Biodéchets : le Guillestrois-Queyras-Argentiérois, pionnier dans le compostage de proximité
A partir du 1er janvier 2024, les collectivités locales devront proposer à tous les ménages une solution leur permettant de trier et valoriser leurs bio-déchets. Comment les collectivités locales des Hautes-Alpes vont-elles faire face à cette obligation ? Pionniers en la matière, le Guillestrois Queyras et l’Argentiérois ont fait le choix du compostage de proximité.
Des emballages de fast-food dans un composteur partagé. A Guillestre, les habitants qui suivaient cet automne une formation de guide composteur, ont eu une drôle de surprise en ouvrant un des bac à compost de quartier. Une formation proposée par le Syndicat mixte de traitement des ordures ménagères du Guillestrois, du Queyras et de l’Argentiérois pour lutter contre les idées reçues et encourager les citoyens à s’approprier la centaine de composteurs partagés installés sur ce territoire.
La collectivité a pris de l’avance sur la loi dite anti-gaspillage de février 2020, qui prévoit l’obligation d’ici janvier 2024 de proposer aux ménages une solution de valorisation de leurs bio-déchets. Qui dit biodéchets, dit déchets alimentaires et déchets verts issus de l’entretien des parcs et jardins.
Sur ce territoire très étendu et peu dense, le Smitomga a choisi depuis une dizaine d’années de mettre le paquet sur le compostage de proximité, avec 1500 composteurs individuels distribués et 99 composteurs partagés déjà installés. Quentin du Pontavice, chargé de mission compostage en explique l’intérêt.
L’avantage des sites de compostage partagés, c’est qu’on a vraiment une appropriation des déchets par les habitants.
Quentin du Pontavice
Les bacs à compost de quartier jouxtent souvent les containers des points d’apport volontaire pour simplifier la tâche des habitants, qui se voient ainsi proposer tout un panel de solutions de tri, quand ils vont jeter leurs poubelles. Cet effort a été accompagné de formations sur le compostage et le jardin zéro déchet.
Les végétaux élagués peuvent en effet servir, une fois broyés, de matière sèche pour les composteurs. Deux fois par an, le compost mature est récupéré, en priorité par les habitants eux-mêmes. Les 20 % restant sont donnés à des jardins partagés. Les communes sont aussi incitées à s’en servir pour préparer les plantations du printemps. Et la boucle est bouclée ! Anne Chouvet, présidente du Smitomga et vice-présidente de la Communauté de Communes Guillestrois Queyras, en charge de la régie déchets.
Au point que le compost devient une denrée précieuse.
Une personne a un peu trop pris à la lettre le fait que le compost était à disposition et, dès le 1er avril, vidé 6 ou 7 composteurs dans le Queyras.
Quentin du Pontavice
En 2017, il restait environ 30 % de biodéchets dans les poubelles des habitants du Guillestrois-Queyras et de l’Argentiérois, ce qui correspond à la moyenne nationale. Le Smitomga espère que cette proportion aura fortement baissé lors de la prochaine caractérisation prévue en 2023. Car, lorsque les consignes de tri sont respectées, la réduction des ordures ménagères est drastique. Anne Chouvet a récemment participé à une collecte d’ordures ménagères sur la commune d’Eygliers, dont elle est maire :
A ma grande satisfaction, il n’y avait quasiment plus de biodéchets. Dans les ordures ménagères, ne doivent rester que les poubelles de salle de bain et les balayures, tout le reste peut aller ailleurs. En vivant seule, je vais jeter ma poubelle ordures ménagères tous les deux mois et il n’y a plus rien dedans.
Anne Chouvet
Le Smitomga estime qu’en 2021, environ 60 tonnes de biodéchets ont été valorisées. Le territoire compte 14.500 habitants, avec une forte augmentation en haute saison, puisque la capacité d’hébergement touristique est d’environ 100 000 personnes. Les restaurateurs et campings se sont donc également mis au compost en établissement. Légalement, les entreprises qui produisent plus de 10 tonnes de biodéchets par an sont déjà censées trier leurs biodéchets. En 2023 ce seuil sera abaissé à 5 tonnes, puis l’obligation concernera tous les professionnels en 2024.
Depuis 2021, le Smitomga expérimente aussi en saison haute -été et hiver – la collecte des biodéchets en station, à Puy Saint-Vincent et à Vars. Les restes de cuisine des centres de vacances et restaurants sont ensuite compostés en vallée.
L’enjeu économique est important. Pour inciter les collectivités réticentes à réduire leurs tonnages de déchets, l’État n’hésite pas à jouer sur leurs finances. La TGAP – la Taxe Générale sur les Actions Polluantes réglée par les collectivités – est passé de 10€/t en 2008 à 25 euros en 2020, et 65€ en 2025, avec in fine un report sur les habitants.
Sans compter les coûts de transport et d’enfouissement eux-mêmes, puisque les ordures ménagères du Guillestrois-Queyras et du pays des Écrins partent par camion vers le sud du département. Quelques 80 kilomètres plus tard, elle sont enfouies à la décharge du Beynon, gérée par une filiale de Veolia. En incluant la TGAP, le coût de transport et de traitement des ordures ménagères enfouies va ainsi passer de 136 euros la tonne d’ordures ménagères en 2020 à 251 euros en 2025.
En transport et traitement, on était à 60 à 70 % d’augmentation cette année, et pour les encombrants, ça sera quasiment 200 % au prochain renouvellement de marché.
Anne Chouvet
Deux postes sont consacrés aux biodéchets au Smitomga, dont un contrat aidé tous les jours sur le terrain, au contact des habitants. Ces postes ont été en grande partie financés grâce à des subventions de l’Ademe, de la région et de l’Union européenne. Le système fonctionne aussi grâce à des référents de site bénévoles.
Les quatre intercommunalités du nord du département travaillent également à un projet de co-compostage des boues d’épuration, des déchets verts et biodéchets.
Cela consiste à mélanger les résidus organique des stations d’épuration avec des déchets verts, en utilisant un procédé de compostage industriel, montant à 60 degrés, afin de les transformer en terreau utilisable localement, même en filière bio. Aujourd’hui, les boues des stations d’épuration partent à Manosque dans les Alpes-de-Haute-Provence et à Villard-Bonnot en Isère.
On amenait des excréments faire des centaines de kilomètres, ce n’est quand même pas satisfaisant du tout.
Anne Chouvet
Et lundi 25 octobre, nous nous tournerons vers la communauté de communes de Serre-Ponçon, qui a elle opté pour une collecte des biodéchets via sa régie Smictom.