Violences liées au couple dans les Hautes-Alpes, quelle évolution depuis le Grenelle de 2019 ?
Sur les sept premiers mois de l’année 2021, le CIDFF 05 – Centre d’Information sur les Droits des Familles et de la Famille des Hautes-Alpes – a reçu dans ses locaux 50 % de personnes victimes de violences liées au couple de plus que sur la même période en 2020. Comment interpréter cette augmentation ? La directrice du Centre d’Information sur les Droits des Familles et de la Famille des Hautes-Alpes Delphine Defrade livre sa grille de lecture.
Selon Delphine Defrade, cette tendance est due à plusieurs facteurs qui « se télescopent ». Les confinements d’une part, qui pourraient avoir jouer un rôle dans l’augmentation des faits de violences. Mais selon la directrice du CIDFF 05, il faut surtout chercher du côté d’une libération de la parole et d’une prise de conscience de la société française.
Suite au Grenelle des violences conjugales, de nouveaux outils sont venus renforcer l’arsenal existant pour les prévenir et les réduire. Grande nouveauté de 2020, la possibilité pour les professionnels de santé de lever le secret médical en informant le procureur d’une situation de violence avérée « lorsqu’il estime […] que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences ». L’article 12 de la loi de juillet 2020 précise toutefois que « Le médecin ou le professionnel de santé doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime majeure ». C’est seulement en cas d’impossibilité à obtenir cet accord qu’il peut alors effectuer un signalement, avec le risque de briser la confiance de la relation avec son patient. Cette difficulté pourrait expliquer le faible écho rencontré par cette mesure jusqu’à présent. En juillet dernier, le procureur de Gap Florent Crouhy informait qu’aucun signalement de la part n’avait été effectué dans les Hautes-Alpes un an après l’entrée en vigueur de cette loi.
À l’inverse, la généralisation des bracelets anti-rapprochement a rencontré un franc succès. Tous ont été attribués dès leur arrivée dans le département. Mais selon la directrice du CIDFF 05 le Téléphone Grave Danger – généralisé dès 2014 – reste l’outil le plus utilisé car il ne nécessite « ni jugement, ni procédure d’éloignement » ce qui le rend complémentaire des bracelets anti-rapprochement.
Outre ces outils « technologiques », l’amélioration des conditions des dépôts de plainte a un rôle clé à jouer, d’où une convention signée entre le CIDFF 05 et le commissariat de Gap.
Encore faut-il que les services chargés de conduire les enquêtes ouvertes suite aux plaintes déposées aient les ressources humaines pour le faire. Comme le déplorait le procureur de Gap Florent Crouhy sur nos ondes, les parquets français souffrent d’un manque d’effectif criant, et il suffit de comparer le nombre moyen de procureurs par habitant avec les autres pays européens pour s’en convaincre. 12 procureurs pour 100 000 habitants en moyenne en Europe, contre 3 en France et 0,7 dans les Hautes-Alpes.