JOJ d'hiver Lausanne 2020 : Joséphine Pagnier, médaille d'argent en saut à ski / ©CNOSF/KMSP / creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/

JO 2030 dans les Alpes : le sondage acrobatique de la région PACA

Vendredi 27 octobre, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a publié les résultats d’un sondage mené dans deux de ses départements alpins sur la candidature française aux Jeux Olympiques d’hiver 2030. Peut-on en conclure que « 73 % des habitants » concernés y seraient « favorables », comme le fait la collectivité ? Les biais que comporte l'enquête invitent à davantage de prudence.

Un douteux mode de recueil des réponses

806 personnes ont répondu entre le 18 et le 26 octobre. Elle se répartissent pour moitié-moitié dans les Hautes-Alpes et les Alpes Maritimes et leur représentativité est assurée par la méthode des quotas, selon l’Ifop qui a mené cette enquête.

Les réponses ont été recueillies par « questionnaire auto-administré en ligne ». En pratique, il s’agit d’internautes qui se sont inscrits dans des bases de données en acceptant d’être sollicités régulièrement pour divers sondages, qu’ils sont invités à compléter en autonomie en échange d’une petite rémunération.

L'absence d'influence humaine sur l'énonciation des questions a son intérêt. Mais pour les instituts, les avantages de ce mode d’enquête sont aussi son faible coût, puisqu’il n’y a pas besoin d’enquêteur, et sa rapidité de mise en œuvre.

Pour autant, cette technique exclut les personnes qui n’utilisent pas internet et ne sélectionne que des individus plus volontaires que la moyenne à répondre à des sondages, ce qui est de nature à biaiser les réponses. Dans une enquête de 2021, Le Monde pointait aussi la possibilité de s’inscrire plusieurs fois dans ces bases de données sous des identités différentes, sans vérification. Quoi qu’il en soit, le recours à ces panels « est un véritable déni de la notion de sondage aléatoire » et « ne permet pas d’extrapoler des résultats à une population », selon le statisticien Michel Lejeune, cité par le journal.

Une large part des sondés répondent à une question qu’ils ne comprennent pas

Les trois questions posées concernent la candidature commune des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Auvergne-Rhône-Alpes à l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver 2030. Le premier point porte ainsi sur l’intérêt vis-à-vis des sports d’hiver.

Les sondés sont ensuite invités à dire s’ils ont « entendu parler » de cette candidature. Résultat : environ un tiers seulement des personnes interrogées déclarent être « précisément » au courant. Les autres se disent peu ou pas du tout informées.

Or, la troisième question interroge l’adhésion à la candidature. Deux-tiers des répondants se prononcent donc à ce propos sans être renseignés sur le sujet ni en connaître les enjeux.

La surprenante formulation de la question phare

Voici le troisième énoncé : « Seriez-vous favorable ou pas favorable à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2030 respectueux de l’environnement de nos Alpes françaises, et compatibles avec les impératifs climatiques ? ».

Difficile de comprendre si la question porte sur le fait d’organiser l’évènement, ou sur son caractère « respectueux de l’environnement », ou encore si ce dernier est considéré comme acquis. Répondre « pas favorable » signifie-t-il que l’on préfère des JO néfastes pour l’environnement ? ou pas de JO du tout ?

Or, il se trouve que la formulation des questions d’un sondage peut impacter les réponses. Dans une édition de 2017, le magazine Envoyé Spécial de France 2 l’avait illustré en obtenant des résultats opposés pour des questions identiques mais formulées de manières différentes auprès de deux échantillons comparables, sur le thème de l’adhésion à l’accueil des migrants par exemple.

Dans le cas qui nous intéresse, l'aspect confus de la phrase et le fait d’insister sur le caractère supposément vertueux de l’évènement ont-il influencé les sondés, qui sont une majorité à répondre positivement ? Impossible à dire sans autre enquête comparative.

Les réactions au sondage

La région en conclut que « 73% des habitants des Hautes-Alpes et du [sic] Alpes-Maritimes y sont favorables » et que « les JO d'hiver dans nos Alpes sont très populaires ». En considérant les limites énoncées plus haut, et en ajoutant à cela le fait que les Alpes-de-Haute-Provence n'aient pas été consultées, cela semble hâtif. Il serait plus prudent de s’en tenir au fait qu'entre 70 et 76 % (marge d'erreur incluse) des personnes interrogées se disent favorables « à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2030 respectueux de l’environnement de nos Alpes françaises, et compatibles avec les impératifs climatiques ». Contactée par ram05, la région n’a pas répondu à nos questions.

Du côté de NO JO, opposé à l’évènement, on estime que « le sondage est pipé ». « La question ne veut rien dire, elle n’est pas cohérente avec les données scientifiques sur le climat », déclare le collectif, qui regrette que les personnes n’aient pas été informées en amont. « C’est comme si l’on posait la question : « voulez-vous des cadeaux à Noël ? » Les gens répondraient oui. Si on leur explique ensuite que les cadeaux sont fabriqués en Chine, polluent, etc., les réponses seraient différentes », commente NO JO. Pour recueillir l’avis de la population, le collectif réclame un référendum accompagné de réunions publiques.