Face au réchauffement climatique, la difficile communication des offices de tourisme
2,5 millions. C’est le nombre de personnes1 qui ont visité les pages Facebook et Instagram de l’Office de Tourisme de Serre-Ponçon cet été. Plus qu’une simple vitrine, les réseaux sociaux tendent à devenir un espace d’interaction entre les équipes et la clientèle, au même titre que l’accueil effectué dans les locaux. Effet boomerang, les travers des réseaux sociaux ont contraint les équipes à monter une véritable cellule de modération en ligne face à une déferlante de commentaires agressifs cet été.
Cet été le niveau exceptionnellement bas du lac de Serre-Ponçon a fait l’objet de nombreux reportages sur les chaînes nationales. Les images satellites cadrées exclusivement sur le haut du lac asséché ont propulsé Serre-Ponçon au rang de grand témoin du réchauffement climatique. Comme une rançon du travail au long court pour le populariser, le lac s’est retrouvé sous les feux des projecteurs mais pas comme l’espéraient les acteurs du tourisme. Alexis Aubespin, directeur de l’Office de Tourisme de Serre-Ponçon.
Serre-Ponçon a été la première destination de France sur laquelle les médias nationaux sont venus couvrir ce qu’était la sécheresse
Alexis Aubespin, directeur de l’OTISP
Face aux gros titres sur les fermetures de plages et le niveau du lac, l’Office de Tourisme de Serre-Ponçon a tenté de mettre en avant les activités toujours praticables et les adaptations des socioprofessionnels notamment sur la mise à l’eau. Objectif pour Alexis Aubespin le directeur de l’OTISP : combattre l’amalgame véhiculé entre « sécheresse et absence d’eau » pour sauver la saison estivale.
Des gens ne nous croyaient pas dans nos prises de paroles. Ils croyaient qu’on trafiquait nos images, qu’on ressortait des archives de 2020 ou 2019 pour expliquer que le lac était plein.
Rapidement, une déferlante de commentaires sur les réseaux sociaux. Après la diffusion d’une vidéo montrant que la navigation reste possible, l’Office de Tourisme est accusé d’incruster des bateaux en image de synthèse. D’autres estiment que cette communication relève d’une négation de la sécheresse, voire du réchauffement climatique. Résultat : le temps consacré à la modération sur les réseaux sociaux est augmenté pour représenter 20 % d’un temps-plein.
Si cela peut sembler anecdotique, cette évolution de la profession symbolise pour Alexis Aubespin les tensions qui résultent du réchauffement climatique et qui risquent de s’aggraver avec la raréfaction de la ressource en eau. Le métier des Offices de Tourisme est de vendre du rêve à partir d’images et d’histoires liées au territoire. Or, le réchauffement climatique implique une récurrence plus importante de photos chocs liées aux sécheresses, canicules et incendie. Pris en étau entre la « rassurance » prônée par les acteurs du tourisme et le besoin ressenti par une part croissante de la population d’alarmer sur l’urgence climatique, les Offices de Tourisme devront trouver le juste ton.
Oui on défend notre territoire mais à un aucun moment on va sur des explications fallacieuses ou en totale décalage avec la réalité
1 Interview avec le directeur de l’OTISP du 13/10/2022