Endométriose : avoir mal pendant les règles, « ce n’est pas normal »
En ce mois de mars, des actions de sensibilisation à l’endométriose sont menées au niveau international. Dans les Hautes-Alpes, un parcours de soin dédié aux personnes touchées est en cours d’élaboration. L’endométriose est de mieux en mieux connue et reconnue, et les douleurs pendant les règles sont aujourd’hui moins perçues comme une normalité.
En 2022, le ministère de la santé a lancé une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose : cette maladie est reconnue comme une affection longue durée, des travaux sont en cours pour approfondir la recherche médicale, réduire le retard de diagnostic, de 7 ans en moyenne, et améliorer la prise en charge de la douleur.
Mais qu’est-ce que l’endométriose ? Le docteur Giacomo Serboli, chef de pôle de la maternité de l’hôpital de Briançon, nous décrit cette maladie.
L’endométriose est une pathologie qui peut être très invalidante à cause de douleurs pendant les règles.
Docteur Giacomo Serboli
« L’endométriose est une pathologie bénigne, mais elle peut être très invalidante parce que souvent, la manifestation principale consiste en des douleurs pelviennes [dans le bas-ventre, ndlr], surtout pendant les règles, qu’on appelle des dysménorrhées. Elles peuvent provoquer des arrêts maladie ou des journées alitées pour la patiente.
Et la pathologie peut aussi provoquer des douleurs pendant les relations sexuelles : de la dyspareunie », expose le docteur Serboli.
Une personne touchée par l’endométriose sera donc souvent victime de douleurs systématiques tous les mois au moment de ses règles, mais il est aussi possible d’arriver à un stade avancé de la maladie tout en restant asymptomatique.
C’est une anomalie issue de l’utérus qui provoque la pathologie.
Tous les mois, des règles sont provoquées, mais à l’intérieur du ventre : les saignements vont induire des réactions inflammatoires et donc des douleurs.
Docteur Giacomo Serboli
« La maladie est due à du tissu endométrial, c’est-à-dire de l’intérieur de la cavité de l’utérus, qui sort de l’utérus et qui va ailleurs. Il peut aller dans les ovaires, dans les trompes, en tout cas souvent dans le bas ventre.
Et il répond aux hormones, comme le fait l’endomètre. Donc cela signifie que tous les mois des règles sont provoquées, mais à l’intérieur du ventre.
Et ça, c’est à l’origine de douleurs car les saignements à l’intérieur du ventre vont induire des réactions inflammatoires et donc des douleurs », explique le médecin.
Comment un tissu de l’utérus peut-il migrer en-dehors de son milieu ? La théorie en vigueur aujourd’hui a été décrite il y a près d’un siècle, en 1929, relate le docteur Serboli.
« C’est à cause de règles rétrogrades. Le sang qui est à l’intérieur de l’utérus est censé normalement sortir tous les mois avec les règles. Mais dans ces cas-là, il y a un peu de sang, avec des cellules évidemment, qui, au lieu de descendre vers le bas, remonte vers le haut à travers les trompes et qui va s’implanter sur le péritoine, c’est-à-dire à l’intérieur de la cavité abdominale.
Ce flux rétrograde est très fréquent. Sur certaines patientes, il va s’implanter et provoquer de l’endométriose, sur d’autres, il ne va pas s’implanter », explique le chef de pôle.
Parmi les personnes menstruées il n’y a pas de public particulièrement à risque, signale le docteur Serboli, si ce n’est que des antécédents familiaux peuvent favoriser l’apparition de la maladie. Celle-ci est surveillée à partir de l’âge de 18 ans.
Du côté des chiffres, ils sont difficiles à cerner car les symptômes sont très variables : certaines personnes peuvent vivre longtemps avec de l’endométriose sans développer de symptôme, tandis que d’autres peuvent avoir des douleurs récurrentes sans que la pathologie ne soit diagnostiquée. La proportion se situe autour de « 3 femmes sur 10 », selon des estimations datant d’il y a une trentaine d’années, précise le docteur Giacomo Serboli.
Des traitements très variables
Le traitement de l’endométriose peut se décliner sous différentes formes.
On peut parfois soigner facilement l’endométriose, avec une pilule estropogestative. Mais souvent, il faut donc passer à la chirurgie qui peut devenir plutôt invasive et impactante.
Docteur Giacomo Serboli
« On peut parfois soigner facilement l’endométriose, lorsqu’il suffit d’arrêter les règles par une pilule estropogestative et donc, en même temps, de bloquer aussi ces tissus ectopiques [qui se situent à un endroit anormal, ndlr] qui ont migré et donc de les mettre au repos. Et à ce moment-là, les manifestations cliniques, en général, vont petit à petit s’estomper. Dans ce cas, c’est plutôt simple.
Mais souvent, il s’agit de femmes qui ont des douleurs depuis des années, et ça peut ne pas être suffisant de faire un traitement hormonal. Quelquefois, il faut donc passer à la chirurgie.
Il s’agit d’une ablation des sous-tissus ectopiques, qui, malheureusement, ont parfois évolué pendant des années et peuvent toucher des organes à côté comme le digestif ou les voies urinaires. La chirurgie peut donc devenir plutôt invasive et impactante », décrit le médecin.
Mais il ne faut pas oublier non plus les « traitements complémentaires », tient à ajouter le docteur Serboli.
« À ce sujet, nous avons même publié un article récemment.
Il y a une nutrition spécifique anti-endométriosique et donc, nous travaillons avec des nutritionnistes ou des naturopathes. Nous travaillons aussi avec des kinés qui vont mobiliser le bas-ventre, avec des ostéopathes, des hypnothérapeutes.
Il ne faut pas oublier qu’à côté de la médecine classique, il y a plein de professionnels qui peuvent prendre en charge la patiente et aider le résultat de la médecine classique », souligne le docteur Serboli.
Qu’il s’agisse de soignants de ville ou en hôpital, des intervenants spécialisés dans le traitement de l’endométriose sont identifiés tout au long du parcours de soin. Celui-ci est en cours d’élaboration dans le département, avec une collaboration entre les hôpitaux de Gap et de Briançon. Des opérations de sensibilisation sont menées en particulier chez les sages-femmes, les médecins généralistes et les infirmières scolaires des Hautes-Alpes.
Avec un mot d’ordre : les douleurs pendant les règles, ce n’est pas normal.
Ce n’est pas normal d’avoir mal pendant les règles : c’est le premier message important. Le deuxième, c’est qu’il ne faut pas avoir peur de faire des traitements hormonaux.
Docteur Giacomo Serboli
« Les femmes qui ont des douleurs pélviennes pendant les règles, il faut qu’elles consultent tout de suite, chez une sage-femme ou un médecin généraliste. Il ne faut pas négliger les douleurs de règles et aller tout de suite consulter quelqu’un. Après, il y aura un adressage vers les centres de référence à Gap ou Briançon pour aller un peu plus loin dans la prise en charge.
Ce n’est pas normal d’avoir mal pendant les règles : c’est le premier message important.
Et la deuxième chose, c’est qu’il ne faut pas avoir peur de faire des traitements hormonaux. Actuellement, les pilules et les traitements hormonaux n’ont pas bonne presse, mais dans le contexte de l’endométriose, c’est vraiment un traitement qui peut être efficace et qui peut régler le problème », assure le médecin.
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur fait partie des trois régions pilotes à avoir mis sur pied il y a quelques années un réseau dédié à la prise en charge de cette maladie, au partage d’expérience et de connaissances, nommé Endosud, dont le docteur Serboli a été l’un des porteurs de projet.