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PACA : La Région deux fois trop lente pour respecter ses objectifs climatiques

Les émissions de gaz à effet de serre de la région PACA diminuent sûrement... mais lentement. En tout cas trop lentement pour pouvoir atteindre les objectifs fixés par son SRADDET. Les dernières données consolidées disponibles confirment la tendance structurelle d‘une baisse des émissions, mais le rythme est deux fois trop lent. Décryptage avec Damien Piga, directeur des relations extérieures et de l’innovation chez Atmosud et Joël Guiot, co-président du GREC SUD : le Groupe Régional d’Experts sur le Changement Climatique, un organisme co-financé par l’ADEME et la Région.

Chaque année, Atmosud actualise sa base de données des émissions de GES (Gaz à effet de serre). La dernière livraison en date donne une version "consolidée" des chiffres jusqu'à la fin de l'année 2021. La Région PACA s'était fixée l'objectif de réduire de 19 % ses émissions de GES entre 2012 et 2023. Un objectif désormais largement hors d’atteinte. Damien Piga résume l’évolution des émissions au long cours.

Ce qu'on observe sur la Région depuis plus de 15 ans, c'est une dynamique qui est finalement assez faible, et des émissions qui vont plutôt dépendre de la conjoncture économique que d'une réelle efficacité des politiques qui sont menées. [...] On a des objectifs aux échéances 2023 et 2030. Si on linéarise ces objectifs, en 2021 on aurait dû être à peu près à -15% d'émission de GES sur notre région. Là nous on a fait -7%, donc la moitié des objectifs.

Damien Piga, directeur des relations extérieures et de l’innovation chez Atmosud

Particularité régionale, l’industrie représente 40 % des émissions de GES tous secteurs confondus, ce qui en fait le premier poste d'émission et donc le levier à actionner en priorité, suivi en deuxième position par le transport routier. Si dans les transports, les chiffres témoignent plutôt d'une hausse notamment du fait de l'utilisation de la voiture individuelle, une tendance à la baisse des émissions dans l'industrie se confirme, bien qu'encore timide, indique Joël Guiot, co-président du GREC SUD.

On s'aperçoit que l'industrie - qui est un émetteur assez important en région PACA principalement à cause de la région de Fos Berre, où il y a pas mal d'industries polluantes basées sur des énergies fossiles - a commencé à diminuer [ndlr : les émissions de GES] dans son fonctionnement.

Joël Guiot, co-président du GREC SUD : le Groupe Régional d’Experts sur le Changement Climatique

Le gros défi de l’industrie régionale est de remplacer les énergies fossiles consommées par des énergies moins carbonées. C’est particulièrement vrai pour les plus gros pollueurs, tels que les cimenteries et les producteurs d’acier pour leurs fourneaux, ainsi que les raffineries qui utilisent en priorité leur propre pétrole pour subvenir à leur besoins énergétiques. Des plans sont engagés pour apporter aux entreprises une source d'énergie moins carbonée, explique Damien Piga.

On a des plans qui visent à décarboner l'industrie de nos territoires en proposant aux principaux sites industriels de notre région de se raccorder au réseau électrique pour qu'ils puissent s'alimenter en énergie, non-plus à partir d'énergies fossiles, mais à partir du réseau électrique. La production d'électricité, elle, pourrait être décarbonée grâce à la production d'énergies renouvelables ou de l'énergie nucléaire qui est faiblement émettrice de carbone.

Damien Piga, directeur des relations extérieures et de l’innovation chez Atmosud

La Région assure avoir consacré 40 % de son budget 2022 au « climat » pour des résultats qui semblent bien maigres au regard des objectifs à atteindre. Comment expliquer un tel écart entre les moyens mis sur la table et le résultat ? Au-delà de la difficulté à vérifier la sincérité des chiffres avancés ou même de la pertinence des investissements, il faut également tenir compte du temps de mise en œuvre des programmes financés, estime Joël Guiot.

L'argent qui est mis là-dedans ne va pouvoir vraiment produire des effets que dans quelques années. Par exemple j'ai dit tout à l'heure qu'il y a un problème de transport en région PACA, ça veut dire qu'il faut absolument intensifier le développement des transports de chemin de fer et des transports en commun en général. Et ça ce sont des choses qui se font sur dix ans, donc des effets qu'on ne pourra mesurer que dans quelques années.

Joël Guiot, co-président du GREC SUD : le Groupe Régional d’Experts sur le Changement Climatique

Depuis que les émissions de GES sont précisément quantifiées à l'échelle régionale, deux ruptures apparaissent nettement sur la courbe : la crise économique de 2008 et la pandémie de Covid 19, repérables en un clin d'œil par une chute immédiate et momentanée des émissions. Même si ces baisses n’étaient que conjoncturelle, puisqu’un retour à la normale est rapidement constatées dans les années qui ont suivi, les observateurs ont pu tirer un enseignement important de ces deux événements fait remarquer Damien Piga.

La crise sanitaire a réduit les activités sur notre territoire et a été un fantastique laboratoire à ciel ouvert de ce que pouvait être l'efficacité d'action de réduction d'activité sur notre territoire.

Damien Piga, directeur des relations extérieures et de l’innovation chez Atmosud

Pour compenser le retard accumulé depuis 2012, la Région devra mettre les bouchées triples afin d'espérer être au rendez-vous pour la session de rattrapage de 2030. Objectif : -27 % par rapport à 2012.