Au-delà de la rénovation des TER, « la principale demande des usagers, c’est que les trains circulent à l’heure »
La région annonce le déblocage de 130 millions d’euros pour la rénovation de 60 rames de TER d’ici 2030. Parmi elles, 29 rames circulant entre l’ouest de la région et les Alpes seront rénovées à partir de mi-2024 et jusqu’en 2030. La rédaction de ram05 fait le point avec Stéphane Coppey, le secrétaire de l’association Mobilités Alpines.
Une partie de ces rames, propriété de la région Sud, circulent sur les lignes de l’étoile de Veynes, entre Briançon, Marseille et Valence. Du côté de Grenoble, le matériel appartient à la région AuRa. Ces trains de PACA doivent donc subir ce que l’on appelle « l’opération mi-vie », prévue par un plan de maintenance bien précis. Il prévoit une « intervention majeure obligatoire de révision et de rénovation d’environ 4 mois », dit la région. Elle sera effectuée « dans un centre de maintenance spécialisé situé en France, en dehors de la région ». Ces rames mises en service entre 2007 et 2010 sont prévues pour durer 40 ans. « Le but de cette opération est de procéder à une remise à niveau sécuritaire, au traitement du vieillissement des équipements et à différentes mises en conformité réglementaire, nous fait savoir la région. De nouvelles fonctionnalités seront mobilisées telles que le comptage passagers et ajout de prises électriques, une optimisation de la capacité d’emport, le réaménagement de la zone Usagers en Fauteuil Roulant (UFR), la création de 8 espaces vélos supplémentaires et une optimisation énergétique (à l’arrêt et sur la climatisation) et environnementale du train avec notamment l’équipement de filtres à particule ». La région Sud vient d’acquérir deux trains du même type, d’occasion, afin de « réaliser cette opération sans impact sur les circulations ferroviaires et l’offre de transport ». Les prochains remplacements de rames TER, rames plus anciennes déjà rénovées entre 2014 et 2017, interviendront en 2030.
Pour Stéphane Coppey, ce plan de rénovation des TER ne doit pas cacher que le travail est encore long pour améliorer la desserte ferroviaire des Alpes du Sud. Sur la ligne des Alpes, c’est surtout la qualité du service qui est mise en cause, comme on en a déjà parlé ici. Au-delà de la rénovation des TER, la priorité est ailleurs. Le plus urgent, indique Stéphane Coppey, est de continuer la modernisation des infrastructures et remettre du personnel en gare pour faire face aux aléas. Le parc TER Zou de la région PACA compte 150 rames. La rénovation qui débutera en 2024 concerne donc 40 % du parc : du matériel roulant vieillissant. L’ensemble des rames TER assure aujourd’hui 550 trains par jour qui transportent 40 millions d’usagers chaque année. Autant dire que le chantier qui s’annonce est de taille.
La rédaction de ram05 : La région annonce le déblocage de 130 millions d’euros pour la rénovation de 60 rames de TER d’ici 2030, dont 29 rames « circulant entre l’ouest de la région et les Alpes ». Ces rames circulent en partie sur la ligne des Alpes. Comment Mobilités Alpines réagit-elle à cette annonce ?
Stéphane Coppey : On ne peut être que satisfait que la région investisse dans la rénovation des rames. Ce ne seront pas des rames en plus, je ne vais pas dire que ce seront des rames en moins, mais un petit peu quand même, puisque pendant qu’on rénove des rames il faut les enlever du service commercial. Espérons que la région a bien prévu cela dans ses plans. On ne souhaite pas que certains trains soient supprimés parce-qu’on en enlève d’autres pour les rénover. C’est un premier motif d’inquiétude. Bien sûr, c’est très bien d’avoir des trains confortables, rénovés, mieux motorisés. Mais la principale demande des usagers, c’est d’abord que les trains circulent à l’heure et correctement, pour offrir le service qu’on attend en termes de fréquences. On a un service qui est globalement insuffisant : pas assez de fréquences, pas assez d’amplitudes horaires, des temps de trajets trop longs. Mais surtout, beaucoup trop de trains sont régulièrement supprimés, et ce n’est pas que à cause du matériel roulant, c’est parfois des raisons d’infrastructure mais aussi des questions d’organisation. Un train qui rencontre une difficulté à un endroit ou à un autre de la ligne, c’est un train qui est supprimé sur toute la ligne et éventuellement sur le trajet retour. C’est très compliqué pour les usagers. La principale demande, c’est que les trains soient en bon état, qu’ils circulent beaucoup plus et que les horaires soient respectés.
Pour vous, peu importe la rénovation des rames, sans terminer la modernisation des infrastructures et remettre de l’humain dans les gares, le service ferroviaire ne fonctionnera pas mieux ?
On ne va pas dire ça, puisqu’on a quand même une partie des causes des incidents liés au matériel roulant. Mais liés au matériel roulant ne veut pas forcément dire que ces matériels sont trop usagés ou qu’ils nécessitent une rénovation. C’est quelquefois simplement qu’ils n’ont pas été correctement entretenus ou qu’ils ont des faiblesses. Rénover les trains résoudra une partie des problèmes, mais c’est surtout le respect de l’offre de service et le fait de compléter cette offre de service. Il faut remettre des agents où on n’en a pas, notamment dans les gares ou dans les points de croisement. On dit qu’on ne peut pas mettre plus de trains sur la ligne des Alpes parce que c’est une ligne à voie unique. En fait, sa capacité est déterminée par la possibilité qu’on a de faire se croiser des trains dans les gares. Et comme on a des systèmes qui ne sont pas automatisés, si on n’a pas d’agent, on ne peut pas se faire croiser les trains, donc on diminue forcément la capacité de la ligne. Donc il faut remettre des agents au niveau des gares de croisement, et puis en termes d’accueil des voyageurs, c’est une façon de mieux faire circuler les trains, mieux répondre à la demande des voyageurs, mieux les conseiller en cas de problème. On demande à la SNCF de faire de gros efforts pour mieux gérer les aléas. Il faut savoir les gérer correctement et on ne peut pas dire que ce soit fait correctement aujourd’hui.
Le 30 novembre dernier, vous nous disiez « Tant qu’on laissera la gestion de la ligne des Alpes dans les mains de la Région, on n’y arrivera pas », puis « il faut créer un établissement public ferroviaire avec différentes collectivités et une gouvernance locale ». Vous pensez à une sorte de « Railcoop régional » ?
Il faut effectivement davantage de parties prenantes. Railcoop, c’est une SCIC, Société Coopérative d’Intérêt Collectif. On y trouve des collectivités, des acteurs économiques, et beaucoup de citoyens, sociétaires à titre individuel. Ce à quoi je pensais, c’était surtout d’un EPIC, un établissement en commun de plusieurs collectivités. Mais ça peut aller jusqu’à la notion de SCIC sans problème, et avoir une mobilisation beaucoup plus ample des citoyens sur le sujet, sans s’affranchir du soutien des collectivités, et notamment de celles qui contribuent financièrement à l’offre de transport. Notre démonstration, c’est que aujourd’hui, avec l’argent que met la région dans le service ferroviaire sur les Alpes du Sud, on peut faire beaucoup mieux que ce qui est fait actuellement, à travers une meilleure utilisation du personnel et du matériel roulant.