Veille de fêtes à Midi Chaud. © Élie Ducos/ram05

À Briançon, « les femmes ont moins honte de pousser la porte de Midi Chaud »

Les fêtes de fin d’année sont souvent synonymes de solitude, voire de détresse, pour les personnes en situation de précarité. Les femmes sont plus touchées. À Briançon, l’association Midi Chaud propose chaque jour un repas convivial, dans la bonne humeur et sans jugement.

Une agréable odeur de cuisine et un léger brouhaha joyeux envahissent toute la cage d’escalier du vieux bâtiment municipal. Passée la porte, le local est foisonnant. Il est presque midi et demi, le repas est sur le point d’être servi. La porte s’ouvre à nouveau : un couple apporte un gros carton. Un colis de Noël offert par un centre médical de Briançon. « C’est lourd, en plus ! » s’écrie Patricia Esmeric, la trésorière de Midi Chaud. Voilà de quoi ravir les convives du lendemain.

L’association briançonnaise, présidée par Gérard Lambert, existe depuis 1995. En période hivernale, de novembre à mai, elle sert chaque midi, du lundi au samedi, un repas chaud, et prépare aussi les repas pour Coalia, l’ex-Appase (accueil de jour). Les repas sont au prix de 1€, minimum. « Pascale et moi donnons 2€, car on estime que c’est mérité, explique Nelly, 68 ans, bénéficiaire depuis quelques semaines. Les bénévoles sont adorables, la nourriture est délicieuse. » Point de malbouffe ici, toute la cuisine est faite avec de bons produits. Midi Chaud se fournit au Leclerc du coin, à la Société Alpine de Boucherie (SAB) pour la viande, et peut se targuer d’un partenariat avantageux avec l’Epine Vinette, la Biocoop de Briançon. L’association est hébergée par la mairie et compte une trentaine de bénévoles.

Des bénéficiaires essentiellement féminines

« On reçoit surtout des personnes aux faibles revenus, qui ont besoin de combler leur solitude et de partager un repas, précise Patricia Esmeric. Il y a beaucoup de femmes qui viennent ici. » Autour de la table, en effet, sept ou huit femmes, et seulement trois hommes – l’un d’eux, alcoolisé, sera rapidement exclu. « Ça arrive souvent », glisse une bénévole. Les convives sont rassemblés pour un moment de partage et de bonne humeur. Au menu, salade de lentilles, brandade de poisson, fromage, gâteau au chocolat et café.

« On donne 2€, car on estime que c’est mérité » : à Midi Chaud, on cuisine avec de bons produits. © Élie Ducos/ram05

Nelly est briançonnaise depuis 2018. Pascale, 63 ans, une habituée, habite à Briançon depuis quarante-quatre ans. Depuis quelques années elle vit seule, comme près de la moitié des femmes de plus de 65 ans en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Les deux amies confirment que les bénéficiaires de Midi Chaud sont essentiellement féminines. « Peut-être que les hommes ont honte de pousser la porte, tente Pascale. Ils ont tort », poursuit-elle. Constat appuyé par Patricia Esmeric. « Il y a largement plus de femmes seules, continue Pascale. Ici, on est déjà deux ! » Cet isolement est accentué en période de fêtes. Pascale et Nelly viennent ici trois fois par semaine (le maximum admis) et y fêtent Noël. Lorsque la distribution des repas est en pause, de mai à novembre, les amies se retrouvent ailleurs. « On pique-nique, on mange ensemble le dimanche, on va en Italie », détaillent-elles. Midi Chaud a permis de créer des liens qui sont entretenus le reste de l’année.

Dans un bureau, Cristou, bénévole locale bien connue, est venue de Monêtier-les-Bains. Elle s’occupe des menus pour la semaine suivante. « Il y a du boulot ! », s’exclame-t-elle. Le repas se termine. Un couple entre et vient déposer un gros saladier de semoule et une marmite de légumes et de poulet. « On donne chaque année à Noël pour honorer la mémoire de ma maman, qui venait ici », explique la dame. Couscous royal en vue pour le lendemain. Avant de repartir, Pascale glisse : « C’est pas parce qu’on n’a pas beaucoup de sous qu’il faut qu’on se cache. Je suis très fière de venir à Midi Chaud. »