Jean-Paul Coulomb, lors de son passage dans nos studios, ce lundi. Crédit : Élie Ducos

A Serre-Ponçon, la pollution aux microplastiques explose le seuil maximal toléré

Alors que plus de 8 millions de tonnes de plastique finissent dans la nature chaque année, les résultats d’une étude sur la pollution aux microplastiques à Serre-Ponçon viennent d’être publiés. Des résultats qui questionnent sur le volume de déchets produits sur le bassin-versant de Haute-Durance. Un plastiquodrome sera exposé ce week-end à la foire bio Génépi.

25 millions de microplastiques sur 60 m² et 10 cm d’épaisseur. Ce sont les résultats d’un prélèvement d’humus sur l’espace naturel sensible du Liou, ironie du sort, sur les berges de Serre-Ponçon. La Ligue pour la Protection des Oiseaux Provence-Alpes-Côte d’Azur est partenaire de l’ONG Expéditions Med, spécialisée dans l’étude de la pollution plastique en Méditerrannée. Elles présentent cette semaine les résultats des actions de ramassage des plastiques au bord du lac et les résultats des études scientifiques sur les microplastiques. Et il faut bien dire que ces résultats sont frappants. « Qu’il y ait du plastique dans Serre-Ponçon, c’est connu depuis longtemps », avertit Jean-Paul Coulomb, membre de la LPO, bénévole ramasseur de plastique. Les brises thermiques montantes font se concentrer les déchets sur l’amont de la retenue. « On trouve des objets dans des quantités absolument inimaginables », s’alarme Jean-Paul Coulomb. C’est ce que l’on appelle « l’effet Serre-Ponçon », un phénomène qui tient en trois mots : bloquer, concentrer, pulvériser.

Jean-Paul Coulomb explique "l'effet Serre-Ponçon"

Sur 14 kg d’humus, il y avait 1,5 kg de particules de plastique

Jean-Paul Coulomb

Des endroits que l’on appelle des usines à microplastiques. « C’est la Durance qui charrie ce plastique, essentiellement lorsqu’il y a des crues, note le bénévole. Cette année il n’y a pas eu de crue, la Durance a fait des petits caprices de pas grand-chose, il y a très peu de plastiques au bord du lac ». Le cas Serre-Ponçon est particulier. Le lac est considéré comme un observatoire spectaculaire de la pollution aux plastiques. « Nous sommes un certain nombre de naturalistes, ornithos, botanistes, à ramasser le plastique depuis plus de cinq ans maintenant », détaille Jean-Paul Coulomb. L’année dernière, les 150 bénévoles ont réalisé 137 sorties, 400 heures de terrain et ont collecté 12.000 litres de déchets – 60.000 depuis 2017.

Ramasser le plastique permet d'éviter la formation de microplastiques

Un article de recherche (en anglais), paru dans la revue Frontiers le 17 août, analyse cette pollution plastique exceptionelle. Elle est constituée par exemple de biomédias venus de stations d’épuration en amont (des accidents survenus à Molines-en-Queyras en 2016 et à Vallouise-Pelvoux en 2017), de briquets jetables, de bourres de cartouches de chasse, de pneus, ou encore de polystyrène expansé, la liste des déchets ramassés dans le lac depuis début 2017 est interminable. Ce week-end, à la foire bio d’Embrun, dont ram05 est partenaire, vous pourrez admirer, si l’on peut dire, un plastiquodrome.

Jean-Paul Coulomb présente le plastiquodrome

Il faut venir voir ce plastiquodrome pour se rendre compte de ce qui est dans le lac

Jean-Paul Coulomb

La pollution plastique à Serre-Ponçon explose le seuil maximal toléré. Avec plus de 2000 déchets pour 100 mètres de berges, c’est 100 fois plus que le seuil européen. En avril 2021, des carottes de sédiments ont été prélevées par un laboratoire de l’Université Savoie Mont-Blanc. Le budget pour l’analyse de ces carottes est estimé à 10.000€. Dans un document de 4 pages publié tout récemment, la LPO PACA rappelle que chaque citoyen consommerait en moyenne 5 grammes de plastique par semaine – l’équivalent du poids d’une carte bancaire. « Leurs impacts potentiels sur la biodiversité et la santé humaine sont de plus en plus préoccupants », rappelle-t-elle. L’association s’inquiète de la « sécheresse sans précédent que nous connaissons » qui va « rebattre les cartes de l’usage de l’eau dans le bassin-versant de la Durance », et formule le souhait de l’inscription dans les agendas des collectivités territoriales un objectif de Zéro pollution plastique. Un enjeu de santé publique et de santé environnementale. Une nécessité qui va dans le sens des objectifs de la Région Sud, qui projette de « supprimer tous les déchets plastiques sur terre et dans la nature ». Un objectif particulièrement ambitieux, voire une gageure, au vu des résultats constatés.

Le plastique peut remonter dans la chaîne alimentaire et se retrouver dans nos assiettes

Jean-Paul Coulomb

Ce week-end, le sujet de la pollution plastique sera largement évoqué lors de la foire bio génépi à Embrun. Outre le plastiquodrome, dimanche à 14h, des représentants de la SAPN-FNE 05, de la LPO et de FNE PACA présenteront une conférence sur la pollution plastique en Durance et à Serre-Ponçon ; et à 15h, Jonathan Lancelot, marin scaphandrier à bord de la goélette Tara, et Pascaline Bourgain, responsable de Tara Océan Fondation, donneront une conférence intitulée « Pollution plastique en mer, les solutions sont à terre ».

Pour en savoir plus, l’actualité des déchets plastiques est à retrouver sur le Facebook A vos sacs Ramassage des déchets autour de Serre-Ponçon.