Le Grand Briançonnais, un laboratoire de démocratie locale observé par des institutions nationales
À défaut de parvenir à créer une utopie démocratique locale, on peut toujours tenter de s’en approcher le plus possible. C’est l’objectif que s’est fixé le PETR Briançonnais, Argentiérois et Guillestrois-Queyras qui a entamé ce mois d’avril une démarche de concertation au long cours, et dont les modalités ont été travaillées avec des chercheurs spécialisés depuis plus d’un an. Au terme de ces travaux, c’est sa politique énergétique que le PETR souhaite que les habitants définissent.
Aujourd’hui, la plupart des collectivités assurent placer la concertation au coeur des processus de décisions. Souvent, il s’agit de prévenir les conflits qui pourraient naîtrent de projets impactants pour les habitants. Et pourtant, les contestations continuent de fleurir de toutes parts, notamment car des concertations mal ficelées peuvent ressembler davantage à des entreprises de légitimation qu’à des démarches sincères. Oui mais comment concerter de manière à la fois représentative et constructive, même quand les sujets traités impliquent de s’imprégner de notions complexes : science, technique, politiques publiques ? Plus qu’une utopie locale et isolée, cette démarche est une expérimentation soutenue et scrutée par des institutions nationales, car elle pourrait devenir un modèle à reproduire partout ailleurs, dans toutes les thématiques.
L’objectif final du PETR est déjà ambitieux. Estimer à l’échelle des trois communautés de communes les économies d’énergies qui pourraient être permises par des mesures de sobriété. En déduire les besoins énergétiques locaux réels, et, seulement après cela, définir une stratégie de production d’énergies renouvelables. Ambitieux, le chemin pour y parvenir l’est aussi. Car la stratégie sera construite et proposée aux élus par vingt-quatre habitants du Grand Briançonnais tirés au sort, à la manière de la Convention Citoyenne pour le Climat.
Défenseur de longue date de la participation citoyenne, le président du PETR Pierre Leroy estime que la transition écologique implique de tels changements qu’on ne pourra y répondre sans inclure les habitants dans les prises de décisions.
C’est une forme d’aide à la décision des politiques publiques pour que les producteurs d’énergie et les élus du territoire aient une vision de ce que souhaitent leurs habitants.
Pierre Leroy, Président du PETR
Pour garantir la représentativité au sein des membres, le processus de tirage au sort comprend une phase de corrections, pour ajuster les catégories socioprofessionnelles des personnes constituant le panel à la réalité sociologique locale. Et pour que les situations économiques des ménages ne soient pas un frein, un défraiement est prévu pour les participants. Sans pour autant aller aussi loin que l’a fait la Convention Citoyenne pour le Climat, dont les membres, en plus du défraiement, bénéficiaient d’indemnités de perte de revenu professionnel ainsi qu’une aide pour la garde d’enfants. Wajma El Khaouda est chargée de mission au PETR.
Tous les membres du panel vont être défrayés et tous les frais engagés durant ces temps de travail vont être remboursés. Sur les plans technique et logistique, on va essayer d’avoir des accès facilités pour tous les citoyens qui seraient en capacité de participer à cette démarche. On a essayé d’éluder tous les freins potentiels à la participation des citoyens retenus sur liste.
Wajma El Khaouda, chargée de mission au PETR
Si les participants sont tirés au sort, leur nombre, vingt-quatre, pour le coup, n’est pas le fruit du hasard. Le comité de pilotage chargé de définir les modalités de la concertation a dû trouver le bon compromis entre efficacité du travail en groupe, représentativité suffisante, contraintes budgétaires et logistiques notamment.
Que les plus motivés par la démarche dont les noms ne sera pas tirés au sort se consolent, d’autres espaces d’expression leur seront réservés, garantit Pierre Leroy.
Il y a vingt-quatre citoyens tirés au sort, mais ça ne sera pas le seul moyen de concertation. Vraisemblablement, on ira peut-être dans les marchés, les collèges, des réunions publiques… on veut utiliser tous les moyens, l’informatique aussi.
Pierre Leroy, Président du PETR
L’affaiblissement et la suppression de nombreuses de propositions issues de la Convention Citoyenne pour le Climat ont eu raison de sa réputation. Ses membres avaient attribué une note générale de 3,3 sur 10 à la reprise de leurs propositions par le parlement, un camouflet sévère alors que l’ensemble du processus semblait réussi. Qu’en sera-t-il pour cette convention citoyenne modèle réduit, les propositions seront-elles soumises « sans filtre » au vote des élus locaux ?
Oui, tout le process en effet sera transparent. Après, que sera le document final ? On n’en sait rien aujourd’hui. On ne va pas dire on reprendra sans filtre les conclusions de quoi que ce soit car aujourd’hui on ne sait pas quelle sera sa réalité [ndlr : le cadre de la concertation n’impose pas un format pour le rendu des travaux].
Pierre Leroy, Président du PETR
Parce que cette démarche fait intervenir des chercheurs, celle-ci est inédite, de même que son coût. En incluant la rémunération des universitaires, prise en charge par l’INRIA et INRAE, le budget global s’élève à 400 000 euros, financés avec le soutien de la Banque des Territoires. Enfin, si le choix de la concertation sur le temps long augmente les chances de réussite sur le plan de l’acceptation, celui-ci s’accorde moins bien à l’agenda des politiques publiques nationales. Et c’est là que s’arrête l’utopie. Alors que les premières réunions publiques pour présenter la démarche se tiendront du 24 au 26 avril, que celle-ci se poursuivra sur de longs mois encore, l’arbitrage des Zones d’Accélération des Energies Renouvelables, lui, avance à grands pas. Pour rattraper le retard de la France sur ses objectifs nationaux de productions d’énergies renouvelables, les consultations pour définir quelles zones proposer aux services de l’Etat ont été réalisées dans un délai extrêmement serré. Reste à voir si les maires du Grand Briançonnais privilégieront les rentes permises par les projets de production d’énergies renouvelables, dont l’implantation sera facilitée par les Zones d’Accélération, ou bien s’ils s’en tiendront aux travaux rendus par les citoyens.
Publication mise à jour le 20 avril à 10h15 suite à des modifications apportées au nombre de citoyens retenus dans le panel.
Dates des réunions publiques de présentation de la démarche et de recueil des premières réflexions :
– Le 24 avril – Salle du marché couvert de l’Argentière-La Bessée de 18h00 à 19h30
– Le 25 avril – Salle polyvalente d’Eygliers 18h00 à 19h30
– Le 26 avril – Salle des associations de Briançon 18h00 à 19h30