCO, a fait son apparition dans le département, touchant pour l’instant surtout des élevages du sud des Hautes-Alpes.

Cette maladie virale est transmise par un moucheron, est originaire d’Afrique et remonte vers l’Europe à cause du réchauffement climatique, explique Boris Emeriau, éleveur de brebis à Chanousse et membre de la Confédération Paysanne. Une bête touchée peut développer de la fièvre, des gonflements au niveau de la tête, de la langue, perdre l’appétit, et dans le pire des cas, mourir, poursuit l’agriculteur. Il existe plusieurs sérotypes de la fièvre catarrhale, les Hautes-Alpes étant concernées par le numéro 8. Un variant particulièrement virulent qui se soigne « très difficilement » et décime déjà des troupeaux dans le sud-ouest de la France rapporte Boris Emeriau.

Selon Eric Lions, président de la Chambre d’agriculture des Hautes-Alpes, une cinquantaine d’exploitations sont touchées, mais les chiffres sont à prendre avec des pincettes car ils évoluent rapidement.

La Confédération Paysanne reproche aux pouvoirs publics et à la Chambre d’agriculture un manque d’anticipation face à cette épidémie. Eric Lions précise à ce sujet qu’un appel à vacciner était déjà lancé en amont auprès des éleveurs.

Ça fait plus d’un an que, notamment, on faisait passer les messages qu’il y avait des épidémies de FCO dans le sud-ouest de la France et qu’il fallait vacciner. Seulement 2% des animaux avaient été vaccinés en début d’année.

Eric Lions

Mais pour la Confédération paysanne, « ce n’est pas de l’anticipation ». « Pour nous, la santé publique ce n’est pas juste de la vaccination au moment où c’est la crise, c’est de l’anticipation, des services publics puissants, avec des moyens ».

Boris Emeriau insiste sur le besoin de mesures à moyen et long terme pour lutter contre la fièvre catarrhale.

On demande des études statistiques sur les élevages qui ont été impactés, notamment sur l’immunité des brebis, parce qu’il y a des brebis qui meurent sur cette maladie, mais il y a aussi beaucoup de brebis qui sont immunisés et qui n’auront plus la maladie. On demande aussi une observation du déplacement des moucherons en France. Ça se fait assez facilement : on piège des moucherons, on envoie ça à des labos pour voir quel type de FCO ils transportent. Ça nous permet d’avoir une carte en temps réel en France sur la dispersion des virus.

Boris Emeriau

Pour Eric Lions, la difficulté vient de la multiplication des nouvelles épidémies, mais le président de la chambre d’agriculture assure que ses services « sont sur le pont ».

Hélas, avec le changement climatique, il y a 7 nouvelles maladies qui arrivent chaque année en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Donc bien entendu, tout ça est surveillé de près et on essaie de gérer au mieux ces nouvelles maladies. Il faut être très très attentif à tout cela. On est dans un monde de libre-échange où tout circule beaucoup, et y compris les maladies, hélas. Et c’est ce qui nous arrive aujourd’hui. Ça fait beaucoup de choses à gérer, à traiter. Tous les services sont sur le pont pour faire en sorte de pouvoir anticiper au maximum et surtout prévenir, faire de la prévention. Et on appelle bien entendu, nous les éleveurs, à vacciner leurs animaux dès que les vaccins seront disponibles.

Eric Lions

En effet, face à la virulence et à la vitesse de l’épidémie, supérieures aux épisodes passés, la production de vaccins rencontre des difficultés, ajoute Eric Lions.

Mais pour la Confédération paysanne, la vaccination comporte également des risques.

Ce qui nous pend au nez c’est qu’il y ait beaucoup de types de FCO différentes, et qu’à chaque fois que la maladie arrive sur le territoire on nous incite à vacciner. Sauf que si on a une vingtaine de séroptypes différents avec une vingtaine de vaccins différents on va passer notre vie à vacciner les brebis. Et ça ça a un impact financier parce que bien sûr ces vaccins c’est nous qui les payons, on n’a aucune aide, mais également forcément sur les animaux parce que si on passe notre temps à les vacciner, à les mettre dans des couloirs de tri, ça a un impact négatif sur leur santé à long terme.

Boris Emeriau

Boris Emeriau expose les demandes du syndicat dans l’immédiat.

Déjà la prise en charge des vaccins pour ceux qui souhaitent se vacciner, une cartographie précise de l’évolution de la maladie dans le département et à envoyer à tous les agriculteurs parce qu’en fait nous on a très très peu d’infos sur ce qui se passe au jour le jour quasiment. Et en sachant ce qui se passe au jour le jour, ça permet à nous éleveurs de prendre des décisions d’élevage, c’est-à-dire de vacciner ou de ne pas vacciner, de rentrer les animaux en bergerie.

Boris Emeriau

La Chambre d’agriculture précise négocier avec les collectivités pour obtenir des aides financières pour le coût des vaccins, être en discussion avec services de l’État pour gérer cette crise sanitaire, et surveiller l’enjeu de la propagation dans un département de transhumance. En effet, les troupeaux en alpage au-dessus de 1 600 m d’altitude sont pour l’instant protégés par le froid, mais pourraient redescendre avant l’automne et la disparition du moucheron.

Les Hautes-Alpes avaient déjà étaient touchées par la FCO en 2008 et 2017, rappelle Boris Emeriau. Cette année 2024 se rajoute la menace de deux autres épidémies en France, signale Eric Lions : une autre version de la fièvre catarrhale en provenance des Pays-Bas et arrivant dans le Nord-Est de l’hexagone, et la maladie hémorragique épizootique, qui colonise le côté ouest.