Un troupeau de brebis sur un alpage à Lavaldens, en Isère, en juillet 2019. © Élie Ducos/ram05

Pour défendre leurs droits, les gardiens de troupeaux des Alpes du Sud s’organisent en syndicat

Ils existent déjà en Isère, dans les Alpes du Nord et en Ariège. Un tel syndicat manquait en PACA. C’est fait depuis juillet. Une protection bienvenue pour une profession précaire et souvent très isolée.

Le SGT PACA, syndicat des gardiennes et gardiens de troupeaux, est rattaché à la CGT. Il ne regroupe pas que des bergers mais aussi des vachers et des chevriers. La création de ce syndicat, réuni pour la première fois le 1er mai 2022 dans le Trièves, à Mens, est motivée par de mauvaises conditions de travail récurrentes. Dans le métier de berger « il y a une tradition de conditions d’exploitation assez archaïque », nous explique une bergère. « Ça va de problèmes formels, comme des salaires trop bas ou des heures supplémentaires pas comptées, assurent Rosa et Nathalie, bergères dans le département. Beaucoup de bergers ne prennent aucun congé sur leur temps de travail ».

Nathalie et Rosa, bergères, détaillent leurs conditions de travail
Nathalie et Rosa présentent le SGT PACA

« En tant que bergères d’alpage, notre travail, c’est de prendre soin d’un troupeau et d’une montagne, explique Nathalie. Il faut être responsable des bêtes, vérifier qu’elles soient en bonne santé, les soigner, les nourrir ». Un travail qui commence au lever du jour et qui se termine à la tombée de la nuit. « Les bergers exposés Sud sur des montagnes arides, sans eau, peuvent sortir les bêtes vers 5 ou 6 heures du matin, et rentrer à 21 ou 22 heures, poursuit Rosa. Tous les jours, 7 jours sur 7, pendant 4 mois, sans pause, sans dimanches, sans congés, le tout déclaré à 35 heures par semaine au SMIC. Et en plus de ce travail de jour, il y a le travail de nuit, avec la prédation, qui consiste à se lever, essayer de rassurer les chiens, rattraper un troupeau qui se serait barré du filet, effrayer des loups avec des pétards... ». Le décor est planté. Face à des employeurs parfois peu scrupuleux, les gardiennes et gardiens de troupeaux réfléchissent au droit du travail et à leur défense commune dans des zones très isolées. La création de ce syndicat de gardiennes et gardiens de troupeaux devrait apporter des changements dans la vie quotidienne des bergers.

Il y a une force collective pour ne plus être seuls face à nos employeurs

Nathalie et Rosa, bergères

Le syndicat a un objectif de soutien commun et de solidarité pour « faire exister la parole des gardien.ne.s de troupeaux et se détacher d’une vision du pastoralisme qui ne prend pas en compte la réalité de nos métiers », annonce l’appel pour la création du syndicat, paru cet été. Jeanne est bergère dans le département et espère, elle aussi, que la création de ce syndicat fera bouger les lignes et les esprits des employeurs sur les conditions d’embauche et de travail dans la montagne. « Il y a encore des alpages où les conventions collectives ne sont pas respectées, résume-t-elle. Les bergers sont sous-payés ». Le syndicat vise à « veiller à la bonne application des conventions collectives et à l’amélioration des textes de loi régissant le travail agricole », et à apporter de l’aide aux bergers lorsque la négociation avec les employeurs est difficile.

Jeanne, bergère, et sa vision du SGT

On peut être très bien sur sa montagne mais avoir envie de s’impliquer parce-qu’on sait que les copains sont dans des cabanes pourries

Jeanne, bergère

Dernière attente des bergères, et pas des moindres : la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. De nombreux cas ont émergé ces dernières années et pour les bergères, la lutte contre le sexisme dans les alpages est devenu un sujet prioritaire, car les femmes bergères se sentent plus vulnérables, notamment du fait de l’isolement. Toutefois, « les cabanes et les conditions des bergers se sont améliorées parce que de plus en plus de femmes sont rentrées dans la profession », nuance Jeanne. « L’idée est de se soutenir dans nos conditions de travail, et dans nos conditions de femmes, de personnes étrangères, nos conditions sociales, qui, dans l’isolement et dans ce métier, peuvent prendre une très grande place », termine Nathalie.

Jeanne à propos des violences sexistes et sexuelles

J’ai toujours l’impression d’avoir été respectée et écoutée, mais c’est plutôt au niveau des négociations [avec les employeurs] quand on est une femme qu’on convainc moins facilement, car ils ont souvent un côté paternaliste

Jeanne, bergère

Le syndicat se positionne « en faveur de l’épanouissement d’une agriculture écologique et paysanne » et inscrit ses objectifs « dans un combat plus large contre toute forme d’exploitation, de domination et de discrimination ». Les prochaines rencontres des syndicats de gardiennes et gardiens de troupeaux auront lieu à Mens, les 1er et 2 novembre prochains.