Guillestrois-Queyras : pourquoi la tarification "liée à la consommation" sur les ordures ménagères ?

Dans le Guillestrois et le Queyras, les habitants devront bientôt présenter un badge électronique avant de déposer leurs ordures ménagères. Après l’extension des consignes de tri, l’installation de près d’une centaine de composteurs de quartiers et diverses expérimentations et sondages, le SMITOMGA va instaurer en 2025 une tarification liée à la consommation.

En clair, chaque sac d’ordures ménagères avalé par un conteneur sera comptabilisé pour le foyer concerné. Et à partir de 2025 la redevance payée par les ménages deviendra proportionnelle au nombre de sacs jetés dans l’année, avec toutefois une part fixe qui permettra de d'assumer les charges communes : camions, conteneurs, personnel, bennes de déchetteries...

L’objectif est double. D’un côté, les impératifs écologiques et législatifs contraignent les collectivités à réduire significativement leur tonnages d’ordures ménagères pour limiter l’enfouissement et l’incinération. De l’autre, des considérations économiques, car les prix de l’enfouissement et de l’incinération augmentent fortement pour deux raisons. Premièrement les tarifs pratiqués par le prestataire Veolia - en situation de monopole dans le département – s’envolent. Ensuite la TGAP, la taxe sur les tonnages d’ordures ménagères incinérés ou enfouis, payée par les collectivités, aura presque triplé entre 2015 et 2025. Aujourd’hui déjà cette taxe représente près d’un quart du budget "ordures ménagères" dans le Guillestrois Queyras, et celle-ci va encore augmenter d’un peu moins de 50 % d’ici à 2025.

Si dans le Guillestrois Queyras, la tendance à la diminution des tonnages est déjà bien amorcée, avec une réduction de 8 % des depuis 2017, le chemin à parcourir pour en finir avec les déchets non-triés et donc enfouis reste long. Pourtant le dispositif de tri actuel permettrait en théorie de s’en approcher dès aujourd’hui explique Anne Chouvet, présidente du SMITOMGA.

Dans les poubelles, si on enlève tout ce qui peut aller à la déchetterie : piles, ampoules... les choses encore recyclables, les bouts de métal, si on réfléchit bien, il ne reste plus que les poubelles de salle de bain et les balayures. Ce qui fait un tout petit volume.

Anne Chouvet, présidente du SMITOMGA

En termes de réduction des déchets, la tarification liée à la consommation a fait ses preuves à l’étranger. L’ADEME rapporte qu’au Japon, en Corée ou en Suisse, elle concerne entre un tiers et la moitié des ménages. Dans ces trois pays, les ménages soumis à une tarification incitative jettent en moyenne entre un quart et un tiers de déchets non- triés en moins par rapport aux ménages qui paient une tarification au forfait. En France, les résultats observés dans les collectivités qui ont changé de tarification sont encore plus spectaculaires. La quantité moyenne d’ordures ménagères résiduelles passe de 240 kg/hab à 140 kg/hab dans les deux ans qui précèdent la mise en œuvre d’une tarification incitative, soit une baisse de plus de 40 % sur deux ans.

Quant aux potentiels effets indésirables souvent évoqués à propos de l’instauration la tarification liée à la consommation, comme une dégradation de la qualité du tri ou des dépôts d’ordures dans l’espace public, les études menées par l’ADEME sont rassurantes. Elles mesurent moins un écart de moins d’1 % sur les taux de déchets refusés à l’entrée des centre de tri entre les deux tarifications. De même, si les collectivités passées en tarification liée à la consommation témoignent d’une augmentation des incivilités dans un premier temps, une diminution est constatée par la suite. Au-delà des chiffres et études fournies par l’ADEME, la présidente du SMITOMGA Anne Chouvet a aussi scruté les expériences menées dans d’autres collectivités.

Il y a à peu près 7 millions de personnes qui sont à la tarification incitative [...] On est allé voir une collectivité en Savoie du Pays du Lac d'Aiguebelette, qui sont en tarification incitative depuis 11 ans. Le maire avait voulu sortir de ce système au dernier mandat, ils ont vu leur redevance augmenté de 100%.

Anne Chouvet, présidente du SMITOMGA

Afin d’éprouver le dispositif technique et de sonder l’acceptation des habitants avant de généraliser la tarification liée à la consommation, le SMITOMGA a mené une expérimentation au hameau du coin à Arvieux. Si l'analyse du comportement des usagers est "biaisée" par le faible nombre d’habitants qui induit un « contrôle social » plus fort qu’en ville, il a permis en revanche d’éprouver le système technique explique le syndicat. En l’occurrence, le système de déverrouillage du conteneur, initialement tactile, sera finalement remplacé par un bouton d’éveil classique plus intuitif.

Reste à équiper l’ensemble des conteneurs d’un système de badge, ainsi que les entrées des déchetteries. Le budget total du passage à la tarification incitative est de 1 226 600€ HT, financé à plus de 80 % par l’ADEME, le programme européen ALCOTRA, la Région et l’entreprise Citéo. Un taux permis par le fait que la Communauté de Communes fasse partie des premiers à s’engager dans ce changement de tarifications et qui lui donne accès à des programmes de financement qui n’existeront plus dans quelques années, explique Anne Chouvet.