Le lac de la Muzelle, à Vénosc (Isère). Crédit : Wikipedia

Les lacs d'altitude des Écrins au régime sec

La sécheresse et la canicule ont touché et touchent encore la haute montagne. Peu de neige l’hiver dernier et un fort déficit en eau depuis le mois de mai engendrent si l’on peut dire une cascade de conséquences. Les agents du Parc National des Écrins sont aux premières loges pour s’en rendre compte.

Tous les jours et partout dans le massif, les lacs, zones humides et torrents de montagne subissent les effets de ces changements brutaux. Clotilde Sagot est chargée de mission sur les mesures physiques au Parc National des Écrins. Elle s’occupe notamment du suivi des lacs sentinelles. « Les lacs reçoivent une quantité de chaleur beaucoup plus importante, car ils ont déneigé plus vite, donc ont reçu de la chaleur beaucoup plus tôt, explique t-elle. Ils n’ont fait que emmagasiner de la chaleur ». Ce qui entraîne des conséquences en chaîne sur l’ensemble des écosystèmes lacustres, le premier maillon étant l’évolution des communautés planctoniques plus adaptées aux eaux chaudes. « Il peut y avoir des conséquences importantes en termes de capacité des espèces à supporter des températures plus chaudes que d’habitude », poursuit-elle.

Clotilde Sagot, les conséquences de la sécheresse sur les lacs d'altitude

Dans les lacs d’altitude, on s’attend à des records de températures, jamais atteints depuis qu’on fait des mesures

Clotilde Sagot, chargée de mission "Lacs sentinelles" au Parc National des Écrins

Face à ces conséquences, le Parc National des Écrins se retrouve bien démuni car le problème est global. Missions importantes : documenter, faire connaître, sensibiliser, montrer les faits. Un laboratoire d’étude pour témoigner des bouleversements qui affectent la montagne. « On documente pour avoir des éléments et prendre des décisions de gestion à un niveau plus global », commente la chargée de mission. Ces témoignages scientifiques révèlent une bande-annonce de ce qui semble en passe de devenir la norme.

Clotilde Sagot, que faire si un été tel que 2022 devient la norme ?

La ressource en eau en montagne, on la croyait infinie. Les Alpes sont le château d’eau du sud-est de la France. Ce château d’eau est fragile. La ressource en eau ne sera peut-être pas là aussi longtemps et de façon aussi abondante de ce qu’elle a été.

Sur le plateau d’Emparis, face aux glaciers de la Meije, le lac Noir et le lac Lérié ont perdu 50 cm depuis fin mai. Le lac Cristallin, lui, est à sec. Clotilde Sagot s’inquiète. « S’il y a des récurrences avec des stocks de neige qui ne sont pas là d’année en année, forcément, à un moment donné, les lacs peuvent s’assécher complètement ». C’est pour bientôt ? En haute vallée de la Guisane, le lac de Combeynot est lui aussi à sec depuis un mois. En temps normal il fait 16 mètres de profondeur. C’est la 5ème fois en 50 ans que le lac de Combeynot est à sec, mais cette année, la précocité est inédite. « Sur les lacs qui ont un glacier dans leur bassin-versant, les glaciers sont en train de fondre. Tant que les glaciers sont là, les lacs continuent de se réchauffer, mais sont quand même alimentés par une eau froide. Le jour où les glaciers ne sont plus là, on ne sait pas du tout ce qui alimentera les lacs, peut-être plus grand-chose. » Dans les Écrins, les lacs du Pavé, de la Muzelle, de Pétarel, des Pisses et de Plan Vianney sont suivis par le programme Lacs sentinelles. Les résultats des études seront connus dans le courant de l’hiver.