Montage de Gilles Massot : à gauche, Jules Itier, à droite, Gilles Massot

Jules Itier, ce Haut-Alpin vadrouilleur qui a inventé le reportage photo

À Gap, en ce moment, est mis à l’honneur un pionnier du reportage-photo, ayant ses racines dans les Hautes-Alpes : la troisième et dernière partie de l’exposition consacrée à Jules Itier s’est installée au Musée Muséum Départemental à la fin du mois de juin. C’est l’artiste Gilles Massot qui l’a réalisée, sous le titre « L’enfant sauvage et le douanier globe-trotteur ».

Le « douanier globe-trotteur », c’est bien Jules Itier. Né en 1802 au sein d’une famille originaire de Serres, ce dernier suit ses études à Marseille avant d’intégrer la douane au sein de laquelle il gravira les échelons au fil de sa carrière. Scientifique amateur mais de haut-niveau, passionné d’ethnologie, de géologie ou encore de botanique, Jules Itier devient également féru de photographie. Le premier appareil photographique à être commercialisé est en effet présenté en 1839. Il s’agit du daguerréotype, invention française, qui consiste en l’inscription de l’image dans une plaque d’argent, sans négatif. Un dispositif que Jules Itier va mettre à profit dès son premier voyage à l’étranger.

Gilles Massot nous raconte.

Le tournant de sa carrière ce sera en 1842 quand il est détaché des douanes auprès du ministère du commerce pour aller faire une étude du marché de l'indigo au Sénégal. C'est la première fois qu'il va utiliser un daguerréotype : la première vue représente le palais du gouverneur et la seconde porte sur le côté ethnographique. Donc dès le départ il y a cette utilisation très variée de la caméra. Quand il revient il est sélectionné pour devenir le conseiller économique de la mission mise en place par Louis-Philippe pour aller signer le premier traité diplomatique avec la Chine. C'est au moment de ce voyage-là qu’il invente le reportage.

Un deuxième voyage qui deviendra donc incontournable dans l’histoire du reportage et de la photographie.

Il va naviguer dans la mer de Chine pendant un an et demi, puis repartir par le Sri Lanka et l'Égypte. Tout du long il va noter ce qui se passe et le texte couvre tous les sujets. C'est ça qui est important pour cet aspect reportage : il y a des événements politiques, des analyses commerciales, des descriptions culturelles de la vie locale, ethnique, de la végétation, de la géologie. C'est vraiment une globalité d'information qui donne du reportage, avec des images.

Ces images, justement, deviennent historiques, puisque Jules Itier est l’auteur de la première photographie réalisée en Asie : le daguerréotype d’une porte de temple à Singapour le 6 juillet 1844 est la plus ancienne photo retrouvée et datée prise sur ce continent.

L’exposition présentée au Musée Muséum Départemental se compose de deux parties. La première est une création personnelle de Gilles Massot, auteur de recherches sur ce personnage.

On a travaillé et photographié dans les mêmes endroits donc je me suis passionné pour le personnage. J’ai pu refaire ses prises de vue et c'est une partie de l'exposition. Ces images sont réalisées avec une technique très personnelle, qui permet, dans chaque tirage, de condenser toute l'histoire technique de la photographie.

La deuxième partie consiste en un dialogue entre deux voyageurs sous la forme de petits cabinets de curiosité qui mettent en parallèle des objets issus des périples de Jules Itier et Gilles Massot. Les éléments du fonds Itier du musée sont ainsi présentés pour la première fois au public. Et ce dans un département que le douanier à la retraite a présidé de 1868 à 1871, selon les recherches de Gilles Massot.

« L’enfant sauvage et le douanier globe-trotteur » est à voir au Musée Muséum Départemental à Gap jusqu’à mi-septembre.

Pour en savoir plus sur le travail de Gilles Massot et son enquête sur Jules Itier, retrouvez un entretien en longueur dans notre émission Moments Partagés.