Le #FreeAssange jusqu’à La-Roche-de-Rame
Il a donné une voix aux lanceurs d’alerte… Julian Assange, fondateur de WikiLeaks en 2006, vit depuis plus de trois ans dans une prison britannique. A l’occasion des 51 ans de l’Australien, le 3 juillet dernier, des rassemblements #FreeAssange ont eu lieu un peu partout en France et dans le monde. L’un d’eux, à La-Roche-de-Rame.
Fanfare, film puis débat au programme de“Chez les Croquignards“, une association rochonaise que les membres nomment aussi “maison constructive“. Cet anniversaire était une bonne occasion de mobiliser, car l’affaire Assange a connu fin juin un sévère tournant.
La mobilisation #FreeAssange à La-Roche-de-Rame le 2 juillet 2022.
Mais d’abord, petit retour en arrière ! Juillet 2010 : WikiLeaks diffuse plus de 750 000 documents confidentiels. Des milliers d’entre eux concernent les activités militaires et diplomatiques américaines. Lesquelles ? Laurent Dauré, journaliste indépendant, membre d’ACRIMED, Action Critique Médias, et spécialiste de cette affaire. Il a fait le déplacement à La-Roche-de-Rame début juillet pour animer une discussion :
La suite est digne d’un film ! Julian Assange se réfugie à l’ambassade d’Equateur à Londres. De son côté, la CIA voit rouge : elle veut dissuader d’autres journalistes et lanceurs d’alerte potentiels. Le directeur de l’agence de renseignements américaine aurait alors envisagé d’enlever et d’assassiner le patron de Wikileaks. Finalement, pas d’exécution, mais la traque se poursuit. Les USA veulent à tout prix l’extrader pour le juger sur son territoire.
S’il était protégé jusque-là, tout bascule en avril 2019 pour Julian Assange
Après sept années d’asile politique, le nouveau président équatorien retire ce statut au journaliste. Sans protection d’Etat, il est immédiatement placé dans une prison de haute sécurité anglaise. Dans la foulée, les USA lancent une procédure d’extradition… refusée par la justice britannique début 2021. Les autorités américaines font appel.
20 avril 2022, jour d’un séisme judiciaire et médiatique
Après plusieurs rebondissements, la justice britannique ordonne, ce jour-là, à l’issue du procès en appel, l’extradition de Julian Assange vers les États-Unis. Il ne manque plus que l’aval de la ministre de l’Intérieur d’outre-Manche. Demande qu’elle approuve le 17 juin dernier. Cette fois, c’est l’accusé qui fait appel. La date de ce nouveau rendez-vous judiciaire n’est pas encore connue.
Son extradition : questions et problème international
Des organisations de défense de la liberté de la presse, dont Reporters sans frontières et Amnesty International, craignent que Julian Assange soit mis à l’isolement dans une prison de haute-sécurité avec un risque d’automutilation, voire de suicide, et qu’il subisse des mauvais traitements. D’ailleurs, son état de santé est déjà préoccupant.
Selon le gouvernement britannique, les Etats-Unis ont apporté des « assurances diplomatiques » à propos des deux craintes soulevées, jugées très légères par les soutiens du journaliste. En cela, le Royaume-Uni prend le risque d’enfreindre une norme du droit international, en l’occurrence, l’interdiction absolue de la torture.
La donne peut encore changer
D’abord, la justice britannique va devoir statuer à nouveau sur cette extradition, elle peut donc encore l’interdire. Mais aussi, et ce sont peut-être les voies à ne pas négliger tant elles sont importantes aujourd’hui : la mobilisation citoyenne et la médiatisation. Problème, nous n’entendons peu voire pas parler de cette affaire en France ! Laurent Dauré a un regard “extrêmement sévère“ à cet égard.
Laurent Dauré avance différentes hypothèses pour expliquer cette ambivalence. D’une part, les « grands médias français » qui « s’identifient au Parti Démocrate américain ». Ils garderaient ainsi « en travers de la gorge les révélations de Wikileaks » qui ont affaiblies Hillary Clinton lors des présidentielles américaines de 2016. Peut-être, aussi, un manque de travail d’enquête, de rigueur, « peut-être par flemme« . Enfin, était-ce l’occasion « se débarrasser de quelqu’un considéré comme un outsider dans la profession » ?
En cas d’extradition puis de procès aux Etats-Unis, Julian Assange risque 175 années de prison, en réponse à 18 chefs d’inculpation. Pour l’intérêt général, cela constituerait, aussi, un dangereux précédent pour le journalisme et la liberté de la presse dans le monde. A votre échelle, si vous souhaitez agir, Reporters Sans Frontière a mis en ligne une pétition, qui a déjà recueilli plus de 43.000 signatures.
Un reportage et une interview de notre correspondant Elie Ducos.
Tiffany Derouet