Réforme des retraites:«une violence de plus faite aux femmes»
« Cette réforme protège les femmes qui ont commencé à travailler tôt, les femmes qui sont dans des métiers difficiles, les femmes qui ont dû interrompre leur carrière », a affirmé Élisabeth Borne, tout en reconnaissant à demi-mot que celles qui ne sont « pas abîmées par le travail » devront travailler plus longtemps. « C’est un effort collectif », a assuré le 2 février la première ministre, venue défendre la réforme des retraites sur France deux. Un effort collectif vraiment ?
Dans les cortèges, les manifestants et manifestantes sont nombreux à dénoncer une réforme pesant particulièrement sur les femmes. Comme Marine, consultante auprès d’ONG humanitaires, et sa fille Delphine, acrobate, rencontrées le 31 janvier lors de la première manifestation à Gap.
La revalorisation à 1200 euros bruts de retraite, c’est une fausse annonce. Car les toutes petites retraites actuelles concernent surtout des femmes, des femmes qui n’ont pas pu cotiser complètement et les 1200 euros seront corrélés à une (carrière complète) et ne pas avoir été à temps partiel, donc une fois de plus ça va exclure les femmes. C’est une violence de plus faite aux femmes.
Marine, manifestante
Aujourd’hui, l’écart entre les pensions des femmes et des hommes est de 40 % . Cette différence tombe à 28 % si l’on prend en compte les pensions de réversion touchées lorsque le conjoint décède. De plus, les femmes quittent déjà la vie active plus tard que les hommes. Du fait de carrières plus souvent irrégulières, elles sont deux fois plus nombreuses que les hommes à devoir travailler jusqu’à 67 ans : 19 % des femmes contre 10 % des hommes.
Ces inégalités à la retraite sont le reflet de celles subies dans la sphère professionnelle et familiale tout au long de leur vie. Camille Thoreau est conseillère au Planning familial 05.
Si l’égalité salariale femmes hommes existait, il y aurait 6 milliards d’euros de plus dans les caisses.
Les trois salariées du Planning familial de Gap étaient en grève sur les deux dates clefs, tout comme le numéro vert national « contraception, sexualité et interruption volontaire de grossesse (IVG) » dont elles assurent la permanence dans les Hautes-Alpes.
Selon l’étude d’impact du gouvernement, les femmes vont devoir relever leur âge de départ à la retraite beaucoup plus que les hommes. Et c’est cet allongement de durée d’assurance qui va leur permettre, toujours selon l’étude d’impact, de percevoir des pensions légèrement plus élevées.
On sait que beaucoup de femmes travaillent dans des secteurs difficiles : ménage, hôtesses de caisse, aides de vie. […] Dans ces secteurs difficiles, la réalité des chiffres, c’est que les personnes qui réussissent à partir à la retraite meurent assez jeunes à la retraite comparativement à des métiers moins difficiles.
Ces critères de pénibilité des métiers dit « féminins » ne sont pas reconnus. En 2017, une des ordonnances macron, venant réformer le droit du travail, a en effet supprimé quatre des dix critères de pénibilité, dont le port de charges lourdes et les postures pénibles.
Les femmes avec enfants vont être particulièrement touchées par la réforme. La majoration de durée d’assurance (MDA) leur permet de cumuler jusqu’à huit trimestres par enfant dans le privé. Mais la réforme diminue largement l’intérêt de ce dispositif, créé en 1972 pour «compenser les éventuels arrêts d’activité et de tenir compte des charges liées à l’éducation des enfants ». Un grand nombre de femmes ayant acquis suffisamment de trimestres au titre de la maternité pour partir à 62 ans ou 63 ans devront malgré tout continuer de travailler jusqu’à 64 ans. « Évidemment, si vous reportez l’âge légal, elles sont un peu pénalisées. On n’en disconvient absolument pas », a d’ailleurs reconnu Franck Riester, ministre chargé des relations avec le parlement.
Quant à la revalorisation des pensions minimales, elle ne concernera que les salariées parties sans décote. Pour bénéficier du minimum contributif, qui sera revalorisé jusqu’à 100 euros par mois, il faut en effet avoir une carrière complète ou bien, en cas de carrière incomplète, partir à 67 ans. Selon l’étude d’impact du gouvernement, cette hausse profitera davantage aux futures retraitées qu’à leurs homologues masculins. Camille Thoreau est dubitative.
J’ai envie de mettre en lumière le problème des femmes victimes de violences qui, comme elles auront de toutes petites retraites, auront encore plus de difficultés à quitter un conjoint violent.
Après deux journées de mobilisation, qui ont atteint des niveaux historiques dans la rue, les huit principaux syndicats appellent à de nouvelles manifestations mardi 7 février et samedi 11 février.