Expulsion du squat Le Bou’Li : « c’était un lieu où l’on pouvait construire des liens de solidarité »
À Briançon, le squat Le Bou’Li, installé dans les locaux et l’ancien restaurant de l’Amicale boule briançonnaise au Champ de Mars depuis début octobre, a été évacué par les forces de l’ordre ce jeudi 14 novembre. L’expulsion avait été ordonnée la veille par le tribunal judiciaire de Gap, saisi en référé par l’association bouliste et la ville de Briançon.
Arnaud Murgia, maire de la commune, s’est félicité de cette décision : « force reste à la loi », a déclaré l’élu, ajoutant à propos du squat que « chacun savait qu’il n’avait rien à voir avec le droit au logement et tout avec le militantisme le plus radical ».
Les occupants avaient motivé leur action par la lutte contre la crise du logement à Briançon. Sur les quelque 9 600 logements que comptait la commune en 2021, 36 % étaient des résidences secondaires et 9 % étaient vacants selon l’INSEE, soit environ 4 400 logements vides une grande partie de l’année.
Qu’était Le Bou’Li ? Qu’est-ce qui y était organisé ? Comment les occupants ont-ils réagi à la décision de justice ?
ram05 a recueilli deux témoignages dans le squat ce jeudi après-midi, juste avant l’expulsion.
Jules : Ça fait à peu près un mois, trois semaines, que je suis à Briançon, habitant à côté du squat et aussi au squat.
Alice : Ça fait un mois que je suis habitante du squat.
On a eu notre procès qui est tombé jeudi, et le verdict est tombé le mercredi de cette semaine. On a une expulsion en référé, donc c’est immédiat. Et actuellement là, on a la police qui est en train d’attendre pour mettre en place l’expulsion.
Jules : Et ça n’échappera pas aux personnes qui sont en galère de logement que cette expulsion a lieu pendant la trêve hivernale.
Et c’est aussi la conséquence d’une nouvelle loi qui vient d’être mise en place sous la présidence de Macron, qui s’attaque aux personnes qui sont logées de manière très précaire. Et cette loi s’attaque spécifiquement à ces personnes, en particulier si elles portent des opinions politiques qui ne sont pas au goût des autorités en place. Les juges peuvent maintenant utiliser cette loi pour expulser des opposants politiques, c’est vraiment ce qu’on voit avec ce jugement.
Alice : Moi, de ce que j’ai vu quand j’ai habité là, c’était un lieu d’organisation pour différents assos, pour aussi différentes personnes. On a créé beaucoup d’événements, comme des Crêpes parties qui ont permis de rassembler la population locale de Briançon. C’était un lieu convivial où on a pu échanger avec beaucoup de personnes. Après, on avait des activités assez régulièrement aussi dans le lieu, qui s’organisaient par des personnes même extérieures qui n’habitaient pas dans le squat. Et ça a permis à plein de monde de venir.
C’était un lieu où on pouvait aussi faire une organisation politique, avoir un espace réservé où on puisse parler, échanger, alors qu’à Briançon, avec la politique qui est engagée, on n’a aucun espace pour pouvoir faire ça. Donc outre les événements de convivialité qu’on a eus, on a essayé de se battre contre la crise des logements qu’il y a à Briançon, on a essayé de s’organiser politiquement, avec de la tolérance pour toutes les personnes qui ont pu venir ici.
Jules : On a organisé des discussions sur ce qui se passe en Italie, sur ce qui se passe plus généralement en Europe vis-à-vis du traitement de nos amis et des personnes en général racisées.
Et effectivement, ce genre de discussions, ce genre de solidarité internationale, ce genre de soutien aux personnes les plus démunies dans notre société, sont des choses que le maire de Briançon refuse, visiblement. Et nous, on essayait de le construire au jour le jour. Cet espace était aussi un lieu où on pouvait construire ces liens de solidarité et d’entraide.
Pour résumer ce qu’on a vu dans les deux jours qui viennent de se passer, c’est le juge et en général la justice qui se plient à l’exécutif et aux politiques pour réprimer des formes d’expression politique par certaines personnes précaires dans notre société. Et ce juge, ce maire sont soutenus aveuglement par les forces de police qui sont là aujourd’hui pour physiquement expulser des personnes d’un lieu de logement et d’organisation.
Et en même temps, on a aussi vu beaucoup de gens du quartier nous apporter des sacs pour sortir les habits, les matelas, la bouffe qu’on avait dans le lieu, pour pas qu’on perde tout non plus. On a vu des habitant-es du quartier venir exprimer leur mécontentement à la police et sur comment cette affaire a été menée.
Et puis le grand absent d’aujourd’hui, c’est le maire qui se fiche réellement d’un quelconque dialogue, d’un quelconque intérêt pour les personnes habitant dans ce quartier.