Entre déni de sécheresse et impréparation, le bassin de la Durance soumis à des restrictions d’usage de l’eau trop faibles selon la Fédération de Pêche

Alors que le Buëch et le Drac Gapençais sont placés en niveau « alerte renforcée » et pourraient basculer en « crise », le bassin de la Durance reste placé en « alerte » avec des restrictions d’usage de l’eau bien moins importantes. De l’avis de plusieurs organisations qui siègent dans le Comité Sécheresse, ce bassin est clairement mal préparé à de telles situations et les autorités auraient été prises de court. Au détriment de la biodiversité des affluents de la Durance.

Écrevisses à pattes blanches, chabot, barbeau méridional, ces trois espèces présentes dans le bassin versant du Buëch sont soumises à un stress important à cause des faibles débits des cours d’eau. Présentes en faible effectif sur des linéaires très limités, certaines pourraient localement disparaître du Buëch, où, en amont de la Roche des Arnauds – soit presque en tête de bassin versant, la Fédération de Pêche des Hautes-Alpes a relevé des températures supérieures à 26°C. 6°C de plus que les températures létales pour des espèces comme la truite Fario.

Qu’en est-il pour la Durance ? Un simple coup d’œil à la rivière suffit pour comprendre qu’ici, on parle en m³/s et non en litres comme c’est le cas dans les bassins du sud des Hautes-Alpes. La biodiversité dans la Durance même n’est donc pas menacée dans l’immédiat, bien que son débit soit à un niveau historiquement bas. En revanche, la situation des affluents est beaucoup plus critique et aurait justifié un placement à un niveau de « crise » il y a plusieurs semaines déjà assure le représentant de FNE-SAPN05 au Comité Sécheresse Bernard Patin. Un point de vue partagé par la Fédération de Pêche des Hautes-Alpes. David Doucende, chargé de mission pour la Fédération.

Sur le bassin de la Durance, nous devrions être en période de crise

David Doucende, chargé de mission pour la Fédération de Pêche des Hautes-Alpes

Plusieurs points peuvent expliquer cette différence de traitement entre les bassins versants.

Tout d’abord, le Comité Sécheresse se réunit régulièrement en préfecture pour faire le point et discuter des restrictions à mettre en oeuvre. Chaque catégorie d’usagers y représente ses intérêts, apporte ses informations, mais la décision finale revient à la préfecture, qui ne s’appuie pas uniquement sur des valeurs seuil de débit des cours d’eau en-dessous desquelles tel ou tel bassin serait placé à un niveau de gravité correspondant. Les prévisions météo sont également prises en compte. Mais surtout, plusieurs interlocuteurs siégeant dans cette instance nous ont confirmé qu’in fine la décision est arbitraire. « Il y a plein d’usagers autour de la table, plein d’enjeux, donc ce sont des décisions politiques » explique un membre du Comité proche des services de l’Etat.

Cette sécheresse est une première historique pour le bassin de la Durance. Peu de recul sur ces phénomènes, peu d’outils et donc peu d’éléments pour prendre des décisions.

Contrairement aux bassins du sud des Hautes-Alpes qui connaissent depuis des années des restrictions importantes, la Durance a été jusqu’ici épargnée et les décisionnaires auraient été pris de court selon plusieurs interlocuteurs du Comité Sécheresse. Si bien que le bassin de la Durance serait sous-doté en équipement de mesure et sous-informé,

Tandis que le SMIGBA, le syndicat de rivière du Buëch qui existe depuis 2003, visualise en ce moment le débit de ses cours d’eau grâce à une dizaine de stations de mesures, le bassin de la Durance ne dispose que d’un seul équipement basé à la Clapière à Embrun. Ces outils permettent pourtant un pilotage plus fin, plus localisé des restrictions liée aux sécheresses, plaide David Doucende.

On n’imagine même pas qu’un jour on puisse être en déficit sur ce territoire, et donc on n’a rien anticipé

David Doucende, chargé de mission pour la Fédération de Pêche des Hautes-Alpes

Depuis le 27 juillet, le bassin de la Durance est placé en « alerte » sécheresse, mais selon nos informations il pourrait très prochainement basculer en « alerte renforcée ». De même, le niveau de « crise » guetterait les bassins du Buëch et la partie Gapençaise du bassin Drac Gapençais.