Démissions au conseil municipal de Vallouise-Pelvoux : « dictature », « mensonges », « rumeur » et « trahison »

Un peu plus d’un mois après le renversement du Maire de Vallouise-Pelvoux, par sa propre équipe, l’heure des explications, l’heure aussi de faire table-rase et d’envisager la suite.

Le 22 juin, huit membres du conseil municipal de la commune démissionnent. Parmi eux, trois de l’opposition, cinq de la majorité, dont le Premier adjoint ! Pas suffisant pour rappeler les habitants aux urnes… Sauf que, les suppléants des deux listes refusent à leur tour de siéger au conseil. Cette fois, Jean Conreaux, Maire de Vallouise-Pelvoux, tombe. De nouvelles élections doivent se tenir. Tous contestent sa gestion de la commune.

Membres de la majorité démissionnaires comme de l’opposition s’accordent sur deux points. D’abord, sa manière très autoritaire d’exercer sa fonction. Laurent Vernet, chef de file de l’opposition, dénonce, je cite, “une dictature pure et simple“ dès le départ.

Une charte, instaurée par la majorité lors des conseils municipaux, restreignait à minima les débats.

Il reconnaît que sa plainte déposée pour fraude électorale à l’issue du second tour des municipales a fait planer un climat délétère sur l’assemblée. L’opposition confesse donc être en partie responsable. Pour autant, après les excuses de Laurent Vernet lors d’un conseil municipal, cette charte est restée intacte.

La cohésion au sein de la majorité, elle, aurait explosé à l’issue du scrutin départemental perdu par le maire, battu sur sa propre commune par Gaëlle Moreau. La version de Jean Conreaux est tout autre. Il estime avoir dû calmer les ardeurs de ses adjoints.

Selon J. Conreaux, certains adjoints (aujourd’hui démissionnaires) organisaient des réunions privées pour redébattre des sujets abordés en conseil municipal.

Autre point d’accroche : une communication, mauvaise, voire inexistante, vis-à-vis de la population. Christian Canton, démissionnaire de son poste de Premier adjoint et du conseil municipal :

Le Maire aurait refusé toute réunion publique pour rendre compte des conclusions d’études importantes, notamment concernant la station de ski.

Le maire, qui ne gère plus que les affaires courantes désormais, reconnaît ne pas être expert en communication, mais il renvoie la balle sur son ex-équipe qui n’aurait pas pris sa part ! « Trahison » pour Jean Conreaux, « mensonges » selon Christian Canton… entre les deux hommes, les tensions sont encore très vives.

Nouveau scrutin le 25 septembre

Si la date de cette nouvelle élection est connue, aucune candidature n’est encore officielle. A priori, trois devraient s’opposer : celles de Christian Canton (ex-premier adjoint), de Laurent Vernet (ex-chef de file de l’opposition), et de Gaëlle Moreau, la conseillère départementale sur le canton de l’Argentière-la-Bessée. Jean Conreaux, lui, jette l’éponge et assure qu’il ne sera ni candidat, ni colistier, ni soutien.

Concernant leur souhait pour la commune, tous dans la même optique, à l’image de Christian Canton.

« Un futur mandat sera réussi si on ne parle plus, ni de majorité, ni d’opposition. » C. Canton

Quel que soit le résultat, on peut donc espérer une entente cordiale entre chacun, afin que la suite de cette mandature soit efficace, bien qu’elle s’annonce compliquée d’après Laurent Vernet.

Ces deux premières années de mandature sont « une perte de temps », « d’énergie » et « d’argent » selon L. Vernet.

Gaëlle Moreau « finalise des discussions » avant d’officialiser, ou non, sa candidature « d’ici la fin de la semaine prochaine« . Ce sera, plus tard, « mi-août« , pour les deux autres. S’en suivra un peu plus d’un mois de campagne avant les nouvelles élections.

Au cœur de la campagne : la station de Pelvoux

Une étude, ClimSnow, diligentée par la Région, assure que le domaine ne bénéficiera plus de neige naturelle entre 2030 et 2035. Face à ce constat, une rumeur dans la commune circule, selon laquelle les deux hommes candidats potentiels, Laurent Vernet et Christian Canton, opteraient pour la fermeture définitive de la station.

Cette rumeur, plutôt accusation, a été lancée par le Maire actuel. Fake news ou réalité ? Après consultation de documents et échanges écrits ainsi que de nombreux entretiens et appels, pas d’ambiguïté : aucun projet de fermeture n’a été discuté.

En revanche, le démantèlement d’un des deux télésièges, celui qui mène aux crêtes, a bien été envisagé. Si l’on suit ce cheminement, il paraît nécessaire de se questionner. La station peut-elle survivre sans ce télésiège ? Peu probable, s’il n’est pas remplacé par un plus petit ou revenir au téléski d’antan. Mais la réflexion n’a pas été jusque là. C’est d’ici qu’est née cette rumeur. On peut donc plutôt parler d’extrapolation du Maire.

Qui a concrètement envisagé ce démantèlement ?

Laurent Vernet reconnaît avoir été “effleuré par l’idée“ dans un cadre privé, « rien de plus« , compte tenu “de son gouffre financier insurmontable“. Pour rappel, la mairie de Vallouise-Pelvoux a repris la gestion de la station l’an dernier. Désormais, elle est donc contrainte d’équilibrer les comptes en cas de déficit. Cet hiver, celui-ci s’élevait à 571.000 €, somme qui s’ajoute au remboursement d’emprunts. Au total, la station représente près de 30% du budget de 2022 de la commune. L’inquiétude pourrait encore grandir la saison prochaine à cause de l’explosion du prix de l’électricité, multiplié par quatre environ. Toute une économie tient sur cette seule station, mais la commune a-t-elle les moyens de poursuivre l’exploitation avec un tel déficit annuel, sans ajourner d’autres projets d’investissement, ni augmenter les impôts ?

Discussions oui, mais jamais de négociations !

Christian Canton, ex-Premier adjoint à la mairie de Vallouise-Pelvoux

Sur la question du démantèlement, pour les mêmes raisons, Christian Canton admet deux échanges téléphoniques entre la mairie de Vallouise-Pelvoux et le directeur du domaine de Puy-Saint-Vincent. Le premier a été conduit par la gestionnaire du domaine de Pelvoux. Le second, par lui-même. Prix de rachat estimé du télésiège des crêtes : 2,6 millions d’euros. La station voisine aurait pu être intéressée pour le racheter, car elle prévoit de remplacer l’un des siens, vieillissant, dont la mise en route est annoncée pour Noël 2023. “Discussions oui, mais jamais de négociations !“ martèle Christian Canton. Les délais imposés par Puy-Saint-Vincent, une décision avant fin 2022, empêchaient la consultation citoyenne souhaitée par l’ancien Premier adjoint.

En conclusion, avant toute prise de position, les deux camps, Canton comme Vernet, espèrent un hiver « normal » pour bénéficier d’une réelle visibilité sur les coûts. Ensuite, ils souhaitent une meilleure gestion des moyens techniques pour faire des économies. En parallèle, ils appellent à consulter la population en lui exposant les pistes d’avenir possibles de la station.

Tiffany Derouet