Publicités illégales : la préfecture condamnée pour inaction
Suite à un recours de l’association Paysages de France, le tribunal administratif de Marseille a enjoint le 6 juillet le préfet des Hautes-Alpes à faire constater les infractions à l’affichage publicitaire dans le parc naturel régional du Queyras et dans celui national des Écrins.
Il s’agit d’une trentaine de panneaux, principalement des pré-enseignes de commerce, repérés par un bénévole l’association fin 2019, alors que le Code de l’environnement interdit toute publicité dans ces lieux. Sept communes sont concernées: Château-Ville-Vielle, Eygliers, Guillestre, L’Argentière-La-Bessée, La Roche-de-Rame, Molines-en-Queyras, Prunières, Saint-Crépin et Saint-Véran.
L’association avait saisi la justice administrative en avril 2021, faute d’action de la préfecture des Hautes-Alpes. Préfecture qui a argué de deux excuses, selon Jean-Marie Delalande, vice-président de cette association nationale qui lutte contre la pollution visuelle.
Suite à notre première demande, on a eu une réponse du préfet nous disant qu’il y avait un peu trop de neige et qu’on ferait cela au printemps. Le printemps étant arrivé avec le Covid, la réponse suivante a été que la crise sanitaire avait empêché de faire travailler les agents de la DDT.
Jean-Marie Delalande, vice-président de Paysages de France
Le préfet des Hautes-Alpes, dispose désormais d’un mois à compter de la notification du jugement pour faire constater ces infractions. L’État est également condamnée à verser 2000 euros à l’association de dommages et intérêts. Contactée, la préfecture des Hautes-Alpes indique avoir pris acte du jugement du tribunal administratif et compte « y donner suite dans le délai imparti d’un mois ». La préfecture rappelle que « les services de l’État ont mené et mènent encore des campagnes de retraits de pré-enseignes non autorisées hors agglomération. Ainsi, près de 500 panneaux ont été déposés depuis 2019. »
« Par ailleurs, une démarche pédagogique a été engagée avec le PNR du Queyras, visant à harmoniser et à réguler la publicité dans son territoire et le PNR appuie les communes pour mettre en place une signalétique conforme à sa charte », précise la préfecture.
En agglomération, la publicité est interdite dans les parcs naturels régionaux et les agglomérations de moins de 10 000 habitants, sauf s’il existe un règlement local de publicité, ce qui n’était pas le cas ici. Et hors agglomération ?
Hors agglomération, que ce soit dans un parc naturel ou pas, la réglementation est la même dans toute la France, à savoir toute publicité est interdite hors agglomération sauf les pré-enseignes dérogatoires. Ces pré-enseignes dérogatoires sont très peu nombreuses, ce sont les produits du terroir, les monuments historiques ouverts à la visite et les activités culturelles.
Jean-Marie Delalande, vice-président de Paysages de France
Le sujet étant complexe, on peut trouver plus de précisions dans le guide pratique sur la signalétique élaboré par le PNR du Queyras. Ce guide déplore « une accumulation qui participe à la dégradation des entrées de ville » et note une perte d’« efficacité » de la signalisation routière « concurrencée » par ces panneaux.
Dans les grandes villes, l’association est confrontée à la multiplication des publicités des grands annonceurs. Dans le cas du PNR du Queyras, les enjeux sont différents : beaucoup des publicités relevées étaient des pré-enseignes pour des commerces. Dans son mémoire en défense, la préfecture a d’ailleurs, selon l’association, expliqué son inaction par un glissement de terrain qui s’était produit en 2017 et 2018 dans la vallée, mettant certains commerçants en difficulté. La fin des panneaux publicitaires sauvages, est-ce la mort du petit commerce ?
Il existe un système qui s’appelle la signalisation d’information locale, des petits panneaux qui sont placés sur les panneaux routiers à des carrefours et qui vous permettent d’aller à la boulangerie, à la boucherie, à une épicerie, au supermarché, etc. Le problème est qu’ils sont normalisés au niveau national et qu’ils sont quand même relativement petits.
Jean-Marie Delalande, vice-président de Paysages de France
L’association aimerait rendre plus lisibles cette signalisation en l’agrandissant, un projet entamé avec le département du Loiret, mais au point mort pour l’instant. C’est la centième condamnation de ce type obtenue par Paysages de France depuis sa création à Grenoble en 1993. Un mode d’action très efficace selon Jean-Marie Delalande, la plupart des préfets faisant démonter les panneaux avant même le jugement.
Ça fait disparaître les panneaux et ça empêche d’en installer de nouveaux. C’est-à-dire que quand vous avez une région qui est totalement nettoyée (de ses) panneaux publicitaires illégaux, c’est beaucoup plus difficile d’en installer de nouveaux derrière.
Jean-Marie Delalande, vice-président de Paysages de France
Mais l’association pourrait bientôt se retrouver désarmée. La loi dite Climat & Résilience prévoit de confier la police de la publicité aux maires à compter du 1er janvier 2024, que leur commune soit ou non couverte par un règlement local de publicité (RLP). Jusqu’alors ce sont les préfets qui étaient chargés de ce contrôle, sauf en cas de RLP.
Dans une grande-ville, il y a généralement un service urbanisme avec des gens qui peuvent assurer ce pouvoir de police, ce contrôle. Dans un village, […] ce sera beaucoup plus difficile, les maires ne pourront pas mettre en œuvre leur pouvoir de police.
Jean-Marie Delalande, vice-président de Paysages de France
Et, en cas d’inaction, impossible pour l’association d’exercer des recours contre chacun des maires concernés. Mais elle dispose d’autres moyens d’actions. On écoute Armand Guérin, un bénévole des Hautes-Alpes à l’origine des constats d’infraction, qui a pris l’habitude de se balader en France avec son appareil photo pour constater les infractions.
On a lancé un concours qui s’appelle « la ville moche ». Tous les ans, on décerne un prix, le prix de la ville moche, la plus moche de France en matière de publicité. Et on ne fait pas que ça. On a fait par exemple en Ardèche des bâchages d’énormes panneaux publicitaires qu’on bâchait en mettant « en infraction ». On a collé des autocollants aussi sur des panneaux, on en a collé 600 en Ardèche par exemple. Ça a très, très bien marché.
Armand Guérin, bénévole haut-alpin de l’association
A noter, qu’aucune des communes primées au concours de la France moche l’an dernier – Moussac (Gard), Villard-de-Lans (Isère), Aubière (Puy-de-Dôme) et Saint-Paul (île de La Réunion) – ne se situait dans les Hautes-Alpes.