Le feu de forêt de Crots du 23/08/23, visible depuis Embrun / Crédit photo : ram05

Incendies, crues et inondations… comment le Service Départemental d'Incendie et de Secours adapte ses moyens d'intervention au changement climatique

Les émissions de gaz à effet de serre liées à l’activité humaine entraînent une intensification et une multiplication des phénomènes climatiques extrêmes. En première ligne lorsqu’ils se produisent, la sécurité civile et ses 250 000 sapeurs-pompiers composés à 80 % de volontaires. Comment le Service Départemental d'Incendie et de Secours des Hautes-Alpes est-il impacté et comment se prépare-t-il sur les plans matériel et humain pour y faire face ? Ram05 s’est entretenu avec le Colonel Alain Juge, qui a pris la tête du SDIS 05 début 2023.

Le département des Hautes-Alpes est celui dont l'altitude moyenne est la plus haute de France. Il bénéficie naturellement d'une fraîcheur nocturne en été. Pour autant, l'année dernière a montré que ses forêts étaient loin d'être épargnées par les incendies et que d'autres phénomènes météorologiques pouvaient causer d'importants dégâts. Rétrospective avec le Colonel Juge.

L'été 2023 a été touché par des feux qui ne s'étaient pas produits depuis 20 ans. On a également des intempéries qui se sont produites du côté du Champsaur-Valgaudemar en octobre et sur le Guillestrois début décembre. Donc oui, on constate qu'on est confronté à des interventions différentes et plus importantes que ce que l'on connaissait les années précédentes.

Colonel Juge, SDIS 05

Deux interventions lors d’intempéries et trois pour des feux de forêt hors-normes, soit cinq pics d’activité en 2023. Un nombre dérisoire face aux 11 000 interventions annuelles du SDIS 05. Mais la mobilisation des sapeurs-pompiers sur ces événements est sans commune mesure avec les interventions courantes.

Sur un secours à personne, on mobilise 3 sapeurs-pompiers pendant deux heures en moyenne. On les compare au feu de Chanousse, où on a eu au plus fort de l'activité 360 sapeurs-pompiers sur une période de quasiment une semaine.

Colonel Juge, SDIS 05

Les effectifs de sapeurs-pompiers et l’organisation actuelle seront-ils suffisamment robustes pour répondre à la multiplication des situations de crises ? Pour le colonel Juge, quel que soit le nombre de sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, les phénomènes climatiques extrêmes ne pourront être supportés sans renforts extérieurs.

Sur le feu de Chanousse, il faut savoir qu'on avait 160 sapeurs-pompiers qui venaient en renfort des autres départements. Et sur les événements du Guillestrois, sur les 250 sapeurs-pompiers au plus fort, on en avait 110 qui venaient de départements extérieurs. Donc dès lors que la réponse capacitaire du département n'est plus suffisante, il y a un dispositif mécanique de sécurité civile français qui permet d'obtenir les renforts nécessaires.

Colonel Juge, SDIS 05

Pour lutter plus efficacement contre ces événements aggravés par le réchauffement climatique, le SDIS 05 va prochainement s’équiper de drones. En survolant le terrain, ces machines apporteront une « aide à la décision » grâce à une meilleure compréhension en temps réel des phénomènes par les équipes en intervention. De nouveaux camions incendie feux de forêt « haute-pression » vont aussi rejoindre la flotte des véhicules du SDIS 05. Avec ces engins, plus besoin de motopompes relais lorsque des tuyaux sont déployés sur des dénivelés importants, explique le Colonel Juge.

Le SDIS 05 adapte aussi son plan de formation pour les sapeurs-pompiers, afin d’y intégrer prochainement l’utilisation des drônes. La technique préventive du « brûlage dirigé » a déjà rejoint la « boîte à outils » du centre des Hautes-Alpes.

Le brûlage dirigé, ce sont des actions préventives qui permettent de libérer l'espace, d'une part, et deuxièmement de limiter la propagation d'un incendie qui viendrait [...]. [il est utilisé] soit comme cela se produit du sud de la France, dès lors qu'ils ont des cheminements de feu historiques, c'est à dire qu'ils savent par rapport aux feux qu'il ont vécu les années précédentes voire des dizaines d'années avant, comment se fait la progression du feu. Et sur ces axes de propagation du feu, ils font des coupures de l'espace végétal, de façon à ce que si le feu se reproduit en période estival, ils aient des points d'appui pour pouvoir engager les actions de lutte en toute sécurité, et limiter la propagation de cet incendie.

Colonel Juge, SDIS 05

Lorsque le brûlage dirigé sera bien maîtrisé au sein du SDIS 05, soit « dans quelques années » indique le Colonel Juge, il pourra être utilisé comme « feu tactique ». Cette fois, il ne s’agit plus d’action préventive, mais de combattre le feu par le feu.

Dès lors que vous êtes en bas de pente, le feu descend en reculant. Il n'est pas accessible et à ce moment-là en faisant un contre-feu, le feu va à la rencontre de lui-même. Ce sont des techniques opérationnelles qui ont pu être mises en œuvre sur ce qu'on appelle des méga-feux. [Pour ces incendies] les actions de lutte avec les camions, l'eau, les canadairs ne suffisent plus puisque le feu génère sa propre énergie. Il n'est plus contrôlable, donc on lutte par le feu contre le feu.

Colonel Juge, SDIS 05

À ce stade, difficile de d'estimer précisément les conséquences financières pour le SDIS 05 de l’amplification des événements climatiques extrêmes. Si le coût des nouvelles formations est facilement chiffrable, il est plus délicat de distinguer avec précision les interventions qui relèvent de l’activité courante de celles que l’on peut attribuer à l’évolution du climat.

Quoiqu’il en soit, pour éviter d’avoir à faire face à des incendies ravageurs, rien ne vaut le respect de quelques règles simples, rappelle le colonel Juge.

Attention à l'emploi du feu, il existe une règlementation. Ensuite, il y a la possibilité de débroussailler autour des maisons. Et si on veut permettre aux pompiers de se concentrer sur la lutte active contre les feux de forêts, il faut libérer les pompiers de la mobilisation de véhicules sur chacune des maisons.