JO 2030 : l’ONU se penche sur un possible manque de concertation publique, une procédure inédite
Le comité d’Aarhus, une instance de l’organisation des nations unies, va recevoir dans un mois des citoyens l’ayant saisie à propos des jeux olympiques 2030 en France. Selon ces derniers, les organisateurs n’ont pas respecté leurs engagements en matière de débat public.
Donner la parole et entendre la population : c’est ce que réclament de longue date plusieurs élus et organismes en vue des jeux olympiques et paralympiques 2030 dans les Alpes françaises. Or, les organisateurs n’ont jamais pris la peine d’informer et de faire participer le public, quand bien même ils en ont l’obligation, estiment ces protestataires.
C’est pour tenter d’obtenir gain de cause qu’une nouvelle étape, inédite, vient d’être franchie cette semaine. Une instance de l’ONU, l’organisation des nations unies, a accepté d’étudier une saisine sur cette question. Elle émane, d’une part, de parlementaires, et, d’autre part, du Collectif citoyen JOP 2030 et d’associations telles que Attac 05, la Ligue des droits de l’homme, France Nature Environnement et Mountain Wilderness. Ces requérants ont formulé, en avril dernier, deux recours auprès du comité d’Aarhus, une entité onusienne chargée de vérifier que la convention du même nom, signée par la France en 1998, est respectée.
Delphine Larat, juriste et co-fondatrice du Collectif citoyen JOP 2030, explique ce que prévoit cette convention d’Aarhus.
Quand il y a un projet qui est fortement impactant pour l’environnement, nécessairement il doit y avoir une mesure d’information et de participation du public qui est mise en œuvre, et elle doit l’être le plus tôt possible, notamment aussi quand il y a des alternatives aux projets qui sont possibles. Pour le projet JOP 2030 ça s’applique tout à fait, parce qu’il impacte l’environnement avec des déplacements de personnes, avec des artificialisations des sols sur des territoires alpins qui sont particulièrement fragiles.
Cette mesure, elle aurait dû être mise en œuvre au moment où l’on pensait à la candidature, pour savoir si oui ou non cette elle était pertinente au regard des dispositions de la convention d’Aarhus. Elle pouvait avoir lieu au travers de la CNDP, Commission nationale du débat public, et en fait, cette commission ne peut pas s’autosaisir, elle doit forcément être saisie par les maîtres d’œuvre : en l’occurrence, ce sont le CNOSF, le comité national olympique et sportif français, quand on en était à l’état de la candidature, et maintenant, on a également le comité d’organisation des jeux olympiques et paralympiques (COJOP) et la société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO). Malgré plusieurs demandes, le CNOSF n’a jamais saisi la CNDP pour que soit mise en œuvre cette mesure.
Le collectif a appris lundi 20 octobre que le comité d’Aarhus l’invitait à une audience le 18 novembre prochain à Genève pour déterminer si la saisine est recevable sur le fond, la forme ayant déjà été validée. Des citoyens reçus par l’ONU pour des questions de respect démocratique en vue de jeux olympiques : « c’est une première mondiale », relève le journal Le Monde.
Toutefois, le collectif déclare avoir conscience que, s’il remporte la procédure qui pourrait être longue, de toute manière « il sera trop tard ». Mais l’enjeu est ailleurs, signale Delphine Larat, car, selon la juriste, la décision « s’imposerait à l’intégralité des états qui ont signé cette convention », y compris ceux qui organiseront de futurs JO.
L’intérêt, c’est de mettre sur le devant de la scène que ces grands événements sportifs ont un impact. On doit engager une réflexion sur : est-ce qu’il est conforme aux intérêts de protection de l’environnement de continuer d’organiser des événements sportifs qui ont des envergures qui sont de plus en plus grandes et donc un impact de plus en plus grand sur l’environnement ? Certaines personnes peuvent vouloir organiser des grands événements, il n’y a pas de souci, mais il y a quand même des procédures à respecter et on est là, nous citoyens, pour rappeler que, non, on ne peut pas s’exonérer du respect de ces procédures.
La justice saisie également en France
En parallèle, deux autres actions en justice sont en cours, là aussi pour contraindre les organisateurs à consulter la population.
Nous avons une action en justice devant le tribunal administratif de Lyon que nous avons initié au mois de mai pour demander la suspension du contrat olympique, justement le temps que soit mise en œuvre cette mesure de participation et d’information du public qui. Nos adversaires pour cette procédure ce sont le comité international olympique, le comité national olympique et sportif français (CNOSF) et les régions Auvergne-Rhône-alpes et Provence-alpes-Côte d’Azur. La procédure est en cours, ils ne nous ont jamais répondu, clairement ils jouent la montre.
Et au mois de septembre, nous avons initié une nouvelle procédure devant les tribunaux administratifs de Paris, Lyon et Marseille. Paris parce que c’est là qu’il y a le siège du CNOSF, Lyon parce que c’est là qu’il y a le siège du COJOP et Marseille, parce que c’est là qu’il y a le siège de la SOLIDEO. Nous demandons maintenant à ce qu’il soit ordonné à ces trois entités qui ont la qualité de maître d’ouvrage de mettre en œuvre cette mesure de participation et d’information du public avant que ne soit votée la loi olympique.
Les élus, citoyens et associations mobilisées s’emparent aussi de la question financière. Aujourd’hui, plusieurs d’entre eux se rendent symboliquement au siège du comité international olympique à Lausanne, après deux tentatives en 2024, pour réclamer le retrait du projet.
Quand on nous dit qu’on doit faire 44 milliards d’euros d’économies, et surtout au lendemain de la restitution du rapport de la cour des comptes sur les JOP de Paris qui nous dit que ça a coûté presque 6,7 milliards d’euros d’argent public pour un peu moins de 300 millions de recettes publiques, nous interrogeons de nouveau les élus en leur demandant : est-ce que c’est vraiment le moment d’aller redépenser de l’argent public pour un événement qui n’a même pas quelques bons côtés des JOP de Paris ? Aller construire une piscine, ça peut profiter à énormément de monde, aller construire un tremplin de saut à ski, là on se pose nettement plus de questions.
Donc nous nous retournons au CIO. Nous leur disons qu’ils ont attribué les jeux olympiques à la France sous conditions, à savoir la signature et l’intégration dans les budgets des garanties financières qui sont exigées par le CIO. Il faut savoir qu’il n’y a que deux des trois garanties qui ont été intégrées au budget 2025. La troisième garantie est prévue dans le projet de loi de finances 2026, elle est extrêmement complexe, elle est sujette à de nombreux risques. Nous disons au CIO que les risques sont beaucoup trop grands, on arrête tant qu’il est temps. Tout le monde peut sortir la tête haute en disant « nous sommes des gens responsables, nous prenons la décision d’arrêter ». La Terre ne va pas s’arrêter de tourner.
Une demande qui intervient alors que ce lundi, le comité d’organisation des jeux olympiques 2030 a annoncé le budget retenu pour l’évènement : 2,132 milliards d’euros, dont 26 % de fonds publics.