La SAPN FNE 05 dévoile l’état des lieux de son scénario de transition énergétique pour les Hautes-Alpes
Si le tourisme est le principal moteur de l’économie haut-alpine, il est aussi le secteur qui tire à la hausse son empreinte énergétique et donc son empreinte carbone. C’est la conclusion d’un premier rapport publié par la SAPN FNE 05, qui travaille à l’écriture d’un scénario de transition énergétique dans les Hautes-Alpes. Un rapport qui, à ce stade, entend surtout poser de bonnes bases pour réfléchir collectivement, avant de dégager des solutions.
Transition énergétique ou transition de société ? Produire différemment l’énergie ou la consommer autrement et moins ? Le scénario de transition énergétique qu’élabore la SAPN FNE 05 pour les Hautes-Alpes est fortement inspiré de la logique « Négawatt ». En clair : avant de chercher des réponses, se poser les bonnes questions. La première phase de cette étude a été rendue publique lors de la Foire Bio Génépi à Embrun le dimanche 10 septembre.
Emmanuel Rauzier, contributeur au scénario national de transition énergétique de l’association Négawatt, a participé à la pose de cette première pierre du scénario de transition de la SAPN FNE 05. En bon Négawatt, rien ne l’agace plus que les débats qui se focalisent sur la façon dont l’électricité doit être produite : nucléaire contre photovoltaïque, photovoltaïque contre éolien. Car dans les Hautes-Alpes comme à l’échelle nationale, l’électricité ne représente aujourd’hui que 20 % de ce que nous consommons, si l’on inclut les énergies fossiles utilisées pour construire les logements, se déplacer, produire notre alimentation… Faut-il en priorité se pencher sur 80 % du problème ? Ou les 20 % que représente l’électricité ?
C’est le fait que cette question soit actuellement éludée qui a motivé la SAPN FNE 05 à élaborer son propre scénario de transition énergétique local, expliquait Hervé Gasdon, le président, au micro de ram05 lors d’un direct réalisé sur la Foire Bio.
On s’est aperçu que la transition énergétique dans les Hautes-Alpes était quelque chose qui était conduit par certaines instances de la même façon qu’on avait fait les fossiles ou le nucléaire il y a trente, quarante ans, cinquante ans. C’est à dire que l’objectif n’était pas une transition sociétale mais une transition énergétique. L’exemple typique, c’est dans le nord du département, où l’on met microcentrales hydroélectriques dans tous les torrents, alors qu’il en restent très peu de vierges […] Et dans le sud du département, les exactions que l’on commet actuellement, c’est de raser des forêts pour pouvoir mettre des parcs photovoltaïques.
Hervé Gasdon, Président de la SAPN FNE 05
Ce travail de recherche a mis en lumière un autre élément essentiel pour poser les bases d’un scénario de transition. Si l’on s’en tient à l’énergie consommée par les haut-alpins, le département est relativement sobre. En revanche, l’empreinte énergétique, qui comprend l’énergie utilisée pour la fabrication de biens produits à l’extérieur du département, mais utilisée par les haut-alpins, la balance s’inverse. C’est ce que décrit Emmanuel Rauzier.
Dans le département, [les résidences secondaires] consomment peu d’énergie de chauffage [ndlr : car elles ne sont fréquentées que quelques semaines dans l’année] . Par contre il a fallu beaucoup d’énergie pour les créer […] L’empreinte, c’est se poser la question des consommation cachées contenues dans les différents éléments de notre consommation. Principalement le bâtiment mais aussi les voitures, il n’y a pas d’industrie de voitures dans les Hautes-Alpes, et pourtant on roule en voiture, et il faut de l’acier pour ça. Et quand on chiffre ça, on double nos consommations. Et le tourisme pose une redoutable question. Il est évident que le tourisme, c’est quelque chose qu’il faudra continuer. De quelle façon ? La question reste ouverte.
Emmanuel Rauzier, ingénieur en énergétique, expert industriel, contributeur au scénario Négawatt
Les travaux de la SAPN FNE 05 révèlent également que l’énergie grise utilisée pour produire les bâtiments est plus importante pour les résidences secondaires et les établissements d’accueil touristiques que pour les haut-alpins. De fait, avec 245 lits touristiques pour 100 habitants, les Hautes-Alpes présentent un des « taux de fonction touristique » les plus élevés de France. Avec la conséquence suivante.
Si on raisonne en consommation, les Hautes-Alpes sont à 4 TW.h. C’est pas grand chose, la consommation française c’est 2000 TW.h. Par contre, ce qui est intéressant, c’est de voir que la consommation énergétique double quasiment si je tiens compte de l’empreinte, on est plutôt autour de 7 TW.h, ce qui n’est pas le cas du tout à l’échelle française. C’est du essentiellement au tourisme, et on voit que les touristes représentent grosso modo un tiers [de l’empreinte totale] c’est à dire la moitié de ce que consomme les haut-alpins. Donc c’est un enjeu considérable.
Emmanuel Rauzier, ingénieur en énergétique, expert industriel, contributeur au scénario Négawatt
La SAPN FNE 05 s’est aussi intéressée aux autres secteurs économiques et applications du quotidien. Avec 135 GWh consommés, l’agriculture reste marginale dans l’empreinte énergétique des Hautes-Alpes. Emmanuel Rauzier insiste toutefois sur les autres rôles qu’elle peut jouer : rejet ou stockage de gaz à effet de serre, perte ou non de biodiversité, et épuisement des sols. Une spécificité locale tout de même : la circulation des engins (moissonneuse et tracteurs notamment) est minoritaire dans la consommation, derrière le chauffage des serres qui pèse pour 58% de l’énergie utilisée.
Sans surprise, la mobilité est plus énergivore dans les Hautes-Alpes qu’à l’échelle nationale, à cause de la prépondérance de la voiture individuelle dans les déplacements du quotidien.
À ce stade, la SAPN FNE 05 s’en tient à cet état des lieux commenté, mais n’a pas commencé l’écriture du scénario à proprement parler. C’est l’objet de la phase qui a débuté ce weekend, et pour laquelle l’association invite les haut-alpins à contribuer, conclut Emmanuel Rauzier.
Notre idée, nous, c’est que la SAPN FNE 05 puisse être un tremplin, un passeur, entre les citoyens et des experts énergétiques.
Emmanuel Rauzier, ingénieur en énergétique, expert industriel, contributeur au scénario Négawatt