Face à la crise énergétique, « le délestage ne résout pas les questions de fond »
Reprise économique post-covid, tensions géopolitiques et indisponibilité de 23 réacteurs nucléaires en France engendrent une hausse du coût de l’énergie. Le prix de l’électricité a par exemple été multiplié par 10 par rapport à la décennie précédente.
Les Hautes-Alpes n’échappent pas à la crise. « Un certain nombre d’acteurs se sont saisis du sujet et mobilisés. Il y a une dynamique sur le territoire », observe Timothée Ollivier, directeur d’EDSB, le producteur et fournisseur local d’électricité dans le Briançonnais. Des mesures de soutien existent déjà, comme le bouclier tarifaire pour les particuliers et les professionnels. Pour les entreprises non éligibles au bouclier tarifaire, le dispositif amortisseur électricité, géré par le fournisseur, sera mis en place à partir de janvier 2023. Il peut encore évoluer, car il figure au projet de loi de finances de 2023, encore en discussion au Parlement, mais on sait déjà que beaucoup de petites et moyennes entreprises briançonnaises en bénéficieront.
Dans le Briançonnais, EDSB, qui produit et distribue l’électricité à Briançon et Saint-Martin-de-Queyrières, suivra cet hiver les ordres de RTE, le réseau de transport d’électricité, pour appliquer localement les mesures d’économies d’énergie. Le mois de novembre s’est passé « sans contrainte particulière, car les températures étaient au-dessus des normales saisonnières », explique Gilles Odone. « En décembre, les moyens dont nous disposons ne laissent pas envisager de risque de coupure », poursuit-il. En revanche, c’est en janvier que la situation sera tendue. En dernier recours, RTE devra ordonner des délestages, qui seront mis en place par les fournisseurs.
Il faut couper autant que possible ce qui est indolore pour éviter les délestages
Timothée Ollivier, directeur d’EDSB
Ces éventuels délestages impacteront les ménages aisés comme les ménages modestes cet hiver. Une mesure socialement injuste ? « Oui », pour Emmanuel Rauzier, membre de Négawatt spécialisé dans la question des matériaux et de l’industrie. « Tout le monde va en pâtir, dit-il. Le délestage ne résout pas les questions de fond ». D’autant que les ménages les plus aisés ont tendance à plus consommer que les ménages modestes, souvent confrontés à la précarité énergétique, comme l’a montré une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme, relayée de nombreuses fois sur Internet et épluchée par Libération. « On ne va pas regarder qui consomme un peu plus ou un peu moins, explique Gilles Odone, délégué régional RTE Méditerrannée. C’est un problème global ».
Pour éviter au maximum le délestage, les fournisseurs d’électricité misent sur l’application mobile Ecowatt. Une mesure déjà vivement critiquée car elle exclut de fait les 14 millions de personnes qui ne possèdent pas de smartphone ou qui ne savent pas l’utiliser. L’appli développée par RTE qui permet de caractériser la tension sur le système électrique. Elle envoie des signaux rouge, orange et vert. Si le signal rouge est envoyé, cela signifie que dans 3 jours ou le lendemain, il y a un risque très fort de tension sur le système électrique et donc, potentiellement, des coupures. « Les campagnes d’incitation n’ont pas un immense impact, nuance Emmanuel Rauzier, qui reste circonspect face à l’importance accordée à la responsabilité individuelle des citoyens. Le comportement des usagers, c’est bien, mais il faut aller plus loin ».
Tout le monde découvre la sobriété dans l’urgence mais ça s’anticipe sur plusieurs années
Emmanuel Rauzier, Négawatt
Le Gouvernement ne prévoit pas de mesures contraignantes concernant l’extinction des vitrines et des enseignes en première partie de nuit (la loi oblige dans la majorité des cas l’extinction entre 1h et 6h du matin, mais elle n’est bien souvent pas respectée) ou de l’éclairage public. « C’est de la responsabilité de chacun, évite Timothée Ollivier. Nous, à EDSB, on applique des mesures de délestage à la demande de RTE pour préserver l’équilibre du système national », détaille-t-il. Pour Emmanuel Rauzier, « la consommation de l’éclairage public n’est pas énorme ». Il vaut mieux se concentrer sur « les ménages et le tertiaire », explique-t-il : cafés, locaux commerciaux, bureaux, équipements sportifs, etc. Cet hiver, les remontées mécaniques et les canons à neige des stations de ski ne seront pas coupés. Par contre, le trafic ferroviaire pourrait être touché. Côté décorations lumineuses de Noël, pas de mesures contraignantes mais uniquement des mesures incitatives prises à l’initiative des communes.