Jérôme Gruit, Philippe Assaiante, Julien Bouillé, Alexandra Pourroy, Sophie Binet, militants CGT, le 13/02/25 à Embrun / Photo : ram05

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, au chevet des saisonniers et des militants hauts-alpins

La syndicaliste était en visite dans les Hautes-Alpes ce jeudi. L’occasion d’y revendiquer de meilleures conditions de travail pour les saisonniers, et de soutenir la création d’une nouvelle union locale à Embrun.

Depuis 10 ans, la CGT n’était plus présente sur le terrain dans l’Embrunais. Un manque comblé depuis l’inauguration ce 13 février d’une nouvelle union locale. Cette antenne embrunaise se matérialise par une permanence dans les locaux de l’espace France Services, place Dongois, pour « informer des droits et défendre les travailleurs ».

Pour Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, cette présence locale est essentielle, d’autant qu’elle est de plus en plus menacée.

C’est très important parce que la marque de fabrique de la CGT, c’est la proximité. Le syndicalisme, ce n’est pas des leçons d’en haut, c’est le fait de pouvoir s’organiser pour agir sur son lieu de travail avec ses collègues et relever la tête face au patron.

Nos 800 unions locales sont très fragilisées. D’abord parce que leurs locaux sont remis en cause par de nombreuses municipalités. Et puis aussi parce que dans de plus en plus d’entreprises nous n’avons plus de droit syndical pour pouvoir dégager des militants et des militantes pour aller développer la CGT là où elle n’est pas et aider les salariés dans les plus petites entreprises. C’est un vrai problème. Et pour ça, nous avons besoin d’une loi pour graver dans le marbre la nécessité que, au moins dans toutes les villes de plus de 10 000 habitants, il y ait une bourse du travail avec des organisations syndicales, que dans tous les centres France Services, il puisse y avoir une présence syndicale.

On a gagné des droits dans le code du travail : ces droits ne sont pas arrivés du ciel, ils sont arrivés parce que les salariés se sont syndiqué, parce qu’ils ont lutté, parce qu’ils ont fait grève. Pour que ces droits soient effectifs, il faut que les salariés soient syndiqués et que les syndicats existent, parce que sinon les employeurs se servent du code du travail pour caler leurs meubles et n’appliquent pas les droits.

La permanence embrunaise de la CGT est pour l’instant accessible un lundi sur deux, en semaines paires, aux horaires d’ouvertures de l’espace France Services. Un service qui doit, à terme, se consolider et se développer, annoncent les militants.

À la rencontre des saisonniers

Ce jeudi, Sophie Binet a également rencontré des travailleurs et travailleuses saisonniers à Vars. Pour améliorer les conditions de travail de ces maillons essentiels de l’économie touristique, la syndicaliste insiste sur trois enjeux. À commencer par l’hébergement.

La première chose dont ils nous ont parlé, c’est du logement en nous disant que c’était l’enfer, avec beaucoup de saisonniers qui sont obligés de se loger dans leur voiture, dans des camions, des camping-cars, dans des conditions déplorables avec de gros dangers notamment en termes de chauffage, dans des logements insalubres. Ou des saisonniers qui sont obligés de faire des allers-retours chaque jour avec une perte de temps, un coût et puis aussi un impact environnemental. Donc il faut travailler sur l’aménagement du territoire pour que, dans les zones d’activités économiques, on puisse loger les travailleurs et les travailleuses. On va ici accueillir les JO en 2030 : nous demandons à ce qu’ils soient l’occasion de développer l’offre de logement pour les saisonniers et les saisonnières dans la durée.

La précarité et l’assurance chômage sont un deuxième point de mobilisation de la CGT.

On a réussi par notre mobilisation à enterrer la réforme de l’assurance chômage qui était voulue par le précédent Premier ministre Gabriel Attal. Cette réforme de l’assurance chômage aurait été une catastrophe pour les saisonniers parce que cela voulait dire qu’il fallait avoir travaillé 8 mois pour avoir des droits aux allocations chômage. Il n’y a aucun saisonnier que j’ai rencontré qui travaille 8 mois dans l’année, il n’y en a même aucun qui travaille 6 mois dans l’année : ils sont plus autour de 4-5 mois avec des saisons qui se raccourcissent du fait du recul de l’enneigement. Nous avons gagné que le droit allocation chômage soit ouvert à partir de 5 mois de travail, ça va être effectif au 1er avril, c’est une victoire de la CGT. Mais ça n’est pas suffisant : nous voulons que ce soit effectif à partir de 4 mois de travail parce que beaucoup de saisonniers n’arrivent pas à atteindre les 5 mois.

Enfin, les contrats de travail jouent en défaveur des travailleurs et travailleuses saisonniers, rappelle la secrétaire générale.

Nous voulons créer des garanties collectives pour les salariés, leur permettre par exemple d’avoir une prise en compte de leur ancienneté. Quand on est saisonnier, à chaque saison c’est un nouveau contrat de travail sans prise en compte aucune de l’ancienneté, cela veut dire aucun droit à la formation professionnelle, aucun avancement salarial et des salariés qui sont scotchés au SMIC toute leur vie. On a gagné dans les remontées mécaniques parce que nous y avons un syndicat CGT, avec une prise en compte de l’ancienneté, partielle, mais qui existe. Eh bien, nous voudrions gagner ça pour tous les saisonniers par exemple.

La fragilité de l’industrie

Au niveau national, la CGT s’empare aussi du sujet des licenciements massifs dans l’industrie. Les Hautes-Alpes, a priori éloignées de cette problématique, sont pourtant concernées, note Sophie Binet.

Aujourd’hui, la situation économique du pays est fragilisée parce que les grands groupes ont décidé de faire toujours plus de profits et multiplient les licenciements, ce qui met en difficulté les petites et moyennes entreprises et le dynamisme économique dans beaucoup de secteurs. Ici, dans une région qui vit beaucoup du tourisme, si les salaires baissent, si les gens perdent leur travail, évidemment qu’ils ne peuvent plus partir en vacances et que derrière, cela entraîne des difficultés sur le secteur du tourisme et des services. Donc il faut reprendre la main pour ne plus laisser les multinationales dicter leurs lois, nous voulons que le gouvernement s’impose, se fasse respecter des multinationales.

À proximité des Hautes-Alpes, Sophie Binet cite les exemples des sites isérois de Vencorex et Arkema, entreprises du secteur de la chimie, où plusieurs centaines d’emplois sont actuellement menacés.