Tourisme : comment gérer l’afflux des véhicules aménagés ?
Depuis la fin de la période Covid, une nouvelle tendance s’est développée : les véhicules aménagés, pour les loisirs ou pour le travail.
On les appelle les vanlifers : cet anglicisme désigne les personnes qui vivent dans un véhicule aménagé de type van (autrement dit un fourgon). Mais la question concerne aussi d’une part les voitures où l’on peut dormir et d’autre part lescamping cars classiques, voire les poids lourds ou bus reconvertis.
Et c’est un fait, depuis la fin des restrictions sanitaires, les véhicules de ce type s’arrachent sur le marché du neuf ou de l’occasion, car la formule répond à un grand besoin de liberté et de retour à la nature.
La pratique a pris de l’ampleur, au point de devenir problématique dans les zones touristiques. C’est le cas dans la vallée de Freissinières. Cyril Drujon est le maire de la commune.
On a vu une explosion de la fréquentation sur la commune, des gens principalement en vans, qui s’installent n’importe où, en pleine montagne ou au bord des cours d’eau.
Cyril Drujon
Cyril Drujon indique que cet été, on dénombrait plus d’une quarantaine de véhicules entre le chef-lieu de Freissinières et le parking de Dormillouse.
Pour mieux cerner le phénomène, la communauté de communes du Pays des Ecrins a réalisé une étude durant l’été 2022. Objectif : comprendre les usages et les motivations des vanlifers, détecter les problématiques et dégager des pistes de réponse. Stéphanie Davin a piloté la collecte et le traitement des données.
On est allé sur le terrain une fois par semaine, à la rencontre des personnes en véhicules aménagés. Il y avait aussi un questionnaire en ligne. Au total, on a récolté 100 réponses de vacanciers et 25 de saisonniers.
Stéphanie Davin
L’étude distingue les pratiques des vacanciers et des travailleurs saisonniers
Les vacanciers vanlifers enquêtés recherchent presque tous l’autonomie et la liberté (95 % des réponses), et le contact avec la nature (deux-tiers des réponses). De fait, les vans s’installent volontiers en altitude, au bord des torrents, des lacs de montagne ou au pied des falaises, pour des pratiques de pleine nature. Cela dit, les économies sur le budget logement rentrent aussi en ligne de compte dans près de la moitié des cas.
L’approche des travailleurs saisonniers est très différente : géographiquement, ils recherchent plutôt des sites de bas de vallée (par exemple le lac de Rama ou le pont des traverses à la Roche-de-Rame) et ils s’y installent sur la durée (alors que les vacanciers changent d’endroit tous les jours ou tous les deux jours). Et surtout, pour un quart des saisonniers interrogés dans l’étude, c’est la difficulté à se loger « en dur » qui les a orientés vers la vie en véhicule aménagé.
Qu’ils servent pour les loisirs ou pour le travail, les véhicules aménagés se multiplient dans les sites naturels, ce qui amplifie les conflits d’usage des lieux ainsi que les nuisances, visuelles, sonores ou environnementales.
Il faut trouver le juste équilibre entre la fréquentation des sites et la qualité du site. Les endroits naturels ne sont pas prévus pour la surfréquentation.
Cyril Drujon et Stéphanie Davin
Face à l’amplification du phénomène, les collectivités locales recherchent des solutions
La première réaction des élus est souvent de réglementer et d’interdire à coup de panneaux, de portiques ou d’arrêtés municipaux. Autant de dispositifs qui seront souvent retoqués s’ils sont attaqués en justice, par exemple par le très actif Comité de Liaison du Camping-car. Par exemple, les portiques limitant la hauteur à l’entrée des parkings sont illégaux, car discriminatoires envers des véhicules d’une même catégorie, la M1, qui regroupe les moins de 3,5 tonnes, donc les voitures, mais aussi les vans et la majorité des camping-cars.
Illégal aussi le pictogramme camping-car barré de rouge, car ce symbole n’existe pas dans le code de la route.
Et même quand les interdictions s’avèrent parfaitement légales, encore faut-il avoir les moyens de les faire respecter. La mutualisation des moyens de police est une piste pour les petites communes.
Les interdictions existent, mais les petites communes n’ont ni policiers municipaux ni gardes champêtres pour les faire respecter.
Cyril Drujon
L’arrivée annoncée d’une brigade de gendarmerie enquête environnement à Embrun sera peut-être aussi un autre levier coercitif face aux transgresseurs d’interdiction.
Mais une autre façon d’aborder le phénomène « vanlifers » est de l’accompagner par de la pédagogie et des aménagements, potentiellement payants. L’enquête menée au Pays des Ecrins indique que 80 % des vacanciers et 67 % des saisonniers seraient près à payer pour des équipements tels que point d’eau, toilettes et douches.
Autrement dit, une formule primitive et rustique du terrain de camping.