L’alimentation en eau de la ville de Gap, un long fleuve turbulent
Au gré des épisodes de sécheresse qui frappent le bassin versant du Drac, une question revient régulièrement sur la table : comment sécuriser l’alimentation en eau potable de la ville préfecture des Hautes-Alpes ? Aujourd’hui, près de 80% de son eau provient du Drac. Soit approximativement 2,2 millions de m3 prélevés annuellement. Depuis 20 ans, ce bassin versant fait l’objet de restrictions d’usage de l’eau une année sur deux, à cause d’épisodes de sécheresse successifs. Retour sur une problématique qui anime les conseils municipaux depuis plus de dix ans.
Créée en 1950, la station de traitement de la Descente a permis de faire face à la croissance de la ville. Elle produit désormais chaque année plus de 3M de m³ d’eau tirés de la réserve des Jaussauds, elle-même remplie grâce la prise d’eau des Ricous sur le Drac au niveau de Saint-Jean Saint-Nicolas. Dès 2010, reconnaissant la fragilité de son alimentation en eau potable, la ville de Gap a commencé à étudier des scénarios alternatifs. En 2017 la sécheresse historique accélère le processus. La ville passe à deux doigts – un mois exactement, de la rupture d’alimentation en eau et se voit contrainte de procéder en urgence à un raccordement temporaire à la nappe des Choulières.
Dans la foulée, la municipalité décide de rejoindre le Syndicat Intercommunal d’Exploitation de la Nappe Alluviale du Drac, créé à l’initiative de 5 communes du Champsaur qui rencontrent la même problématique et projettent d’instaurer un pompage pérenne dans la nappe des Choulières. Selon le Plan de Gestion de la Ressource en Eau du Drac de 2018, cette option représenterait le « meilleur compromis en termes de qualité de l’eau, potentiel de l’aquifère et coût du raccordement au réseau de la Ville ». Celle-ci pourrait à elle-seule fournir les 2,2 M de m³ nécessaires à la ville de Gap, et sécuriser l’approvisionnement des 5 autres communes du SIENAD.
Sauf qu’en janvier 2021, le maire de Gap fait voter une délibération qui acte la sortie de la ville de Gap du SIENAD. Roger Didier explique en Conseil Municipal qu’il souhaite « maintenir le gravitaire [ndlr : via la station de traitement] pour des raisons essentiellement économiques et environnementales » tout en rénovant [cette station] de façon à parer à une éventuelle pollution qui puisse venir des Choulières ou des Ricous ».
Deux ans et demi plus tard, le groupe d’opposition Ambition pour Gap estime qu’il faut sortir de ce qu’il qualifie de « statu quo ». Nicolas Geiger, est élu au sein du groupe.
Si le maire de Gap ne s’est jamais étendu sur le choix de maintenir l’approvisionnement en eau via le Drac, l’opposition voit deux raisons qui pourraient expliquer ce choix. Premièrement, la réserve des Jaussauds, aux yeux de la majorité, présenterait une capacité suffisante, 30 à 60 jours d’autonomie pour la ville de Gap. Deuxièmement, pomper dans la nappe des Choulières implique une consommation d’énergie supplémentaire, contrairement à l’écoulement « gravitaire » de la réserve des Jaussauds. Deux arguments qui ne tiennent pas, estime Ambition pour Gap.
Ambition pour Gap avance un dernier argument en faveur d’un pompage aux Choulières : la qualité de l’eau y serait supérieure à celle qui arrive à la station de traitement actuelle. Dans le premier cas, une eau extraite d’une nappe, dans l’autre, une eau de surface acheminée via le Canal de Gap. Un point que conteste fermement le directeur du Canal de Gap, Vincent de Truchis. Répondant à la rédaction, il indique que « l’eau prélevée au Ricous est une eau brute » et « présente une qualité exceptionnelle », soulignant qu’« il n’a pratiquement jamais été mis en évidence de non conformité » dans les résultats des analyses des laboratoires agréés par le ministère de la Santé.
Concernant un éventuel raccordement de Gap aux Choulières, le directeur du Canal de Gap estime quant à lui que cela « aurait des conséquences positives, la ressource en eau résiduelle des Ricous pouvant être alors utilisée exclusivement pour l’agriculture ». De même, la ville de Gap « serait raccordée sur une ressource en eau quantitativement sécurisée ».
Depuis plusieurs semaines, le bassin du Drac Gapençais est placé en alerte sécheresse et les agriculteurs sont limités dans leur possibilité d’irriguer les cultures. Interrogé sur ce point en Conseil Municipal le 17 juin dernier, le maire se voulait rassurant : « La ville de Gap a une autonomie de 60 jours minimum avec le lac des Jaussauds, qui dispose d’une capacité de 750 000 mètres cubes d’eau. Il n’y a pas lieu d’être alarmiste aujourd’hui. ». Roger Didier a également précisé qu’en cas de risque de rupture d’alimentation, la ville de Gap procéderait à nouveau à un raccordement en urgence aux Choulières. Un investissement de 600 000€.
Contactée par la rédaction à plusieurs reprises, la Ville de Gap n’a pas répondu à nos sollicitations.