La Région taille sévèrement dans le financement des Chantiers d’Insertion, fragilisant 1800 emplois dans les Hautes-Alpes
Ces associations qui œuvrent pour l’insertion de personnes très éloignées de l’emploi alertent sur les coupes budgétaires prévues dans le budget 2025 de la Région. Celle-ci fait valoir les économies qui lui sont imposées par l’Etat tandis que les représentants des ACI (Ateliers et Chantiers d’Insertion) estiment que cette décision est aussi le reflet des priorités politiques de la majorité.
Ces structures ont pour but de lever les freins à l’emploi de personnes en difficulté d’insertion et d’emmener les salariés en insertion à l’emploi ou la formation. Parmi les plus emblématiques au niveau national, Emmaüs et les Restos du cœur peuvent être amenés à employer des personnes en ACI. Localement, on trouve entre autres les Fils d’Ariane, la Petite Ours ou encore Environnement et Solidarité. Une association que dirige Loïc Thomas.
Il y a un an, on apprenait que la Région, qui est le troisième financeur des Chantiers d’Insertion après l’Etat et les Départements, imposait une coupe de près de 30% sur nos budgets. Une décision unilatérale dont on a eu connaissance quand nos budgets étaient déjà bouclés. […] Et aujourd’hui on a appris que la Région voulait supprimer complètement son intervention dans nos structures sans qu’il n’y ait eu un quelconque dialogue, une quelconque annonce.
Loïc Thomas, directeur de l’association Environnement et Solidarité
Le conseiller régional Christophe Madrolle confirme les coupes sévères dans le budget 2025, mais pas leur suppression. Des coupes que la Région justifie par les économies qui lui sont demandées.
Je ne peux pas vous dire qu’il y a une suppression pure et simple. Aujourd’hui je peux vous dire qu’il y aura une forte baisse des subventions attribuées à l’économie sociale et solidaire dont font partie les Chantiers d’Insertion. Nous devons faire plus de 120 millions euros d’économie. Il y a des coupes à faire dans différents secteurs, donc nous nous recentrons sur nos compétences obligatoires, que sont les transports, le développement économique, l’entretien des lycées. Des sujets qui sont importants pour nos concitoyens. Et je ne retire rien au travail que font les Chantiers d’Insertion. C’est un domaine que je connais bien puisque je suis travailleur social. […] Je suis vigilant à l’activité qu’est la leur.
Christophe Madrolle, élu régional au sein du groupe Notre Région D’abord
À l’inverse, l’Union des Employeurs de l’Économie Sociale et Solidaire indique à ram05 que le budget voté prévoirait bien la suppression complète de cette aide. L’argument principal avancé serait que le chômage a connu un net recul dans la Région, justifiant la fin d’une politique volontariste pour favoriser l’insertion, qui ne fait pas partie de ses compétences.
Membre du Collectif 05 qui représente les ACI dans les Hautes-Alpes, Loïc Thomas dit comprendre l’obligation dans laquelle se trouve le conseil régional de réduire ses dépenses. En revanche, le choix des secteurs dans lesquels elles s’opèrent les coupes sont le reflet des priorités politiques de la Région, avance-t-il.
Ce qu’on dénonce, c’est quand même un manque de considération de la part de la Région. Parce qu’ils font les choses dans leur coin, sans nous concerter. On sait que la Région doit faire des économies. Mais ces choix qui sont effectués, de financer plutôt la neige artificielle pour les JO [ndlr : de 2030 dans les Alpes françaises] plutôt que l’insertion, nous semblent peu cohérents.
Loïc Thomas, directeur de l’association Environnement et Solidarité
Les représentants d’ACI dénoncent également la méthode employée. Alors que les budgets prévisionnels des associations sont bouclés depuis longtemps, celles-ci vont devoir revoir leur copie de manière substantielle pour la deuxième année consécutive.
[L’association Environnement et Solidarité] avait déjà perdu 20 000 euros en 2024. Là, on perd 35 000 euros. Donc les embauches et remplacements qu’on avait prévus, on ne les fera pas. On va devoir réduire la voilure parce que la situation est vraiment alarmante pour 2025.
Loïc Thomas, directeur de l’association Environnement et Solidarité
Comme dans l’économie sociale et solidaire, une difficulté en cache souvent une autre, les ventes et prestations des ACI sont plafonnées à 30 % de leur chiffre d’affaire. Ces entreprises ne pourront donc pas compenser les coupes de subvention en augmentant leur autofinancement. Christophe Madrolle a conscience de ce paradoxe, mais relativise l’impact des coupes en avançant que la Région ne représente qu’une petite part des aides pour les ACI, après celles apportées par l’État et les Départements. Il se dit par ailleurs prêt à discuter au cas par cas des difficultés engendrées.
Moi j’ai dit aux Chantiers d’Insertion, j’ai dit au Coraace PACA [ndlr : le réseau régional de l’Economie Sociale et Solidaire], ma porte reste entièrement ouverte pour trouver des moyens d’accompagner les postes.
Christophe Madrolle, élu régional au sein du groupe Notre Région D’abord
Dans un communiqué, les réseaux d’ACI de la région PACA rappellent qu’en 2023, leurs structures ont permis à plus de 9 000 personnes d’accéder à un parcours mêlant emploi et accompagnement et assurent que la suppression des subventions de la Région aura pour conséquence de laisser « des milliers de personnes sans solution pour retrouver leur dignité et leur place dans la société. »
L’Union des Employeurs de l’Économie Sociale et Solidaire Provence-Alpes Côte d’Azur qui fédère 22 syndicats et groupements d’employeurs dans les secteurs associatif, mutualiste et coopératif, souligne aussi le contexte dans lequel ces coupes interviennent. Alors qu’en octobre, la Région annonçait le lancement d’une « stratégie régionale de l’ESS » et un soutien important aux entreprises du secteur, celui-ci se voit finalement amputer d’environ 2 millions d’euros de financement. L’UDES estime à 12 000 le nombre d’emplois menacés à l’échelle de la Région, et 1800 dans les Hautes-Alpes.