Gap se raccorde en urgence et en catimini à la nappe du Drac

C’est un raccordement salutaire mais étonnamment discret qu’a opéré la ville de Gap pour éviter la rupture d’alimentation en eau potable.

Le sujet est un véritable serpent de mer des conseils municipaux. La ville avait déjà dû procéder à un raccordement temporaire à la nappe du Drac - dite des Choulières, suite à la sécheresse de 2017. En temps normal, son alimentation en eau est majoritairement assurée par la réserve des Jaussauds, elle-même alimentée par le Drac. Sauf que cette rivière, passée en-dessous de son débit réservé il y a plusieurs semaines, ne peut plus faire l'objet de prélèvements. Le remplissage des Jaussauds a donc dû être stoppé.

Depuis, la ville est suspendue au stock d'eau que contient cette réserve et dont l’autonomie est estimée à deux mois. Or, ram05 a appris qu’une solution « de secours et en urgence » est en cours de déploiement sans que la ville n’ait communiqué à ce sujet. Cette solution est même déjà partiellement opérationnelle.

Des pompages au puit de Chabottes et aux Ricous acheminent en ce moment 50 L/s à la réserve des Jaussauds. Cela correspond à la moitié des besoins en eau de la ville, estimés à 100 L/s, et un renforcement des équipements de pompage est en cours pour en augmenter le débit.

Cette solution de secours et d’urgence était pourtant préméditée selon l’opposition gapençaise. Ambition pour Gap explique que le maire préparait ce branchement temporaire dès le mois de juin dernier. Le groupe va plus loin et assure qu'au départ, Roger Didier a œuvré pour que le raccordement se fasse sur cette même nappe mais au niveau du site des Choulières et non au puit de Chabottes. De cette façon, le maire de Gap aurait pu profiter d’une situation d’urgence pour imposer un scénario long-terme qui a sa préférence.

Ce nouveau recours à une solution temporaire intervient dans un contexte bien particulier. Les conclusions d’une étude commandée il y a près d’un an ont apporté récemment un nouvel éclairage pour sécuriser de manière pérenne l’approvisionnement de la ville, avec trois scénarios détaillés.

Tous s’appuient sur un raccordement à la nappe du Drac [dites des Choulières], mais les moyens d’acheminer l’eau à la ville varient. Deux premiers scénarios proposent d’acheminement l’eau via une conduite installée dans le Canal de Gap, ou bien qui suivrait un tracé indépendant. Le troisième scénario prévoit d’envoyer les eaux de la nappe dans le Canal de Gap.

Alors que le maire de Gap, Roger Didier, s’était mis sur la touche dans un projet de raccordement pérenne à cette nappe qui implique la ville de Gap et cinq communes du Champsaur, celles-ci n’ont pas attendu pour lancer les travaux au niveau des Choulières. La ville de Gap souhaite toujours être de la partie mais refuse pour le moment de s’aligner sur les scénarios privilégiés par les communes du Champsaur.

A propos du troisième scénario, qui prévoit de rejeter l'eau de la nappe dans le Canal de Gap une personne proche du dossier s'insurge : « Du jamais vu en France ». Avec un connaisseur des affaires techniques de la ville de Gap, tous deux avancent que lorsque l'on a la chance d’avoir une eau souterraine il faut en préserver la qualité. Et de souligner que le Canal de Gap et la ville « n’admettent pas l’eau turbide dans la réserve des Jaussauds » ou encore qu'en hiver, lorsque la station [d’Orcières] tourne, la réserve n’est plus alimentée du fait de risques de contamination. Preuve selon eux que les eaux de surface sont plus vulnérables aux aléas extérieurs.

Pour l’heure, la crainte d’une coupure des robinets semble donc écartée, mais le suspens reste entier sur le scénario qui sera retenu pour sécuriser l’alimentation en eau de la ville de Gap à long-terme. Quant aux raisons pour lesquelles Roger Didier défend le scénario qui s'appuie sur le Canal de Gap pour acheminer l’eau de la nappe, elles n’ont jamais été exposées clairement.

De l’avis de plusieurs proches du dossier, le maire de Gap craint de devoir continuer à verser la redevance au Canal - 350 000€ par an - même si celui-ci n’acheminait plus l’eau potable pour la ville. Un mauvais argument pour l’opposition qui estime que le Canal rend d’autres services d'intérêt général, par exemple en permettant l'irrigation agricole. La ville pourrait donc continuer de s'acquitter de cette redevance sans avoir à s'estimer lésée, estime Ambition pour Gap.

Contacté à ce sujet le directeur du Canal de Gap Vincent de Truchis indique que « [la ville de Gap] est aussi membre fondatrice de l’établissement public "Canal De Gap". Sa contribution annuelle permet la mise en œuvre de moyens de modernisation, sécurité , etc. sur l’ensemble des infrastructures hydrauliques du Canal De Gap . La question de la livraison d’eau ne constitue que l’une des missions du Canal de Gap. La sécurité des barrages des canalisations qui dominent la ville constitue par exemple une autre mission que le Canal De Gap remplit pour le bénéfice de la ville et de ses adhérents. » Une réponse qui semble donner raison à Roger Didier à propos du devenir de cette redevance si l'un des deux premiers scénarios était adopté.

Contactée à plusieurs reprises cet été la ville de Gap n’a pas donné suite à nos sollicitations.