Sylvain, facteur à Briançon : « les conditions de travail se sont largement dégradées à la Poste »
Les postiers et postières font partie des professions les plus mobilisées depuis le début du mouvement social contre la réforme des retraites. Sylvain Bled, facteur à Briançon, se réjouit de l’ampleur de la mobilisation du 1er mai.
Sylvain Bled est secrétaire de l’Union Locale de la CGT de Briançon et co-secrétaire de l’Union Départementale de la Fédération des Activités Postales et de Télécommunications (FAPT). Un peu plus de 600 personnes ont défilé dans les rues de Briançon lundi. Pour le facteur de 56 ans, la mobilisation est forte. Alors que les conditions de travail des postiers se dégradent partout en France, Sylvain Bled s’inquiète des conséquences du report de l’âge de départ à la retraite pour les facteurs, déjà impactés par des cadences difficiles et le port de lourdes charges.
La rédaction de ram05 : Quel regard portez-vous sur la mobilisation du jour à Briançon ?
Sylvain Bled : C’est plutôt satisfaisant, je crois que c’est la première fois qu’il y a 600 personnes à Briançon pour un premier mai, même si on a vu plus fort au plus fort des manifestations. On a vu 1600, 1700 personnes ici à Briançon au plus fort du conflit social. C’est plutôt encourageant pour la suite, ça ne va pas s’arrêter là. Il y a le conflit des retraites, mais il va en arriver d’autres.
Justement, le conflit des retraites est au cœur de la contestation. Pourquoi se mobiliser contre la réforme des retraites, notamment lorsqu’on est facteur ?
Moi quand j’ai commencé, la retraite était à 55 ans pour un facteur. Maintenant, elle est repoussée à 64 ans pour moi : ça va me faire 9 ans en plus. Sur toute ma carrière, je vais avoir perdu 9 ans de temps libre et je vais avoir 9 ans de travail en plus.
Les conditions de travail se sont dégradées à la Poste ?
Elles se sont largement dégradées à la Poste, depuis qu’elle est passée en société anonyme, depuis 2008, 2010. Elles ne sont pas de pire en pire d’une année sur l’autre. Mais par contre, moi je vieillis, et faire facteur à mon âge, 56 ans, c’est déjà éprouvant. A 64 ans, je ne sais pas comment je pourrais faire ce métier. Ce qui est difficile, c’est de sortir dehors tous les jours, qu’il vente, qu’il neige, qu’il pleuve, on est sur le terrain. Il y a un afflux de paquets qui est devenu énorme, surtout depuis le confinement, les gens commandent beaucoup de paquets. Cela demande beaucoup de manipulation, on est obligés de se déplacer jusqu’aux portes des appartements et ça nécessite plus d’engagement physique, que ça n’en demandait avant, où l’on allait à la boîte aux lettres remettre une lettre. Les paquets, on fait ça soixante fois par jour, et le courrier, six-cents fois par jour. Ça devient difficile.
A 64 ans, je ne sais pas comment je pourrais encore faire ce métier
Sylvain Bled
Comment envisagez-vous la suite des mobilisations ?
L’intersyndicale nationale se réunit [aujourd’hui]. La prochaine échéance, c’est le RIP. Le Conseil Constitutionnel va parler, dire s’il est valable ou pas. Après, je suis dans le flou, je ne sais pas où on va. Comment peut-on continuer à contester pour faire tomber cette réforme ? On s’est mobilisé pendant trois mois, c’est le plus gros conflit que j’aie jamais vu, mais je suis à sec, je ne sais pas comment aller plus loin et espérer gagner. Mais on ne désarme pas.
Un reportage signé par notre correspondant Élie Ducos.