Réforme des retraites: les associations vont-elles perdre des bénévoles ?
Quel sera l’impact de la réforme des retraites sur un secteur associatif, déjà touché par la période Covid ? La réforme va-t-elle priver les associations d’une partie de leurs bénévoles les plus âgés, qui devront travailler plus longtemps ? Tour d’horizon dans les Hautes-Alpes.
Parmi les quelque 22 millions de bénévoles en France, environ un tiers sont retraités. Dans certaines associations, notamment de solidarité, c’est bien plus. A Embrun, on compte ainsi 80 à 90 % de retraités parmi les 62 bénévoles qui font tourner l’antenne du Secours populaire, selon son responsable Hubert Jost, lui-même retraité.
Affiliée à France nature environnement, La SAPN 05 (Société alpine de protection de la nature) compte une majorité de retraités dans son conseil d’administration et parmi les personnes très investies : entre 70 à 80 % de retraités, estime son président Hervé Gasdon.
Les retraités jouent un rôle stratégique dans le secteur associatif. Selon un rapport du Comité d’orientation des retraites daté de 2013, la moitié des présidents d’association sont retraités. A Ram05, c’est le cas de 10 des 14 administrateurs et administratrices de l’association. Dont l’intégralité du bureau, qui assure les tâches les plus chronophages. Le passage à la retraite favorise la vie associative puisque, chez les 55 à 65 ans, le taux de participation des retraités (42 %) est supérieur à celui des non retraités (30 %).
Tous les trois ans, France bénévolat effectue un baromètre des bénévoles en France. Le dernier note une légère érosion du bénévolat depuis 2013, passé de 40 % des Français à 37 % l’an dernier toutes catégories d’âges confondues. Cette baisse de l’engagement est plus marquée chez les 50-65 ans et les plus de 65 ans. Elisabeth Pascaud, administratrice de France Bénévolat, elle même retraitée et bénévole.
France bénévolat évoque plusieurs hypothèses pour expliquer cette baisse : l’impact des précédentes réformes des retraites de 2010 et 2017, des fins de carrière difficiles « qui engendrent un besoin de souffler », ainsi que « la pratique croissante du cumul emploi/retraite » pour compléter ses revenus. Sans oublier une raison démographique : la nécessité pour les seniors de « s’occuper des parents plus âgés ».
A Briançon, le Comptoir des assos accompagne les petites associations sportives, culturelles, de solidarité du nord du département. La structure a constaté une baisse du bénévolat suite à la période Covid, mais dresse un tableau optimiste de l’écosystème associatif local. Amandine Fantoni, salariée du Comptoir des assos.
Bonne nouvelle donc, depuis une dizaine d’années les jeunes et les jeunes actifs s’engagent plus, selon les chiffres de France Bénévolat.
Le Comptoir des associations aide ainsi les associations à mieux accueillir les bénévoles, notamment les plus jeunes. La structure organisera à l’automne prochain à Briançon un forum de l’engagement bénévole, en parallèle de l’habituel forum des associations.
Un travail par exemple pour attirer des administrateurs qui ne soient pas retraités et s’adapter à leurs horaires et leurs modes d’engagement. Car les plus jeunes s’investissent de façon plus informelle, parfois en dehors des associations, note Elisabeth Pascaud.
Un constat partagé par Hervé Gasdon, président de la SAPN 05, grosse association de protection de la nature.
Cette évolution est « très déstabilisante » pour les associations qui depuis plusieurs années cherchent à rendre le bénévolat plus souple et moins pesant, juge Elisabeth Pascaud. Entre 1999 et 2008, la part de retraités engagés dans la vie associative avait, au contraire, progressée. Une hausse notamment expliquée par des politiques publiques selon le rapport du Comité d’orientation des retraites déjà cité : un meilleur état de santé, l’accroissement du niveau d’éducation des retraités au fil des générations, les 35 heures qui leur ont permis de commencer une autre activité avant la retraite. Enfin, les engagements politiques ou syndicaux vécus dans leur jeunesse qui les ont marqués et les ont prédisposés à prendre de nouveaux engagements.
Ce qu’il faut retenir, c’est que les associations dans les Hautes-Alpes ne connaissent pas de pénurie de bénévoles pour l’instant. La réforme des retraites risque de renforcer la baisse de la proportion de seniors bénévoles amorcée depuis une dizaine d’années au niveau national. Mais que les associations ont déjà engagé un travail pour attirer plus de jeunes, avec des modes d’engagement différents.