À peine rangés, les panneaux électoraux devront ressortir pour les élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024, suite à la dissolution de l'Assemblée Nationale par Emmanuel Macron le 9 juin 2024 © Simon Becquet

Européennes et dissolution de l'Assemblée : après le choc, les discussions entre partis ont commencé

Les 30 juin et 7 juillet, les français seront appelés à voter pour des élections législatives suite à la dissolution de l'Assemblée Nationale souhaitée par Emmanuel Macron du fait d'une percée historique du Rassemblement National, qui a obtenu deux fois plus de voix que la liste de la majorité présidentielle aux élections européennes. Dès aujourd'hui, les partis s'affairent en interne et entre eux pour discuter stratégie électorale, et décider s'ils doivent, ou non, présenter des candidats sur les différentes circonscriptions. Le député de la deuxième circonscription Joël Giraud a d'ores et déjà annoncé qu'il ne serait pas candidat et qu'il se retirait de la politique tandis que Pascale Boyer a annoncé repartir pour ces nouvelles élections.

L'annonce de la dissolution est survenue avant même la diffusion des résultats définitifs et a pris de court l’ensemble de la classe politique, suscitant de vives réactions, y compris au sein du parti Renaissance. À commencer par le député de la 2ème circonscription des Hautes-Alpes, qui a annoncé dimanche 9 juin dans la soirée mettre un terme à sa carrière politique. Sollicité par la rédaction, Joël Giraud a décliné notre proposition d’interview et renvoyé à son communiqué : « Cette dissolution qui est l’annonce d’un gouvernement de cohabitation entre le président et l’extrême droite alliée sans doute à une partie de la droite, compte tenu des forces en présence, ne fait pas partie de mon ADN politique, explique Joël Giraud, ma carrière et mon engagement s arrêtent donc le 30 juin. J’estime avoir bien servi la France et les Hautes-Alpes pendant toute cette période mais ce monde n’est désormais plus le mien ». Toujours chez Renaissance mais dans la première circonscription, la députée Pascale Boyer indique, elle, « [prendre] acte de la décision du Président de la République de dissoudre l'Assemblée Nationale, la [comprendre] vu les désordres. Une majorité claire et non équivoque est souhaitable pour sortir notre pays de l'ornière. » conclut-elle, confirmant à ram05 son intention d'être candidate aux législatives dans la 1ère circonscription.

Cette percée du RN, le Parti Socialiste des Hautes-Alpes l’interprète comme une sanction de la politique d’Emmanuel Macron, explique Marie-Jo Allemand, secrétaire fédérale du PS dans le département.

L'assurance-chômage, les gestions de crise après Covid et puis la politique de Macron tout simplement. Les gens quand ils n'arrivent plus à manger et qu'ils ont autant de difficultés financières [...] ça n'a pas lieu d'être. Donc aujourd'hui il faut se rendre compte que quand les gens connaissent une crise du pouvoir d'achat, ça se sanctionne.

Marie-Jo Allemand, secrétaire fédérale du PS des Hautes-Alpes

Même diagnostic pour Capucine Mounal, candidate La France Insoumise aux dernières élections législatives, qui évoque même un dégagisme.

C'est un dégagisme de la Macronie, de la façon dont elle fait de la politique, à coups de 49.3, à ne pas écouter les gilets jaunes, à être dans la répression, à vouloir sanctionner à chaque fois le pouvoir d'achat, à ne pas vouloir l'augmentation du SMIC. Donc pour moi clairement c'est un gros non pour la Macronie. [...] L'extrême droite, je suis désolée pour ceux qui ont voté pour eux, mais en vrai, ce sera exactement comme la Macronie si ce n'est pire, parce qu'elle a tout fait pour mettre en oeuvre les idées de l'extrême droite, et on voit bien aujourd'hui que ça ne fonctionne plus. [...] Pour moi la seule alternative, c'est l'union de la gauche, de toutes les gauches.

Capucine Mounal, candidate LFI aux élections législatives de 2022

Kévin Para, le chef des Républicains dans le Hautes-Alpes, estime que limiter cette envolée du Rassemblement National au seul vote sanction est une vision simpliste.

Effectivement, il y a un vote de contestation. Mais pas que. Il faut arrêter de penser que c'est juste contre Macron, même si une grande partie de la campagne a été axée sur : "si vous voulez donner une gifle à Macron, votez pour nous". Je ne crois pas qu'il y ait que ça. Je crois que les français en ont marre des discours, ne se sentent pas écoutés, pris en considération, voient le pouvoir comme étant très éloigné. Et puis il y a aussi des sujets redondants et à côté desquels on ne peut pas passer. Par exemple la sécurité, l'immigration, le pouvoir d'achat, ce sont des choses qui malheureusement ne s'améliorent pas voire qui empirent. Il y a un effet : "le seul parti que nous n'avons pas essayé et qui dit les choses [ndlr : c'est le Rassemblement National]? C'est vrai qu'il dit les choses, et dieu sait que je ne suis pas d'accord avec tout, mais il y a cet effet là. Et je pense que c'est pour ça qu'il a été plébiscité.

Kévin Para, chef des Républicains des Hautes-Alpes

Pour tenir le délai d'un premier tour des élections législatives au 30 juin, le dépôt des candidatures devra probablement se faire avant la fin de la semaine du 10 juin. Les Républicains des Hautes-Alpes se sont donnés quarante-huit heures pour désigner leurs candidats. Localement, le parti envisage de ne pas se plier à la volonté du national de couvrir toutes les circonscriptions.

Au niveau national, le parti voudrait qu'il soit présenté un candidat par circonscription. Mais je pense qu'il faut regarder localement ce qu'il pourrait se passer. Par exemple dans la circonscription nord [ndlr : des Hautes-Alpes] où Joël Giraud a déclaré qu'il ne serait pas candidat et qu'il arrêtait sa carrière politique. C'est à prendre en compte car le risque, ce serait de voir des circonscriptions tomber dans les extrêmes.

Kévin Para, chef des Républicains des Hautes-Alpes

A propos de la dissolution de l'Assemblée Nationale, Bernard Leterrier, candidat Europe Ecologie Les Verts pour ces élections européennes, 32ème surt la liste de Marie Toussaint, évoque de la surprise, un pari risqué, mais aussi une opportunité pour la gauche, à condition qu'elle parvienne à faire émerger des candidatures communes.

J'ai été comme tout le monde surpris par cette décision. D'abord parce qu'elle me parait assez dangereuse en ce qui concerne les résultats qui vont sortir : soit le Rassemblement National va envoyer une liste de député majoritaire à l'Assemblée Nationale, soit l'alternative, à mon avis, se situe à gauche avec la NUPES reconstituée pour des candidatures communes. Ce à quoi on va s'attacher dans le département d'ici vendredi pour trouver un accord.

Bernard Leterrier, 32ème sur la liste Europe Ecologie Les Verts aux élections européennes

La NUPES, coalition de gauche créée pour les législatives de 2022, peut-elle, à peine enterrée, ressusciter à l’occasion de ces élections surprises ? Marie-Jo Allemand n’y croit pas, mais se dit également favorable à une répartition des circonscriptions entre partis de gauche pour éviter de disperser les voix de leurs électeurs.

Je pense que la NUPES, malheureusement ou heureusement, n'existe plus. Aujourd'hui on part sur un accord de mandature suite aux européennes, on n'est donc plus du tout dans la même configuration que celle d'un accord de mandature suite à la présidentielle. Ce qu'il faut, c'est une candidature capable de gagner et pas seulement une candidature de protestation. Je ne vous cache pas que j'ai eu beaucoup d'appels d'élus de terrain qui nous demandent de nous mettre d'accord sur une candidature commune et je pense qu'on peut arriver à faire quelque chose très vite.

Marie-Jo Allemand, secrétaire fédérale du PS des Hautes-Alpes

Dans les Hautes-Alpes, une réunion au sein de chaque parti de gauche, puis entre les partis, est prévue dans la soirée de ce lundi 10 juin.