Localisation du projet au sein du domaine skiable. Source : étude d'impact.

Télécabine du Pontillas : quand l'adaptation au réchauffement climatique compromet la protection de la biodiversité

Quand l’adaptation au réchauffement climatique entre en conflit avec la protection des écosystèmes de montagne. Certains domaines skiables veulent palier la baisse de l’enneigement naturel en remontant leurs équipements en altitude. C’est le cas avec le domaine de Serre-Chevalier qui s’attend à obtenir dans les prochains jours le permis de construire pour les gares d’une nouvelle télécabine : ouverture prévue en décembre 2024. Un projet qui suscite espoirs et protestations.

Propulser des passagers en huit minutes depuis Villeneuve jusqu’au pied du téleski de Méa à un débit de 2800 personnes par heure pour faire du Pontillas un « vrai point d’attraction ». C’est ainsi que le nouveau maire de La-Salle-Les-Alpes, Emeric Salle, présente le projet de création d’une télécabine à 20 millions d’euros.

Parallèlement, cet équipement sera pour la station de l’occasion de créer un front de neige à plus haute altitude. Moyen selon le directeur du domaine Patrick Arnaud d’adapter la station au réchauffement climatique. En effet un espace débutant situé à 2 255m d’altitude consommerait moins de neige artificielle qu’au pied du domaine. De plus, les télécabines du Pontillas et de Fréjus, « obsolètes et énergivores seront démontées pour faire place à un appareil nouvelle génération » explique la mairie de la-Salle-Les-Alpes, permettant ainsi des économies d’énergies par rapport à la configuration actuelle. Sur le papier, tel que présenté par les défenseurs du projet, le futur télécabine du Pontillas serait exemplaire sur le plan écologique.

L’impact environnemental de cette nouvelle infrastructure n’est pourtant pas nul, comme l’atteste l’avis de la MRAe – Missions Régionales d’Autorités Environnementales rendu en juin 2021 et qui identifie trois enjeux : « les effets cumulatifs avec les autres projets concernant le domaine skiable ou situés à proximité de celui-ci, la préservation de la biodiversité, des habitats naturels et des continuités écologiques, et la préservation du paysage ».

Premièrement l’institution signale que « de nombreux aménagements connexes sont évoqués au fil du dossier, mais ne sont pas inclus dans la description du projet ni analysés dans l’étude d’impact et dans la définition du périmètre d’étude qui omet les deux télécabines à démanteler. »

Un « restaurant d’altitude » situé à proximité de la gare d’arrivée du futur télécabine, « un grand parking » au point de départ, une possible relocalisation d’un poste de secours, « des lignes de télécommunication et d’électricité »… autant d’aménagement éludés par l’étude d’impact selon la MRAe.

Plan masse projet gare amont (travaux de réseaux non évoqués dans l’étude d’impact). Source : permis de construire

Par ailleurs l’étude d’impact présente des défauts dans la réalisation des inventaires de la flore et des habitats mais aussi dans la caractérisation des zones humides. Outre l’impact résiduel du chantier sur 850m2 de zones humides - que l’étude d’impact réduit à 150m2, l’institution estime que « la caractérisation des zones impactées semble incomplète, car elle ne prend manifestement pas en compte l’ensemble des emprises du chantier et notamment la circulation des engins entre les différentes zones de travaux ». De plus « Aucune mesure de compensation à la destruction de zones humides n’est proposée » poursuit la MRAe, qui pointe la contradiction avec le « Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée, qui prévoit une compensation d’un ratio de 200 %. ».

En réaction à l’annonce du projet fin 2021, un collectif d’habitants s’est consittué pour souligner ces lacunes environnementales à travers une pétition signée par 750 personnes. Ils s’appuient également sur un avis de l’ONF qui serait réservé selon le collectif, notamment du fait de l’abattage nécessaire d’arbres sur 2,4ha. Dernier argument avancé par le Collectif des Montagne de Fréjus, l’impact paysager et patrimonial. Noël Barjon est membre du collectif.

Noël Barjon a sollicité et obtenu une rencontre avec la direction de la station pour faire entendre la position du collectif et demander qu’un nouveau tracé moins impactant pour l’environnement soit étudié. Il décrit la position de la direction comme « fermée » et « ne bougeant pas de sa position ». et ne se fait pas d’illusion sur les suites de cette entrevue.

La station annonce un lancement des travaux fin 2022 et selon nos informations le permis de construire pour les gares de départ et d’arrivée pourrait être délivré dans les prochains jours.

La direction du domaine a été contactée par la rédaction mais n’a pas donné suite à nos sollicitations.

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