Transports en PACA : « plus simples, plus justes, plus écolos » ? « Zéro pointé partout » selon les associations d’usagers
C’était il y a tout juste un mois : le 24 juin dernier, le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur adoptait la délibération fixant la nouvelle gamme tarifaire des transports publics. Une refonte en profondeur au sujet de laquelle s’opposent frontalement deux visions : celle de la région et celle des associations d’usagers.
Le sujet est vaste et complexe, voici donc une confrontation point par point pour tenter d’en saisir les enjeux. Parole, d’une part, à Jean-Pierre Serrus, vice-président de la région en charge des transports, et, d’autre part, à Nicole Tagand, membre du collectif de l’étoile ferroviaire de Veynes, appuyé dans son analyse par la FNAUT, la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports.
Premier sujet de discorde : la fin des réductions nationales SNCF en PACA
Depuis le 1er juillet 2022, la région a décidé de « la fin de l’acceptation des tarifs commerciaux nationaux de la SNCF […] sur le réseau régional de transport pour les trajets dont l’origine et la destination sont situés [en Provence-Alpes-Côte d’Azur] ». Autrement dit, plus possible aujourd’hui d’utiliser la carte « Avantages », par exemple, sur un voyage à l’intérieur de la région. Pour se justifier, Jean-Pierre Serrus évoque le manque à gagner que ces réductions représentent.
Nous donnons la priorité aux administrés de notre région. Le service public régional c’est 480 millions d’euros par an, nous voulons le consacrer en priorité aux citoyens régionaux et à ceux qui utilisent les moyens régionaux.
Jean-Pierre Serrus
Nicole Tagand, de son côté, pointe le caractère précipité de ce changement.
Quand les détenteurs de la carte l’ont achetée il y a quelques mois, ils n’avaient aucune idée qu’elle ne serait finalement plus valable en PACA. Quelque part c’est une rupture de contrat.
Nicole Tagand
La « nouvelle gamme tarifaire » au cœur des débats
La véritable remise à plat des prix des transports aura lieu le 5 janvier 2023, date d’entrée en vigueur des nouveaux tarifs. L’élaboration de cette grille poursuivait trois buts, expose la région.
Une tarification plus simple, plus équitable et plus écologique.
Jean-Pierre Serrus
À ce propos, le collectif d’usagers annonce la couleur :
« c’est zéro pointé partout ».
Nicole Tagand
Tarifs plus simples ?
La région, lorsqu’elle est devenue autorité organisatrice des transport, explique avoir hérité de multiples tarifs difficilement déchiffrables. D’où la décision de « [retenir] six produits pour simplifier la gamme et son appropriation par les usagers » :
- le billet unitaire
- le billet unitaire pour groupe de 3 à 5 personnes
- le carnet de 10 trajets
- l’abonnement classique, mensuel ou annuel
- l’abonnement mensuel « flex »
- le pass ZOU ! Études
Quant à la carte actuelle ZOU ! 50 – 75%, elle disparaitra de l’offre.
Selon Nicole Tagand, l’objectif de simplicité n’est pas atteint. En témoigne l’abonnement « flex » pour 10, 20 ou 30 trajets, payé a posteriori en fonction du nombre de voyages effectués.
Je n’ai jamais vu ça : payer après avoir consommé et se retrouver devant une facture. Je ne vois pas où est la simplicité de ce genre de chose.
Nicole Tagand
Tarifs plus justes ?
La région part du constat que les tarifs actuels varient en fonction des lignes et des départements et induisent donc des disparités entre secteurs. La solution apportée est, à partir de 2023, d’appliquer un tarif kilométrique unique pour calculer le prix du billet.
Problème, souligne le collectif de l’étoile ferroviaire de Veynes : les habitants des départements alpins, qui, « comme tout le monde, dépendent d’une métropole, sont pénalisés par ce besoin de se rendre à la métropole [marseillaise] parce que le prix est prohibitif » à cause de leur éloignement. Quant à la nouvelle carte de réduction de 30 %, elle est insuffisante pour corriger ce déséquilibre estime Nicole Tagand.
Autre mesure pour obtenir des tarifs plus justes : la création d’un « nouveau système unique de réduction pour tenir compte des capacités réelles de contribution des usagers. Celui-ci s’appuie sur le quotient familial » :
- 50 % de réduction sur tous les titres pour un quotient familial entre 501€ et 710 €
- 90 % de réduction si le quotient familial est inférieur ou égal à 500 €
Selon la région, « environ 25 % de la population régionale sera éligible » à ces réductions.
Le collectif d’usagers dénonce une « faveur » en trompe-l’œil.
Sur un Briançon-Marseille, cette faveur devient deux fois plus chère qu’actuellement avec une carte Zou !.
Nicole Tagand
Tarifs plus écologiques ?
C’est là le nœud du désaccord. Des tarifs écologiques impliquent de favoriser le report modal, c’est-à-dire l’usage des transport en commun au détriment de la voiture.
Or, nombre de protestations qui s’élèvent contre la nouvelle gamme tarifaire annoncent une augmentation générale des prix des billets, ce qui irait à l’encontre de l’objectif écologique. Jean-Pierre Serrus conteste : selon lui, ce sera tout le contraire.
C’est faux, il n’y a pas d’augmentation. Il y a une règle simple : on va augmenter le nombre de voyages à recettes constantes, donc le prix moyen du voyage baisse.
Jean-Pierre Serrus
Pour 600 millions d’euros de dépenses annuelles, les recettes se maintiendront à 120 millions d’euros annonce donc la région. Cependant, la baisse moyenne des prix, si elle se produit, cachera « une inégalité majeure [en défaveur] des départements alpins » rappelle le collectif d’usagers. Ce dernier signale par ailleurs que de nombreuses dépenses pourraient être évitées en supprimant les doublons train-cars qui effectuent le même trajet au même moment.
Dans les faits, selon la région, le report modal sera favorisé grâce aux nouvelles formules telles que les billets unitaires pour mini-groupes ou les abonnements.
Premier exemple : dès qu’on voyage à 3 sur un même trajet, il y a une réduction de 30 %, à 4, 40 % et à 5, 50 %. On met donc en concurrence les transports collectifs avec le covoiturage et la voiture individuelle. Autre objectif : nous favorisons les abonnements, ce qui permet de se déplacer plus aisément.
Jean-Pierre Serrus
Mais pour Nicole Tagand, là nous plus ça ne va pas : les abonnements proposés sont trop restreints et inadaptés.
J’habite à Chorges : l’abonnement Chorges-Marseille n’existe pas, ils ne sont proposés que sur des segments bien particuliers. Et pour faire 20 allers-retours par mois entre Chorges et Marseille il vaudrait mieux habiter là-bas.
Nicole Tagand
Quant à la nouvelle carte de réduction, au même prix que l’actuelle, 30 €, mais offrant moins d’avantages, 30 % de moins sur le billet au lieu des 50 à 75 % aujourd’hui, elle échouera à attirer de nouveau voyageurs, prédit le collectif.
Finalement, faut-il s’attendre à voir plus de passagers dans les cars et les trains à partir de l’année prochaine ?
Jean-Pierre Serrus l’affirme : la voiture sera davantage délaissée au profit du transport collectif.
On met en place une tarification qui va inciter de nouveaux utilisateurs à faire de nouveaux voyages sur nos lignes.
Jean-Pierre Serrus
Le bilan du collectif de l’étoile ferroviaire de Veynes, quant à lui, est radicalement à l’opposé : selon lui, cette réforme va « encore plus vider les trains ».
On est complètement à côté de la plaque, c’est un échec cuisant. On voudrait entendre « quoi qu’il en coûte », mais on reste à dépenses constantes. Dans notre département, la plupart des gens ne voyagent pas en train car on est fort mal desservis et qu’il y a peu de fréquence. Quand un trajet en train coûte plus cher que d’être seul dans la voiture, c’est totalement dissuasif. On voit l’Allemagne avec ses 9 € par mois, l’Espagne avec ses trains gratuits, la Normandie avec un tarif maximum à 15 €. Imaginez un Briançon-Marseille à 15 € au lieu de 49,20 € : on n’est pas sur la même planète.
Nicole Tagand
Parmi les maires, les syndicats de cheminots et les associations de protection de l’environnement, des voix se sont également élevées contre cette nouvelle gamme tarifaire. Sans résultat puisqu’elle a été adoptée le mois dernier.