Flux de déménagements entre mars 2020 et mars 2021 vers et depuis les hautes-Alpes. Flux de déménagements entre mars 2020 et mars 2021 vers et depuis les hautes-Alpes.
Flux de déménagements entre mars 2020 et mars 2021 vers et depuis les Hautes-Alpes. /UMR CESAER

Hausse du solde migratoire dans les Hautes-Alpes après la crise sanitaire

Rendue publique en février 2023, une étude quantifie les déménagements suite à la crise sanitaire de 2020-2021. Le département des Hautes-Alpes a connu une forte hausse de son solde migratoire depuis mars 2020 grâce à de nouveaux venus, arrivés notamment des Bouches-du-Rhône, du Rhône, de l’Isère, et de Paris.

Il s’agit de l’étude « Exode urbain : impacts de la pandémie de COVID-19 sur les mobilités résidentielles » menée par plusieurs équipes de chercheurs dans le cadre du programme POPSUTerritoires. Son originalité est d’exploiter pour la première fois les données des réexpéditions de contrats de La Poste, connues quasiment en temps réel, alors que les données de l’Insee ne sont disponibles que trois ans après chaque recensement. Il s’agit de données anonymisées. On estime qu’environ 7 ménages sur 10 signent un contrat de réexpédition de courrier lors d’un déménagement, selon Pascal Bartier, cadre à La Poste, qui a travaillé sur cet outil en collaboration avec les chercheurs.

Ces données ont été comparées avec les données Insee et on trouve un coefficient de 0,97, très proche de 1. Plus le coefficient de corrélation est proche de 1, plus les données sont représentatives.

Pascal Bartier, directeur développement offres intermédiés à la Business Unit de La Poste

Grâce à ces nouvelles données, les chercheurs et chercheuses de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) ont construit un outil cartographique très parlant. Il permet de visualiser à l’échelle des départements, ou même à une échelle plus fine, comment la crise sanitaire a affecté les mouvements de population.

Cet outil a deux fonctionnalités : une fonctionnalité qui permet de connaître le solde migratoire du territoire, c’est-à-dire la différence entre les entrants et les sortants, rapportée ici à mille ménages pour faire des comparaisons entre territoires. Et un autre outil qui permet de voir les transferts de population qui se passent entre deux territoires.

Marie Breuillée, chercheuse au CESAER, unité mixte de recherche en sciences sociales qui associe AgroSup Dijon et INRAE

Dans les Hautes-Alpes,  on constate une forte hausse du solde migratoire, passé de 4,65 pour mille ménages, juste avant le premier confinement (période entre mars 2019 et mars 2020) à 6,97 pour la même période après le premier confinement (mars 2020- mars 2021). Puis 7,33 après la crise sanitaire, pour la période entre mars 2021 et mars 2022.

L’effet Covid est donc surtout notoire dans les mois qui suivent le premier confinement. Puis, le solde migratoire continue légèrement de croître et se stabilise à un niveau assez élevé.

Quant aux nouveaux arrivés, ils viennent principalement pour la période mars 2020-mars 2021 des Bouches-du-Rhône, de l’Isère, de Paris, des Alpes maritimes, et du Rhône. Et pour la période plus récente (mars 2021-mars 2022), on retrouve toujours les Bouches-du-Rhône en tête, suivies du Rhône, de l’Isère, de Paris, et de la Haute-Savoie.

Au niveau national, plutôt qu’un départ massif et soudain des Parisiens vers les campagnes, les données de réexpédition de courrier dévoilent plutôt un système de vases communicants, selon Olivier Lision, membre du CESAER, une unité mixte de recherche en sciences sociales qui associe AgroSup Dijon et l'Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).

L’aire de Paris allait vers les grandes métropoles, les grandes métropoles allaient vers des villes moyennes, les villes moyennes allaient vers des petites villes et les petites villes allaient vers le rural.

Olivier Lision

Avec l’accentuation de trois tendances préexistantes, explique Marie Breuillé, chercheuse en économie au CESAER.

Le premier, c’est la périurbanisation. Quelle que soit la taille de l’unité urbaine, on observe une augmentation des flux nets de la commune centre en direction des autres communes du pôle et en direction de la couronne. Et à l’intérieur même des couronnes périurbaines, on constate un phénomène de desserrement urbain. Le deuxième phénomène c’est l’attractivité des territoires ruraux. Le solde migratoire, qui est la différence entre les flux entrants et les flux sortants était en baisse, avant la crise sanitaire dans les communes rurales, quoique excédentaire. Avec la crise sanitaire, les communes rurales ont bénéficié d’un regain d’attractivité. Enfin, troisième phénomène, c’est le rééquilibrage de la hiérarchie urbaine, qui consiste en un déplacement des ménages vers des villes de taille plus petite.

Marie Breuillé

Quant au profil de ces nouveaux venus, étudié par une autre équipe, il ne se résume pas à des ménages de classe supérieure achetant une résidence secondaire ou à des néo-ruraux qui « ont quitté la ville » pour un changement de vie. Ils sont bien plus divers, avec également des personnes en situation de précarité ou de pré-retraite. Les chercheurs vont continuer à exploiter cette base de données de contrats de réexpédition de La Poste, jugée « particulièrement riche » par Marié Breuillé.

La prochaine étape sera de quantifier les flux de mobilité des entreprises sur le territoire français, et de déterminer dans quelle mesure les travailleurs suivent les entreprises ou les entreprises suivent le travail.

Marie Breuillé

La chercheuse invite les pouvoirs publics et les citoyens à se saisir de cet outil pour éclairer la prise de décision publique, notamment en matière de création de services publics et de politique du logement.