Massif de la Meije, vallée de la Grave vue depuis les Hières, août 2022 /crédits La Grave autrement

A La Grave, un collectif de citoyens questionne le projet de troisième tronçon du téléphérique

A La Grave, royaume des mordus d'alpinisme et de ski hors piste, le projet de troisième tronçon de téléphérique a fait l’objet d’une étude remise le 11 septembre 2022 à un collectif de citoyens La Grave Autrement. Les cabinets mandatés sont très réservés sur les retombées économiques du projet sur le territoire.

Depuis 1978, deux téléphériques permettent, depuis La Grave d’accéder, à la gare des Ruillans à 3 200 m d’altitude. Puis l’hiver, le téléski de Girose monte les skieurs au Dôme de la Lauze à 3 500 m.

La société des aménagements touristiques de La Grave (SATG), qui a remporté la délégation de service publique pour trente ans en 2017, prévoit de démanteler et remplacer ce téléski, présenté comme obsolète, par un téléphérique avec un débit légèrement inférieur : 400 personnes par heure contre 475 skieurs actuellement. Pour David Le Guen, directeur de la SATG, cette remontée est indispensable au modèle économique de cette station hors norme.

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L'idée n'est vraiment pas de massifier le tourisme à La Grave

David Le Guen, directeur de la SATG

Pourquoi ne pas simplement rénover le téléski ?

La pente du glacier qui s'est creusée avec le réchauffement climatique - comme partout ailleurs le glacier souffre - ça nous oblige à des travaux pharaoniques pour maintenir la piste de montée du téléski.

David Le Guen, directeur de la SATG

Le projet inclut une salle muséographique dédié au glacier, un nouveau restaurant aux Ruillans, ainsi qu’un système de recueil et traitement des eaux usées actuellement déversées sur le glacier. Selon la SATG,  son coût total sera de 14 millions d’euros, dont 12 millions pour le troisième tronçon du téléphérique, avec environ 4 millions d’euros de financement public.

Fin 2020, le conseil scientifique du Parc National des Écrins a émis des réserves face aux impacts paysagers d’un projet basé sur le « toujours plus haut, toujours plus vaste ». En mars dernier, c’est l’autorité environnementale du ministère de la Transition écologique qui a demandé des précisions sur la future fréquentation du site, s’interrogeant sur sa compatibilité « avec le caractère de montagne sauvage ».

Mais c’est sur le terrain économique que le collectif La Grave autrement a choisi de porter ses arguments. La question posée était donc : « Le projet est-il bon pour le territoire ? ». Deux cabinets de conseil y ont répondu : Montagne Conseil et Versant sud. Dévoilée le 11 septembre aux habitants, leurs premiers résultats jugent trop optimistes les retombées économiques présentées en 2020 par l’exploitant, qui se basaient sur une étude datant de 2012.

Ils ont pris 1 euro dépensés dans les retombée mécaniques pour 6 euros de dépense supplémentaire sur le territoire, alors que pour La Grave on est à 1 pour 4.

Bernard Jean, consultant de Montagne Conseil

Le consultant appelle donc à une « réserve prudente » face à de « nombreuses incertitudes ».

L’exploitant ne conteste pas ces nouvelles projections économiques, issues de l’étude Climsnow G2A KPMG commanditée par la région. David Le Guen

C'est bien la remontée mécanique qui est aujourd'hui le moteur de l'économie locale.

David Le Guen, directeur de la SATG

Sur les trente années de la concession, ces biais entraîneraient des prévisions de chiffre d’affaires touristique au moins 44% inférieures à celles présentées par la SATG. Le collectif La Grave autrement s’interroge donc sur la façon dont l’exploitant compte rentabiliser son investissement. Niels Martin, géographe et membre du collectif, habite à Villars-d’Arène

Le schéma habituel qu'on rencontre depuis 50 ans, c'est qu'on rentabilise les remontées mécaniques par de l'immobilier.

Niels Martin, membre du collectif La Grave autrement

Le collectif redoute également à terme la création d’un vaste ensemble touristique liant La Grave aux stations de l'Alpe d'Huez et des Deux Alpes, les trois stations étant désormais qui sont gérées par le même opérateur la Sata, maison mère de la SATG. Pour David Le Guen, un domaine « Grand Oisans » n’est mécaniquement et politiquement pas envisageable.

Comment est-ce possible d'imaginer que La Grave puisse absorber ne serait-ce qu'un dixième du débit des Deux-Alpes ? Mécaniquement, ce n'est pas possible.

David Le Guen, directeur de la SATG

Les consultants vont désormais se pencher sur des solutions alternatives, puis sur l’approfondissement d’un scénario choisi démocratiquement. Ce recours à des cabinets a un coût : 48 000 euros au total. Un appel à financement participatif a déjà permis de lever 27 000 euros, des mécénats permettant selon le collectif de compléter.

Le maire de La Grave, Jean-Pierre Pic, avait porté ce projet lors de la campagne des élections municipales de 2020. Mais sans consultation réelle des habitants, regrette Niels Martin.

La SATG a déposé fin juillet la demande d’autorisation d’entreprendre des travaux et l’étude d’impact est en cours d’instruction auprès de l’autorité environnementale départementale. La commune de La Grave devra ensuite lancer une enquête publique. Contacté, Jean-Pierre Pic n’a pas donné suite pour l’instant. Notre antenne lui est ouverte.