« Une vraie solidarité, une belle générosité » : les Hauts-Alpins accueillent environ 300 exilés ukrainiens
Les chiffres ne sont qu’estimatifs et sont à manipuler avec prudence. Ils sont toutefois utiles pour livrer un ordre de grandeur, qui est vertigineux : selon les dernières données du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés publiées en début de semaine, la guerre en Ukraine a provoqué la migration de 8 millions de personnes. Parmi elles, près de 5 millions bénéficient d’une protection exceptionnelle de l’Union Européenne, prévue depuis 2001 et activée depuis mars 2022 pour la 1ère fois.
Toujours d’après les estimations du HCR, la France serait le 8ème pays d’accueil en nombre de déplacés, avec environ 120 000 personnes hébergées. Zoom sur les Hautes-Alpes, avec France Terre d’Asile.
L’antenne départementale de cette association nationale est responsable, localement, de l’accueil des exilés ukrainiens. Avec une spécificité par rapport aux autres personnes qu’aide d’ordinaire France Terre d’Asile : ces « nouveaux » migrants ne sont pas des demandeurs d’asile, qui sont eux candidats au statut de « réfugié » ou de « protection subsidiaire ». Officiellement, dans l’Union Européenne, les Ukrainiens sont « bénéficiaires de la protection temporaire ».
Ce dispositif inédit ouvre des droits spécifiques par rapport aux demandeurs d’asile en France : en plus de l’allocation classique sont prévus une « autorisation provisoire de séjour » de 6 mois renouvelable, a priori « tant que la guerre dure » précise France Terre d’Asile, un accès à la Sécurité sociale, et l’autorisation de travailler, qui « facilite grandement les choses au niveau de l’insertion et de l’intégration » selon l’association.
À l’heure actuelle, environ 300 personnes ukrainiennes bénéficient de cette protection dans les Hautes-Alpes.
Quel est le profil de ces déplacés ?
Au début du conflit, il s’agissait quasi-exclusivement de femmes et d’enfants, car les hommes n’ont pas le droit de quitter l’Ukraine. Le schéma grand-mère, mère, petits-enfants est courant. Depuis septembre, l’association observe toutefois l’arrivée d’hommes qui parviennent tout de même à quitter leur pays pour rejoindre leurs familles.
Certains de ces déplacés choisissent la France pour rallier une petite diaspora ou bien parce qu’ils sont francophones.
Comment s’est organisé l’accueil des déplacés ukrainiens dans les Hautes-Alpes ?
C’est Coralie Carvin, chef de service du dispositif Ukraine dans les Hautes-Alpes chez France Terre d’Asile, qui nous raconte.
Au tout début tout le monde a été pris de court, ça a été une demande de la préfecture pour savoir si on était prêt à gérer l’accueil d’une trentaine de déplacés d’Ukraine, c’était un peu flou. L’hôtel Formule 1 dans la zone Tokoro à Gap a été identifié pour accueillir les personnes arrivantes.
Et très rapidement ça a pris pas mal d’ampleur. Il y a eu des accords de solidarité régionale pour désengorger les principaux points d’entrée comme Nice. Il y eu en mars 2022 quelques bus d’une cinquantaine de personnes depuis les Alpes-Maritimes vers Gap.
France Terre d’Asile est mandatée par l’État sur le département pour s’occuper de l’accueil des déplacés d’Ukraine. On a à charge toutes les étapes et donc une bonne vue d’ensemble.
L’improvisation des débuts passée, l’accueil s’est organisé. Un an plus tard, voici ce qui est en place.
Le Formule 1 est considéré comme un sas d’urgence avec des places attribuées pour les personnes arrivant dans les Hautes-Alpes. On reçoit ces personnes pour faire les premiers papiers auprès de la préfecture.
Ensuite on a deux centres d’hébergement, à Veynes et Pont-du-Fossé, où les personnes sont basculées dès que possible. L’idée est ensuite qu’elles puissent accéder à un hébergement autonome.
France Terre d’Asile est financée pour faire de l’intermédiation locative, c’est-à-dire qu’on est intermédiaire entre bailleurs et ménages ukrainiens. On apporte la garantie, on paye le loyer, ensuite les Ukrainiens nous paient le loyer. Aujourd’hui cela bénéficie à environ 80 personnes, soit une vingtaine d’appartements autonomes, surtout chez des bailleurs sociaux. L’idée à terme est que les personnes soient locataires sans passer par notre intermédiaire.
Toutefois, les deux-tiers des exilés ukrainiens dans les Hautes-Alpes sont hébergés chez des habitants, souligne Coralie Carvin.
On a énormément d’hébergeurs citoyens qui accueillent chez eux, et c’est la majorité. Il y en a dans tout le département. Nous on essaie d’être en soutien, notamment administratif et social, à tous ces hébergeurs. Je suis très admirative de cet accueil-là, car les personnes hébergent depuis un moment, font des propositions sur le long terme, parfois sur des logements autonomes. Donc il y a une vraie solidarité, une belle générosité sur l’hébergement citoyen.
Nous on sert à faire que tout fonctionne, qu’un hébergeur ne se retrouve pas dans la galère. S’il ne peut plus héberger, on récupère la famille et on essaye de trouver une autre solution.
Une fois installés, comment ces exilés ukrainiens s’intègrent-ils à la vie locale ?
Via l’école pour les enfants, et en tentant de trouver un emploi pour les adultes.
Les enfants sont scolarisés très vite et ça se passe plutôt bien.
Le travail c’est un peu plus compliqué. Il reste un énorme frein au niveau de la langue, et surtout sur la mobilité. 90 % des gens n’ont pas de véhicule, ce qui est compliqué pour les Hautes-Alpes. On a une trentaine de personnes qui sont tout de même en emploi.
Les déplacés d’Ukraine sont inscrits à Pôle Emploi, qui leur propose des formations de français rémunérées, sur 35h par semaine. C’est très avantageux et très intéressant pour eux. Il y en a beaucoup qui s’inscrivent sur ces formations-là parce qu’ils ont bien compris que c’est souvent un prérequis pour trouver du travail.
Après l’important afflux jusqu’à l’été 2022, ce sont désormais une quinzaine de personnes qui arrivent chaque mois dans le département, majoritairement pour rejoindre leurs proches.
Si vous souhaitez vous mobilisez auprès des Ukrainiens, retrouvez toutes les informations sur le portail gouvernemental « Pour l’Ukraine« .