Chantal Eymeoud, maire d'Embrun, 3 octobre 2023 © ram05

JO 2030 : "on ne fait pas d'omelette sans casser d'œufs", admet Chantal Eymeoud, vice-présidente de la région PACA

Les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Auvergne-Rhône-Alpes sont candidates à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver 2030. Pourquoi cette ambition ? Comment se concilie-t-elle avec le réchauffement climatique ? Un référendum est-il envisageable ?

ram05 a abordé ces sujets avec Chantal Eymeoud, 2ème vice-présidente de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dans l'émission La Vie Publique du 10 novembre 2023. Un extrait à écouter ici, et à lire ci-dessous :

Si on veut que la montagne puisse continuer à vivre, à être comprise, acceptée, fréquentée, il faut la faire connaître, vendre nos atouts.

Chantal Eymeoud

ram05 : Chantal Eymeoud, vous êtes vice-présidente de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur en charge du plan montagne et des affaires européennes. Quel est l'argument phare que vous souhaitez mettre en avant pour soutenir cet événement ?

Chantal Eymeoud : L'appropriation de la montagne. Si on veut, dans 20 ans, 30 ans, que la montagne puisse continuer à vivre, à être comprise, acceptée, fréquentée par une partie de la population française et étrangère, il faut la faire connaître, vendre nos atouts, les forces considérables de la montagne. Les Jeux Olympiques sont une manifestation, à ce titre-là, absolument exceptionnelle.

[…] Renaud Muselier, le président de la région, l'a toujours dit, nous ne voulons plus et nous ne voulons certainement pas de Jeux olympiques avec des dépenses excessives, des équipements excessifs qui ne vont servir que quinze jours par an. Bien sûr, il y aura des dépenses, bien sûr, il y aura des aménagements, mais l'essentiel, c'est que cela puisse se faire de façon maîtrisée, de façon utile, avec des enjeux d'aménagement et de développement durable, de récupération du matériel en fonction des lieux. Et en association avec des partenaires qui sont qui sont capables de passer des messages de protection, des messages d'aménagement du territoire.

Il y aura des aménagements, mais l'essentiel est que cela puisse se faire de façon utile, avec des enjeux d'aménagement et de développement durable [...]. L'enjeu est pour nous de faire des Jeux d'aménagement du territoire.

Chantal Eymeoud

L'enjeu est pour nous de faire de ces Jeux des Jeux d'aménagement du territoire. Plus de logements dans leur diversité, plus de trains, amélioration des dessertes, des voies routières également. En gros nous aurons cinq ans, donc le temps est très court, pour réaliser les différents aménagements et trouver les fonds publics et des fonds privés. Je pense au giratoire de Tallard, à la sortie de la déviation, il faut le faire. Il faut se dépêcher.

D'ores et déjà, je m'inscris, et c'est le cas aussi du président Muselier, dans l'idée que nous serons lauréat de cette candidature, et nous travaillons déjà à l'après. Il y a d'ailleurs eu une répartition des sites qui, globalement, ne fait plus débat, pour que chacun puisse s'y retrouver.

Dans les Hautes-Alpes, il y aurait des épreuves dans le Briançonnais, à Vars et dans les Écrins notamment. C'est ce qui a été conclu quant à la répartition de ces épreuves entre les deux régions.

Ces jeux reposent sur la présence de neige, forcément. On sait que le réchauffement climatique est deux fois plus intense dans les Alpes qu'ailleurs. Est-ce réaliste de prévoir cet événement sportif en 2030 ?

La réponse est oui, parce que la région a fait réaliser l'étude Climsnow, avec des spécialistes de Météo France, des météorologues spécialisés dans l'évolution des chutes de neige. Cette étude, qui porte des prévisions jusqu'à horizon 2050, a été faite massif par massif, station par station, presque piste par piste, et ne donne lieu à aucune inquiétude d'ici 2030. Après, le risque zéro n'existe pas et n'existera jamais, et on peut parfaitement être amené à vivre une année particulière.

[…] Je pense que cette question-là est une question légitime. Mais je n’ai vraiment aucune inquiétude sur le niveau d’enneigement en 2030, franchement, et toutes les études le démontrent.

On ne fait pas d'omelette sans casser d'œufs. Il est clair qu'on aura beaucoup de monde et que cela va engendrer des côtés négatifs.

Chantal Eymeoud

Et quid de l'empreinte carbone que représente un tel événement, notamment du point de vue des transports ? Transporter les athlètes, les équipes, le public, cela peut être un risque d'amplification de ce réchauffement climatique qui est déjà très prégnant en montagne.

Bien sûr, on ne fait pas d'omelette sans casser d'œufs. Donc il est clair que pendant quinze jours à un mois on aura beaucoup de monde et que, forcément, cela va engendrer des côtés négatifs.

Mais en même temps, on a aussi besoin de faire mieux connaître et de valoriser notre territoire, de faire en sorte que cette montagne continue d'être habitée, d'être mieux connue, d'être pratiquée. Je pense notamment à la jeunesse : si la jeunesse de notre pays ou d'ailleurs ne fréquente pas la montagne, elle ne l'appréciera pas à l'âge adulte, elle ne viendra pas. Idem pour le ski. Donc toutes ces activités hivernales, il faut aussi les faire connaître. Les Jeux Olympiques sont une opportunité formidable.

Est ce que ce n'est pas paradoxal de prendre le risque d'aggraver le réchauffement climatique pour faire venir davantage de public dans cet environnement de montagne, qui serait dans ce cas là dégradé ?

J'entends votre argument, mais c'est un argument qui serait mieux entendable si on partait pour des manifestations qui vont durer des années. Là on est sur quinze jours ou un petit mois. Donc non, franchement.

On peut décider de ne plus rien faire du tout, d'interdire tous les événements, de s'arrêter de vivre. Moi, je ne suis pas dans cette logique-là.

Chantal Eymeoud

Donnons juste des chiffres tout de même. Par exemple, l'objectif pour les Jeux Olympiques d'été 2024 à Paris est de 1,5 million de tonnes de CO2 émises. C’est ce que devraient pouvoir émettre 750 000 habitants sur une seule année selon l’accord de Paris.

Certes, mais on peut décider aussi de ne plus rien faire du tout, d'interdire tous les événements, toutes les manifestations, de s'arrêter de vivre, de fermer les portes et de dire « terminé, on ne vit qu'entre nous et finalement on évite tout le reste ». Je pense qu'on n'est pas du tout dans cette logique-là. En tout cas, moi, je n'y suis pas.

Nous, élus, avons aussi la responsabilité de donner un avenir à nos territoires, [par exemple avec] la manifestation des Jeux olympiques, dès l'instant où elle est maîtrisée, où elle n'est en aucun cas excessive, où elle est respectueuse de l'environnement, où on intègre les associations type France Nature Environnement, qui ont une très forte sensibilité, je les rejoins, à la chose environnementale. Nous l'avons au niveau de la région, puisque la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est la seule de France à avoir un budget 100 % vert. C'est à dire que chaque euro versé par la région est assorti d'un sujet lié à l'amélioration de la transition climatique.

Mais en même temps, la vie continue, et la vie doit être aussi jalonnée par des manifestations. Sinon, regardez dans ce territoire [de l’Embrunais] où l'été on organise l’Outdoormix, le Trad’In, etc. : avec la fréquentation et la surfréquentation qu'on a, on pourrait se dire qu'on arrête tout. Non, parce qu’il faut de la fête pour les jeunes, du sport pour les jeunes, mais aussi pour tous, et de grandes manifestations de cette nature-là. C'est une chance vraiment formidable de pouvoir l'obtenir.

Si vous organisez un référendum, ne vont y participer que ceux qui sont contre. Sur ce sujet-là, je ne suis pas certaine que cela mobilise beaucoup.

Chantal Eymeoud

La région a des arguments que vous portez. Il y a des opposants qui ont d'autres arguments.

Est ce que vous seriez favorable à laisser la population décider via un référendum ? C’est ce qui est réclamé par une pétition qui est, à l'heure où l’on enregistre cet entretien, signée par plus de 2 500 personnes [3 800 au 28/11].

On a le retour de sondages : 82 ou 83 % de la population des Alpes du Nord est favorable à l'organisation des J.O., et ici dans le département des Hautes-Alpes, c'est 73 %.

Si vous organisez un référendum, ne vont y participer que ceux qui sont contre. Donc, autant sur certains sujets, avoir un référendum pourrait avoir de l'intérêt, autant sur ce sujet-là, je ne suis pas certaine que cela mobilise beaucoup. Cela mobilisera les antis, et il y en a toujours, et c'est normal, ils ont des arguments.

C'est le jeu du référendum.

Oui, bien sûr, mais un sondage très sérieux a été fait, dont vous avez certainement connaissance : 73 % de la population des Hautes-Alpes est favorable aux J.O.

Un sondage qui a ses limites, notamment avec le mode de l’enquête qui est décrié par certains experts, et des personnes qui se disent en majorité pas ou peu informées, donc qui se prononcent sans connaître le sujet. Ce sont des résultats à prendre avec des pincettes.

Comme tous les sondages. Moi c'est le seul chiffre dont je dispose aujourd'hui.