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« Un aller-retour Gap-Embrun et une baguette ! », comment la Région PACA imagine les « Gares de Demain »

Demain, verra-t-on des boulangeries, tiers-lieux, des bars associatifs ou même des micro-crèches dans les gares SNCF ? La Région PACA a présenté mercredi 29 juin 2022 ses villes cobayes au programme « Gare de Demain » : Cuers, Sorgue et Embrun. Ces villes pourraient voir leur gare transformée dans les trois prochaines années. Reportage.

Dans la salle de la Manutention à Embrun, le cabinet One Point présente les panneaux d’une exposition. « Observations », « diagnostic », « défis », le cabinet missionné par la Région y a synthétisé les résultats de ses premières recherches. Résultats qui seront complétés cet été par des ateliers de concertation des locaux, touristes et acteurs économiques et des formulaires en ligne.

One Point s’appuiera sur ses propres observations et le fruit de la concertation pour faire des propositions d’aménagement. Le défi : faciliter l’intermodalité (l’alternance de modes de transport, comme train-vélo, train-location de véhicule…) et faire de la gare un lieu vivant qui, plus qu’un simple lieu de départ et d’arrivée, devienne une destination à part entière.

Un programme intitulé « 1001 Gares » affichait déjà un objectif proche. Sauf que selon le directeur des infrastructures et grands équipements de transport à la Région Didier Biau, il s’est soldé par « une sorte de petit échec ». Notamment car « 1001 Gares » portait exclusivement sur l’intérieur des bâtiments. D’où l’idée avec cette nouvelle opération d’élargir la réflexion aux environs des gares, à leur connexion au reste du territoire en associant les communes. Chantal Eymeoud, vice-présidente de la région PACA.

Gares de demain « participe aussi à l’amélioration des espaces proches de la gare » – Chantal Eymeoud, Maire d’Embrun et Vice-Présidente de la Région PACA

Les idées pour dynamiser les petites gares ne manquent pas. En gare de Marseille Blancarde, un collectif d’artiste a posé toiles, tréteaux et outils, pour exposer des œuvres et animer des ateliers grand public. À Villiers, une micro-crèche en gare accueille dix enfants depuis 2019. Espaces de coworking, épiceries de produits locaux, cabinets médicaux… autant de projets qui émergent pour donner un second souffle aux gares en perte de vitesse… ou de guichetier. En effet, lors de la présentation de « Gare de demain » à la presse, deux personnes travaillant sur le dossier s’accordaient sur le fait que le numérique ferait progressivement disparaître ces postes, « comme celui des poinçonneurs » en leur temps.

Alors qui pour informer et vendre les billets sur place, ou même pour ouvrir la gare ?

« Le fleuriste pourrait ouvrir le matin quand le seul guichetier restant fermerait le soir » imagine une représentante de One Point. Les commerces installés sur place vendraient aussi les billets. Des montages à affiner au cas par cas.

Au-delà de l’attractivité de la gare, l’opération présente un intérêt économique pour la Région

Les gares sont la propriété de l’État à travers SNCF Gares et Connexions. Or SNCF Gares et Connexions fait reposer ses charges sur un mode de péage, répercuté par rebond sur l’Autorité Organisatrice des Transports : la Région. Celle-ci a donc tout intérêt à fournir les solutions pour remplacer les guichetiers et dégager des loyers pour Gares et Connexions. Ce que feront les futurs services implantés en gare. D’ailleurs la Région a débloqué une belle enveloppe pour « Gares de demain » : près de 5M€ pour les 3 villes « cobayes » et 40M€ plus largement pour le programme sur trois ans. Car dans un second temps la démarche sera étendue aux 144 gares de PACA, s’appuyant sur le retour d’expérience des trois villes cobayes : Sorgues, Embrun, et Cuers

Comment réagissent les associations d’usagers à ce programme ?

Nicole Tagand, membre du collectif de l’étoile ferroviaire de Veynes, rappelle qu’une gare n’est pas vivante parce qu’il y a un fleuriste mais parce qu’il y a des trains qui y passent. En clair, ne pas perdre de vue l’objectif premier d’un bon service de transport : suffisamment de trains, aux bons horaires et à un tarif convenable. Quant au guichetier-fleuriste, Nicole Tagand ne s’arc-boute pas contre cette idée mais signale tout de même que « vendre un billet, c’est pas comme vendre un paquet de clope ». D’ailleurs même « les nouveaux guichetiers ne trouvent pas toujours les tarifs les plus avantageux » assure-t-elle, preuve qu’une bonne connaissance du réseau est nécessaire lorsque l’on sort des trajets directs du quotidien.

Quel calendrier s’est fixé la Région pour cette opération ?

Le cabinet One Point doit rendre ses conclusions pour les trois gares cobayes fin 2023, pour un début de chantier en 2024. Un calendrier qui interroge au regard de la taille de l’enveloppe affectée au programme, 40M€ sur trois ans, quand les trois premières villes n’en consommeront que 5 millions, et sûrement pas avant 2025.

Quant à l’autre date très attendue, celle de la fin du moteur diesel pour la ligne des Alpes, il faudra patienter quelques années encore. Les trains à batterie sont en phase de test pour un déploiement en 2024, tandis que ceux à hydrogène « ne seront suffisamment matures » que d’ici 10 ans, nous indiquait le directeur des infrastructures et grands équipements de transport à la Région Didier Biau.