Agriculture de montagne et semences paysannes, « un engagement politique, agronomique et sociologique »
La fête de l’agriculture paysanne est organisée ce samedi à la Roche de Rame par la Confédération paysanne et les Croquignards. Il y aura un marché paysan en partenariat avec des associations de consommateurs locales dont Zuste un Zeste, une buvette, des pizzas paysannes bien sûr, et à partir de 18h30 des spectacles et des concerts. Et dans l’après-midi sera organisée une visite de la ferme d’Élisa Cottaz à l’Argentière. Le tout est à prix libre. C’est aussi l’occasion de s’intéresser plus en détail aux semences paysannes. De 15h à 18h samedi se dérouleront des échanges et du tri de semences, avec la découverte des outils et des techniques pour le faire. Ce sera animé par Estelle Bombrun, membre du conseil d’administration du Réseau Semences paysannes. Elle est aussi salariée animatrice de Graines de montagne, la maison des semences paysannes des Hautes-Alpes. Une association qui vise à préserver collectivement la biodiversité cultivée du département. A travers les semences paysannes se retrouve un certain esprit. Un esprit qu’Estelle Bombrun considère comme fondamentalement politique et militant. Au-delà des semences, des urgences paysannes. Et qui dit agriculture dit semences.
La rédaction de ram05 : Qu’est-ce qu’une semence paysanne et quels sont ses intérêts pour les paysans ?
Estelle Bombrun : Une semence paysanne est une graine issue de variétés de populations, donc libre de droits, reproductible, adaptée et adaptable à son territoire. Pour les semences paysannes on parle de coévolution humain-plante-terroir. L’intérêt des semences paysannes, c’est de coévoluer avec elles, et qu’elles s’adaptent aux changements climatiques, aux pratiques des cultivateurs. Pour les paysans, l’intérêt, c’est leur autonomie semencière. Avec les semences libres de droits, ils n’ont pas à racheter des semences d’année en année ou à payer une quelconque contribution à l’obtenteur ou au mainteneur. Il existe un catalogue des semences, où les personnes qui font de la création variétale inscrivent les variétés sur ce catalogue et en deviennent mainteneurs-obtenteurs et cela empêche les autres de les utiliser, ou en tout cas sous des contrats. Pour moi, on a une nécessité d’utiliser les semences paysannes, car il y a une urgence agronomique. Ce sont des plantes qui ont une capacité de résilience face aux aléas climatiques. Elles restent utilisées dans une petite agriculture, une agriculture paysanne, ça ne concerne pas l’industrie. C’est surtout face à l’industrie semencière et aux semences de la recherche, que sont les hybrides F1, qui ont très peu de capacités d’adaptation. Les F1, ce sont des Formule 1. Elles ont été créées pour pouvoir cracher une année. Vous pouvez les reproduire, mais l’année suivante, vous n’aurez pas la même variété.
Quel esprit retrouve t-on à travers les semences paysannes ?
C’est politique, agronomique et sociologique. C’est un engagement pour préserver la biodiversité. Très factuellement, vous allez sur un étal de supermarché, vous verrez peut-être une grande diversité de légumes, d’espèces, mais par contre vous n’aurez pas beaucoup de diversité de variétés. L’exemple très basique, c’est les tomates. En supermarché, vous en trouverez une dizaine, issues pour la plupart d’hybrides F1, alors que vous avez un potentiel de plus de 5000 variétés de tomates à travers le monde, qui sont diverses par leurs goûts, leurs tailles, leurs formes, diverses par rapport au territoire.
Comment se porte l’agriculture paysanne dans les Hautes-Alpes ?
Il faut être enthousiaste et positif. Elle se porte bien, elle existe, elle est présente, il y a des personnes qui militent et qui la cultivent. C’est surtout qu’il y a des gens. En plus dans les Hautes-Alpes le territoire est peu mécanisable, pas comme dans les grandes plaines. C’est une agriculture paysanne qui peut vivre, mais elle ne vivra pas sans les mangeurs, sans des politiques locales inclusives. On est nombreux à vouloir la faire vivre au quotidien.