La ville de Gap a besoin de 4 hectares pour du compostage : elle en achète 67 à prix d’or
On en sait désormais plus, mais l’affaire n’en reste pas moins déconcertante. La mairie de Gap s’est enfin officiellement expliquée ce mardi sur sa mystérieuse acquisition du domaine de Cristayes, décidée fin septembre : elle a pour but de créer une plateforme de compostage.
L’annonce avait fait grand bruit pendant et après le conseil municipal du 29 septembre dernier : les groupes d’opposition, le syndicat Confédération Paysanne, le mouvement Terre de Liens ont vivement protesté contre l’achat par la ville de Gap de 67 hectares de bois, landes et terres agricoles au prix de 2,1 millions d’euros.
Coût trop élevé, risque de déséquilibre du marché du foncier agricole, et refus du maire de révéler ses intentions : tels sont les reproches qui ont été formulés.
Sur le dernier point, l’élu s’est justifié en conférence de presse ce mardi en déclarant qu’il se refusait à communiquer tant que le contrôle de légalité, déclenché par ses services pour vérification, était en cours. Ce délai est désormais écoulé.
Le maire de Gap a donc dévoilé le contenu de son projet : la création d’une plateforme de compostage.
L’opération consiste à traiter à la fois les effluents d’une station d’épuration, mais aussi des biodéchets, avec un processus que l’on appelle l’hyperthermophilie. Ainsi, nous obtiendrons un compost hygiénique, désodorisé et normé. Et le fait que ce compost soit normé permettra à tout un chacun, y compris à nos amis agriculteurs, de l’épandre sur leur lieu de travail en tant qu’engrais.
Roger Didier
Située à proximité de la station d’épuration, la plateforme de compostage permettra d’éviter aux boues de parcourir une centaine de kilomètres puis d’être traitées par une entreprise, un service qui revient de plus en plus cher à la collectivité.
L’équipement s’étendra sur environ 1,5 hectares et sera composé notamment de tunnels étanches dans lesquels les déchets seront entreposés, chauffés et alimentés en oxygène, pour accélérer le processus de compostage. Environ 4 à 5,5 millions d’euros seront nécessaires pour mener les travaux, qui devraient aboutir début 2027. Roger Didier espère réussir à contracter un prêt long-terme pour constituer cette enveloppe.
La mairie réservera au total 4 hectares au projet, en cas d’agrandissement. Mais alors, pourquoi en acquérir 67 ?
Parce que dans la négociation il fallait tout prendre, ou alors ça ne pouvait pas se faire. Donc on a tout pris.
Roger Didier
Le reste du terrain continuera d’être exploité, pour 15 hectares, par un agriculteur comme c’est le cas actuellement. C’est ce dont la mairie souhaite s’assurer grâce à une convention avec la Safer, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural. Quant à la lande et aux bois, il seront laissés en l’état, annonce Roger Didier.
Reste la question du prix. Pour ce genre d’achat, une estimation par Domaine de France est obligatoire. Verdict : 1,8 millions d’euros, marge de 10 % incluse. La mairie a finalement conclu le marché à 2,1 millions.
À partir du moment où un terrain agricole, de landes, d’arbres, de grande capacité comme celui de Cristayes est évalué, il est évident que le tarif peut un petit peu choquer au niveau de l’achat. Par contre, quand ce terrain porte un nouvel actif économique comme celui que le terrain de Cristayes va porter, l’anticipation en termes de prix était nécessaire pour pouvoir l’acquérir. Parce qu’une négociation, c’est pas aussi facile que ça.
Roger Didier
Reste qu’un indépendant référencé à la cour de Grenoble mandaté par le groupe d’opposition Ambition pour Gap a conclu à une valeur 7 fois inférieure au prix d’achat de la ville.
Enfin, sur le risque de hausse des prix des terrains agricoles à proximité, Roger Didier bote en touche : pour l’élu, il suffira simplement de prendre en compte la spécificité du site de Cristayes et de ne pas l’inclure dans les estimations futures.